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Message Publié : 09 Juin 2016 5:12 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile
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Voila, je me permets d'exhumer ce fil, que je trouve très intéressant.
:mrgreen:
Quels ont été les généraux français qui en 14/18 on ménagé le sang de leurs soldats, qui ont essayé de limiter l'effroyable hémorragie humaine des combats ?
Mac Arthur disait que les bons généraux n'ont jamais de grosses pertes.
Il me semble que Pétain a fait partie de ces généraux qui ont essayé de limiter les pertes, mais quels ont été les autres ?

Merci de vos aimables contributions.
:mrgreen:

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Le souvenir ne disparait pas, il s'endort seulement.
Epitaphe trouvée dans un cimetière des Alpes

La science de l'histoire est une digue qui s'oppose au torrent du temps.
Anne Comnène, princesse byzantine (1083-1148)

Le passé fait plus de mal que le présent
Proverbe Albanais


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Message Publié : 09 Juin 2016 7:56 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 13 Mars 2010 20:44
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Je pense que Lanrezac était comme Pétain, mais Joffre l'a brisé très vite
C'est l'une des grandes myopies intellectuelles de Joffre que d'avoir ainsi écarté Lanrezac

_________________
il pleuvait, en cette Nuit de Noël 1914, où les Rois Mages apportaient des Minenwerfer


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Message Publié : 18 Juil 2016 16:02 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

Inscription : 04 Mai 2010 14:51
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On peut citer aussi Castelnau qui résiste au Grand Couronné en 14 sans pertes excessives,Fayolle partisan d'offensive mesurée à objectifs définis et limités.Un Degoutte qui bien que commandant à des troupes d'élite ne les gaspille pas lors des offensives de 1918.


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Message Publié : 18 Juil 2016 23:24 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 16 Jan 2010 19:18
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Et bien sûr le concepteur français du char de combat qui n'est pas encore général :le colonel Etienne qui dès le départ pense à toutes les morts de soldats français qu'évitera l'adoption du char....


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Message Publié : 01 Août 2016 15:45 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

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Citer :
C'est facile à dire mais, au-delà des réflexions d'ordre tactico-stratégique, le drame c'est la guerre, la société dont l'évolution l'a rendue possible. Mon intervention n'a guère de matériau historique mais c'est celle que m'a inspiré le titre précis de ce sujet...


Assez bien dit, et je partage votre point de vue.

Cependant, la 1ere guerre a été un traumatisme dont on parle encore..... malgré les innombrables guerres anciennes qui avaient déjà provoqué des ravages et de nombreuses pertes, et surtout malgré les boucheries encore plus grandes de 39-45 (mais on peut trouver à cela comme explication: 1) finalement, la 2nde guerre est une continuation de la 1ere, 2) la France, exceptée la Normandie, a été beaucoup moins touchée).

Comment une société dite "avancée" comme celle de la Belle Epoque a-t-elle pu en arriver à sacrifier des générations entières d'hommes comme si c'était une sorte de "jeu"..... sans parler des souffrances atroces que beaucoup de rescapés ont subi (qui font de la mort presque une belle affaire en comparaison de ce qu'ont subi les gueules cassés, les grands blessés, les gazés, les traumatisés dont l'existence s'est réduit à l'ombre de ce qu'elle était....Etc)?

Qu'en 1914, les Etats majors n'aient pas saisi certains enjeux de la guerre industrielle, ok......... (ceci dit, une telle inconstance, une telle irresponsabilité quand on parle de la vie de centaines de milliers d'hommes pour la seule année 1914, sans compter toutes les autres vies brisées, de la famille, des mutilés....Etc, c'est déjà criminel). Mais que dire des offensives de Verdun, de la Somme, du Chemin des Dames, où là le commandement savait parfaitement à quoi les troupes s'exposaient? Y avait-il une telle panique, une telle angoisse, une telle impuissance chez les responsables militaires et politiques pour qu'après 3 ans de massacres quasi inutile, on ait encore cru en la percée miraculeuse? Comment pouvaient-ils dans cette situation se prévaloir d'une quelconque autorité? D'une quelconque légitimité? Comment une République a-t-elle pu ainsi laisser le sort de millions de ses citoyens dans les mains de quelques individus comme Nivelle ou Joffre, avec autorité pour les envoyer à la mort comme bon leur semblait?

