Bonjour,

Voilà ce que conclut le Kronprinz de Prusse, commandant la Veme armée allemande devant Verdun, à la fin de la bataille de Verdun :

« A l’aube du 15 décembre, nos batteries d’artillerie et tous les ravins situés au nord de la ligne Louvemont – colline 378 – redoute de Bezonvaux subissent un bombardement chimique. L’infanterie française s’élance peu avant 11 heures, après deux heures de feu roulant sur toute la largeur du front, de Vaux à Vacherauville. De notre côté, la coopération entre l’infanterie et l’artillerie laissa encore une fois fortement à désirer et notre barrage débuta trop tard.

Sur notre centre, à Chauffour et au nord de Douaumont, une partie de la 10eme division et la 14eme du général von Versen tinrent leurs position avec un certain acharnement jusqu’à la soirée. Mais à leur droite et à leur gauche, l’ennemi s’infiltra sur un large front. Sur notre aile droite, Vacherauville, une partie de la côte du Poivre, Louvemont et la cote 378 et, sur notre gauche, l’intégralité d’Hardaumont et la crête de la redoute de Bezonvaux tombèrent. Durant la seconde partie de journée, l’ennemi augmenta ses importants gains initiaux et enveloppa les positions toujours tenues par nos troupes au centre, depuis les deux flancs et l’arrière. Les combats se poursuivirent jusque tard dans la soirée, mais nous luttâmes en vain… Cette seconde défaite devant Verdun fut marquée par un nombre totalement disproportionné de soldats capturés par l’ennemi, excédant même ceux du 24 octobre. Le communiqué ennemi annonçait le chiffre de onze mille prisonniers, la plupart indemnes, de nos cinq divisions engagées…

L’esprit de nos troupes a décliné dans des proportions alarmantes… leur moral et leur potentiel de résistance s’est avéré très inférieur à ce que l’ampleur de la tâche exigeait d’eux…

La gigantesque bataille de Verdun en 1916 touchait à sa fin. Aux assauts audacieux et réussis des premiers jours de février avaient succédé des semaines et des mois de progressions lentes, sanglantes et furieuses ; puis la diminution graduelle de nos effectifs avait entraîné la cessation de l’offensive et, pour finir, deux revers regrettables nous avaient chassés du terrain imbibé de sang que nous avions si chèrement acquis. Il n’est pas étonnant que cette fin malheureuse à tous nos efforts ait serré le cœur des généraux responsables.

Je compris pour la première fois ce que signifiait perdre une bataille. Doutes quant à mes propres compétences, auto-apitoiement, aigreur, critiques injustes, tout ceci traversa successivement mon esprit, formant un lourd fardeau sur mon âme, et je ne crains pas de reconnaître qu’il me fallut un certain temps avant de retrouver mon équilibre mental et ma foi inébranlable en la victoire finale. »

"....n’est pas étonnant que cette fin malheureuse à tous nos efforts ait serré le cœur des généraux responsables.

Je compris pour la première fois ce que signifiait perdre une bataille. Doutes quant à mes propres compétences, auto-apitoiement, aigreur, critiques injustes, tout ceci traversa successivement mon esprit, formant un lourd fardeau sur mon âme, et je ne crains pas de reconnaître qu’il me fallut un certain temps avant de retrouver mon équilibre mental et ma foi inébranlable en la victoire finale. »

Comment doit-on comprendre, ce message du Kronprinz: de la désinvolture face aux lourdes pertes humaines "....serré le coeur des généraux responsables" ?
ou au contraire une réelle autocritique en prenant pour lui la responsabilité de la défaite "...... ..doutes quand à mes propres compétences" ?

Bonjour,

Une chute de la confiance et, à mon avis, surtout la peur de la postérité.

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Bien qu’on ait du cœur à l’ouvrage, l’Art est long et le Temps est court.

Charles Baudelaire

Si "cette fin malheureuse a serré le cœur des généraux responsables", que devaient ressentir les Allemands dont les fils venaient d'être chassés du "terrain imbibé de sang qu'ils avaient si chèrement acquis" ? Le moins que pouvait faire le Kronprinz, était de se mettre à l'unisson des Allemands qui avaient toutes les raisons de pleurer devant un tel carnage consenti pour rien.

Comme tout le monde, l'homme Guillaume est déstabilisé par le choc et le doute, mais pour un certain temps seulement. Le prince héritier, le futur Kaiser, lui, ne tarde pas à "retrouver son équilibre mental et sa foi inébranlable en la victoire finale". On vient d'encaisser un mauvais coup, ça fait mal, mais on gagnera quand-même, voilà le message.

On est les Kaisers un peu responsables de tout ça, mais on n'en n'est pas moins hommes, telles est notre devise. Et inversement, nous ne sommes que des hommes mais nous n'en sommes pas moins vos Kaisers, on vous a fait faire ce qu'il fallait et ce sera payant à la fin, telle est votre denise.

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La bravoure des soldats français, qui empêchèrent coûte que coûte que les soldats allemands ne passent à Verdun a surpris les allemands (et même le monde entier!) car ils comptaient sur leur épuisement pour en finir. (mais au prix de quelles pertes humaines !)

Je suppose que la chute facile de Douaumont avait dans un premier temps convaincu l'EM allemand que la résistance française, toute farouche qu'elle ait été (bois des Caures) allait s'effondrer. Ce fut déjà une cruelle désillusion de constater qu'il n'en était rien; un battage énorme fut fait autour de cette prise, on fit sonner les cloches dans toute l'Allemagne et le monde pensa que la guerre basculait. Les seuls qui ne réagirent pas furent les Français : Joffre avait cessé de compter sur les fortifications traditionnelles, le fort n'était pas défendu, il avait même failli être désarmé, sa perte en soi n'avait rien d'un drame. C'est en voyant l'usage qu'en faisaient les Allemands et la façon dont ils le montaient en épingle que les Français changèrent d'avis et en refirent à leur tour un lieu symbolique, à reprendre à tout prix - d'où l'attaque de mai 16, prématurée, insuffisamment préparée, victime de la division des moyens entre Verdun et la Somme, et qui fut pourtant près de réussir.

Oui, l'attaque de mai avait échoué et il fallut attendre une attaque le 24 octobre pour reprendre le fort de Douaumont, avec l'infanterie de marine. Pas de combats exeptionels pour autant. Gaston Gras en parle dans son bouquin souvenir. Les combats ont été plus vifs lorsque les français ont repris les côtes 304 et 344 ainsi que le Mort-Homme en août 1917.

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Charles Baudelaire

La reprise de Douaumont est "exceptionnelle" en ce sens qu'elle se déroule d'une manière relativement facile (dans le contexte...) et par conséquent fera croire à la France "qu'elle a la méthode et qu'elle a le chef"...

Oui,

Nivelle pensait avoir trouvé la bonne méthode (allemande) pour briser le front allemand. Ce qui a fonctionné à Verdun, n'a pas fonctionné quelques mois plus tard sur l'Aisne.