Le temps long, sur des questions si vastes, est toujours intéressant.

La guerre se pratique par toutes les sociétés humaines: des chasseurs cueilleurs dit primitifs aux société post industrielles telle que la nôtre.

A l'origine, il s'agit de conflits tribaux souvent très peu meurtriers (j'ai en mémoire des textes évoquant certaines guerres entre indiens où le but est de "marquer un coup", y compris humilier un adversaire en le touchant de façon non léthale), surtout parce que les effectifs engagés sont très faibles et qu'on ne peut se permettre de sacrifier trop de monde. La guerre a en outre probablement très tôt des connotations mystiques (rite de passage, jugement divin....Etc) et sociales (les hiérarchies s'y décident).

Dans l'antiquité, la guerre et l'armée s'institutionnalisent à mesure que la civilisation se développe: l'armée réglementée et au service de l'Etat apparaît. Mais on a toujours une forte connotation religieuse et une célébration du héros de façon quasi mystique. Mais l'être humain en temps de guerre n'a aucune valeur: certains conflits sont des boucheries (la conquête de la Méditerranée par Rome a été extrêmement sanglante), et le vaincu est voué à tous les maux.

Au Moyen Age encore, la guerre est encore une affaire plus ou moins privée. Et elle est enrobé de religiosité et de mysticisme (culture de l'exploit chevaleresque....etc). Durant le Moyen Age central, la guerre est faire de petits coups de mains et d'escarmouche où le but est de faire la preuve de sa bravoure. Ces guerres sont très peu meurtrières par rapport à celles de l'antiquité ou de la période moderne. La technologie joue déjà un rôle: le chevalier est de mieux en mieux protégé, et il constitue l'essentiel des troupes jusqu'à la guerre de Cent Ans. Et c'est durant cette dernière que l'on a déjà des conflits extrêmement durs avec des conditions de vie et des excactions abominables. A défaut d'être acceptés, ces actes et ces destructions paraissent presque comme une fatalité, quelque chose qui ne peut être évité (même si le traumatisme de la Guerre de Cent Ans, qui a mis fin à la période médiévale, a certainement été immense, peut-être de manière comparable à la 1ere guerre mondiale, sachant que comme elle, elle s'est conjugué à d'autres maux et notamment une pandémie extrêmement meurtrière).

Avec les Etats de droits, notamment après la Révolution française, on invente des règles plus précises à la guerre, avec un respect de la vie humaine supposé, né des Lumières, de l'invention des droits de l'homme....Etc. Et cela aboutit paradoxalement à 14-18. Je pense qu'en effet, comme pour les autres périodes, la guerre était faite en rapport avec son époque. Et le début du XXème siècle conjugue une tradition guerrière héritée du passé, où l'exploit, l’héroïsme, le sacrifice sont exaltés, et une société industrielle rationaliste, froide, où tout n'est que rouages et calculs, où l'efficacité est reine et prime sur toute considération morale. Conjuguez cela avec une période de forte tension sociale, avec des ruptures de classes prononcées (on est 40 ans après la Commune seulement) où on se méprise et se jugent en permanence entre classes (sans faire de politique, il est clair que le mépris pour certaines classes sociales a fait partie des facteurs qui expliquent l'indifférence de certains responsables militaires et politiques: la vie d'un paysan ignare, arriéré et stupide, de leur point de vue, n'avait pas beaucoup de valeur).

C'est à mon sens ce qui explique qu'une nation dite moderne ait pu envoyer ses propres composantes à l'abbatoir de cette façon, qu'on se soit obstiné, mettant de côté tous les beaux principes républicains hérités de la Révolution dans une folie générale telle que celle là. Les vieilles traditions surannées des écoles de guerre,l'arrogance d'une classe sociale par rapport aux autres, mêlés à la déshumanisation de la civilisation industrielle sont à mon avis parmi les plus grands facteurs qui expliquent ce qu'il s'est passé. Dans la société industrielle moderne, au fond, et malgré l'apport de l'humanisme et des lumières, l'individu ne compte pas.

Parler de cruauté règle un peu trop simplement le problème sans chercher à regarder en profondeur. Les généraux, bien que premiers responsables, n'étaient pas seuls: les députés et autres élus n'ont pas bronché (pas en majorité en tous cas) et ont même mis la pression aux militaires pour obtenir cette fameuse percée pourtant impossible à effectuer, sans se préoccuper de la situation au front et des vies en jeu dont le reste du pays ne se préoccupait pas ou n'avait pas conscience. Pourtant, la population devait bien se rendre compte de l'hécatombe, malgré la propagande et la censure, ne serait-ce que parce qu'il s'agissait de leurs propres parents, que parce qu'il fallait bien s'occuper des blessés, des mutilés..... Et a-t-elle réagi? Ne porte-t-elle pas une part de responsabilité? D'autant que ces pauvres poilus rescapés, on ne voulait pas les écouter après guerre (j'ai lu et entendu nombre de témoignages en ce sens, les poilus se sentant de toute façon totalement incompris et ne trouvant de réconfort qu'auprès de leurs anciens camarades).

On ne voulait pas savoir réellement ce qu'ils avaient vécus, ce qu'on leur avait imposé, le mépris de leur existence dont on avait fait preuve, y compris parmi leurs proches...... car peut-être qu'admettre comment on avait traité des millions d'hommes de cette manière aurait fait voler en éclat les fondements de la société d'alors.......


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Message Publié : 02 Août 2016 9:15 
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Salluste
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Même si le commandement n'est pas exempt de reproches (loin de là, en particulier sur la durée de l'utilisation de vagues marchant lentement lors des assauts dans les doctrines, même si sur le terrain certains passaient outre ces consignes) il ne faut pas tomber non plus dans l'excès d'interpréter les événements avec ce qu'on sait de leur déroulement ultérieur.
Aujourd'hui il est logique de penser qu'il fallait se la jouer défensive, en particulier en 1914, que la guerre serait longue, que percer une ligne de tranchée serait quasiment impossible avant 1918 et les tactiques d'infilatration et de chars etc...
Mais, l'expérience des conflits antérieurs même récent pouvait laisser à penser que c'était faisable :

1864-1865, camapgne de Grant avec la longue guerre de tranchée de Petersburg, l'attaquant finit par l'emporter sur le défenseur au prix de lourdes pertes certes. Une différnec toutefois, Grant ne s'acharnait pas sur un seul point et changeait ses points d(attaques quand ça resistait trop (et quand il a trop insisté, il a avoué lui-même s'être trompé)
1870 : l'armée impériale a une tactique défensive et son feu fera des ravages dans la Garde Prussienne par exemple. mais les assauts finissent par payer. Les français en tireront la leçon (fausse) que l'offensive finit toujours par payer si on est prêt à en payer le prix, les allemands que le feu est meurtier
1904-1905 : guerre Russo-Japonaise avec ses longues batailles/sièges de tranchées qui préfigurent vraiment 1915-16. là encore, certes au prix de lourdes pertes, l'attaquant finit par l'emporter
Guerres des Balkans, systématiquement malgré les pertes ce sont les atatquant qui l'emporte.

La compréhension de ses conflits a sans doute été mal digérée mais pouvait laisser penser que l'offensive finit par l'emporter, et ça Entente et Alliance partagent le même avis, seule l'offensive peut apporter la victoire.

Pour l'Entente c'est encore pire, une bonne partie du territoire et occupée : difficile de dire pour les politiques (qui commandent les militaires) ben tant pis, on va juste rester à attendre que l'ennemi continue à attaquer juqu'à ce qu'il soit épuiser (ce qui en fait va se passer en 1918). Les populations ne comprendraient pas.

Ce qui est plus problématiques est l'acharnement quand une bataille est mal engagée à continuer à tout crin : les militaires ont une plus lourde responsabilité à ce niveau mais les politique s ne sont pas blanc-bleus eux non plus.

Il est très diffcile de juger des performances, de la "cruauté" etc... de ce conflit : le doigt a été mis dans l'engrennage, et malgré ce qui se dit sovent les militaires savaient que le conflit serait meurtriers, mais une fois engagé difficle de revenir en arrière ou de trouver un point de déblocage. Il faudra un cumul amélioration des tactiques et du matériel, usure des belligérants etc... pour enfin qu'un camp puisse l'emporter.


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Message Publié : 02 Août 2016 11:39 
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Jean Mabillon
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Comme disait le colonel Estienne ;"Attaques ! attaques! oui,attaquons comme la Lune!"


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Message Publié : 02 Août 2016 12:07 
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Sir Peter a écrit :
Comme disait le colonel Estienne ;"Attaques ! attaques! oui,attaquons comme la Lune!"

Je pense que cette phrase (très exactement :"Attaquons ! Attaquons ! Comme la lune !") est de Lanrezac, un des rares généraux de 14 qui n'appréciait pas l'idée de l'offensive à outrance.
(C'était également le cas de Pétain - "le feu tue" - qu'on tenait en assez haute estime pour en faire un professeur à l'Ecole de Guerre, mais qui n'était pas général. Sans la guerre, il aurait fini sa carrière comme colonel.)

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Message Publié : 02 Août 2016 14:00 
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Jean Mabillon
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L'un ou l'autre,je crois avaient pointé le problème :c'était,sans doute cela bien davantage cela que la cruauté.Les temps étaient durs pour toutes les professions à responsabilités et à risques quand on ne percevait pas d'autre solution et l' on s' y soumettait parfois soi même ou les membres les plus chers de sa famille "pour l'exemple" à donner aux autres.J'ai connu cela chez les miens.


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Message Publié : 02 Août 2016 14:53 
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Pierre de L'Estoile
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Un autre élément est à considérer : le résultat perçu des offensives.

En effet, si celles-ci s'étaient déroulés comme des boucheries sans nom, où les troupes alliés se font décimer sans faire un seul mort ennemi, il est évident qu'elles auraient été arrêtées. Or, ce n'est pas le cas. L'ennemi a toujours des pertes, même s'il s'avère au final que le ratio est proche du 1 pour 2 (première bataille de Champagne : 93 432 alliés, 46 100 Allemands).

C'est donc que les troupes dépassent le no-man's land et atteignent les tranchées, où des combats féroces s'engagent.

Dans ces conditions, il est normal que les généraux soient persuadés qu'ils finiront par percer, à condition de ne pas être économe en homme.

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Qui contrôle le passé contrôle l'avenir.
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Message Publié : 02 Août 2016 23:16 
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Jean Mabillon
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Ce qui était le plus ahurissant c'était qu'une percée avait eu lieu à Vimy en 1915 et que rien n-avait été prévu pour exploiter rapidement.Le corps colonial s'était sacrifié en vain.....


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Message Publié : 03 Août 2016 0:13 
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Le bourrage de crane républicain à partir de 1900 (reportage FR3) du style "Faire son devoir", "Nous reprendrons l'Alsace et la Lorraine et ensuite "Ils ne passeront pas" condamnait les soldats à une guerre "jusqu'au dernier". Comment dire à l'opinion publique qui voit ses pères, fils, cousins, et femmes, oui dans les usines, mourir à petit feu et qu'il faudra attendre quatre ans "les chars et les américains" ?
Alors on essaie, on crée très tôt de formidables préparations d'artillerie et on y va. Et on y reste parce que ce n'est pas possible tout simplement.
Il semble que le seul qui ait réussi à percer soit Pétain mais dans quelles circonstances et comment, je ne sais pas. Peut être qu'en général d'artillerie et économe de ses hommes il a su mieux diriger son feu.

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« L'honneur défend des actes que la loi tolère. »
Sénèque


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Message Publié : 03 Août 2016 2:19 
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Sir Peter a écrit :
Ce qui était le plus ahurissant c'était qu'une percée avait eu lieu à Vimy en 1915 et que rien n-avait été prévu pour exploiter rapidement.Le corps colonial s'était sacrifié en vain.....

Là il faudrait s'entendre sur ce qu'on appelle une percée.

Il est exact qu'à Vimy le corps colonial emporte les tranchées adverses. Preuve que ce n'est pas impossible. On reverra en mai 1916 à Verdun la 5e division, dirigée par Mangin et bénéficiant d'un barrage roulant très efficace, emporter trois lignes allemandes en 11 minutes et grimper sur le fort de Douaumont, qu'ils n'arriveront pas à prendre.

Je serais tenté de dire : et alors ? Le fait qu'un régiment emporte les tranchées d'en face n'est que la première phase d'une opération militaire plus large, qui consiste à y engouffrer une armée. Pour revenir - c'est le rêve des généraux - à la guerre de mouvement, la seule qui peut permettre de battre les armées allemandes et de gagner la guerre.

En réalité, percer et faire passer toute une armée ne débouche pas sur une reprise de la guerre de mouvement. Cette armée se déplace à pied, il y a toujours en face quelques unités en réserve pour lui faire face, de sorte que le commandement ennemi a le temps de rameuter une armée pour lui faire face. Ainsi une offensive réussie se traduit, au mieux, par une avancée de 50 km avant que les effectifs rameutés en face ne congèlent à nouveau la situation. (à coup de coupures piégées sur les routes, couvertes par des mitrailleuses, de tirs d'artillerie sur ces mêmes routes, et évidemment de nouvelles tranchées.)

C'est cet état de fait qui va déterminer la stratégie de Foch en 1918. L'armée française est parfaitement organisée par Pétain, elle dispose d'une réserve de chars (il a commandé 1000 Renault FT !) d'une réserve mobile d'artillerie, tractée et même portée (3500 canons) qu'il peut déplacer rapidement en tout point du front - cette réserve mobile était défensive pendant les 6 premiers mois de 1918, face au sureffectif allemand et aux offensives successives de Lüdendorff, elle prend maintenant un rôle offensif. Ah, j'oubliais : 10 000 avions alliés ! (qui ont appris à intervenir dans la bataille.)

A partir de juillet 1918 les alliés disposent d'une légère supériorité d'effectifs, appelée à devenir écrasante avec la montée en puissance de l'armée américaine - 4 divisions en ligne en juillet, vu l'urgence de la situation, mais un million termine ou poursuit son instruction en France, tandis qu'un million supplémentaire s'apprête à traverser l'Atlantique.

Hé bien malgré tout, alors qu'on sait maintenant percer, faire avancer une armée, établir des routes, faire avancer l'artillerie, chaque offensive de Foch se retrouve après quelques jours ou semaines dans la situation que j'ai décrite : ça recoince ! D'où sa stratégie : chaque offensive à un bout du front est suivie d'une offensive ailleurs dès que ça bloque. Voire même deux offensives en même temps. La progression des alliés est donc relativement lente, mais constante. Les Allemands n'ont pas les moyens de s'opposer aux offensives toujours et partout, mais ils font payer les kilomètres parcourus et réussissent toujours à bloquer. (très souvent ils se replient sur une ligne préparée en arrière, avec les destructions et les mines que j'ai indiquées.)

A ce stade, la "percée" n'est donc pas encore la panacée. Le coût de ces offensives multiples décidera d'ailleurs Foch à accepter l'armistice allemand alors qu'on arrive presque à la frontière allemande, choix qui fera débat entre politiques et entre généraux.

On pourrait penser que l'exploitation de la percée est encore trop lente, les chars de 1918 n'ont pas la vitesse de ceux de 1944, les fantassins sont majoritairement à pied... Mais pourtant on retrouvera cette situation en France à l'automne 44 : après la cavalcade à travers la France permise par la destruction des armées allemandes en Normandie, les alliés tombent sur une résistance allemande qui se raidit, l'opération Market Garden échoue, Patton prend du temps à réduite la place-forte fortifiée de Metz, l'armée de Provence coince un long temps sur Belfort - alors qu'elle a mis trois semaines, débarquée le 15 août, pour libérer Besançon le 8 septembre, soit 7 ou 800 km parcourus.

Eisenhower, après discussion avec Bradley, Patton et d'autres, en arrive à la conclusion un peu déprimante : il faut en revenir à Foch.

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Message Publié : 03 Août 2016 10:03 
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Jean Mabillon
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Inscription : 16 Jan 2010 19:18
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Il est bien évident qu'emporter la dernière ligne de défense n'est plus forcément décisif si l'on n'a pas la machine de guerre qui suit à bonne vitesse ,et,il faut qu'elle soit prête au bon endroit,au bon instant sans que rien ne vienne dérégler le fonctionnement


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Message Publié : 03 Août 2016 10:17 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 13 Mars 2010 20:44
Message(s) : 2194
Blaise Cendrars a combattu à Vimy le 9 mai 1915
quelques détails sur la percée mentionnés au début de son livre
La Main Coupée

Autre fait similaire quoique discuté : la percée de Biaches en 1916 (Offensive de la Somme)

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