Dans son démontage des événements du mois de juillet 1914, John Keegan pointe du doigt une circonstance particulière : le fait, justement, qu'on ait été en juillet. C'étaient les vacances parlementaires, tous les décideurs n'étaient pas à leur poste, certains ont été difficiles à joindre; ces temps de latence ont permis à certains d'avoir davantage la bride sur le cou, à d'autres de se monter le bourrichon. Un exemple, l'ambassadeur de France en Russie qui aiguillonne le tsar bien au-delà de ce qu'aurait souhaité son gouvernement. Qu'a-t-il fallu pour le passage à l'acte ? Rien qu'un ou deux décideurs qui s'échauffent dans chaque camp.
Du reste, si chacun s'attendait à des pertes, tout le monde imaginait une guerre brève, justement à cause de la brutalité à prévoir des combats, si bien qu'on aurait un carnage dense, mais bref. L'Allemagne est imbue de la supériorité de son armée - pour preuve l'usage massif de l'adjectif "génial" systématiquement accolé aux faits et gestes de l'EM, jusqu'à l'automne 14 - et en France, la "nation en armes" a été dressée à l'idée qu'il y aurait des pertes.
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La guerre précédente, de 1870 a opposé finalement essentiellement des professionnels, avec un armement pas encore aussi destructeur (même si l'allemand avait déjà de l'avance sur celui français). La population civile a peu souffert des effets directs de la guerre.
ça me semble assez discutable. Même si avec le recul nous savons qu'elle n'était qu'un avant-goût, l'invasion ennemie, l'occupation, ont marqué, voire traumatisé les régions concernées. Il suffit de voir le nombre de nouvelles que Maupassant y consacre.
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Les anglais, dont le territoire n'a jamais été menacé, et dont l'armée était constituée de volontaires, va être beaucoup moins concernée par ce sentiment.
En 1916, les Anglais ont imaginé comme système de recrutement les "bataillons de copains" (Pals ou Chums). Les hommes peuvent s'enrôler avec la garantie d'être dans la même unité que leurs amis qui s'engagent en même temps. L'ennui, c'est que ces troupes se sont immédiatement fait massacrer sur la Somme dans des conditions effrayantes - parfois, sans même réussir à sortir des parallèles de départ battus par l'artillerie et les mitrailleuses. Il y eut un retour de balancier psychologique terrible, la "bonne idée" des recruteurs se retournant contre eux. Là encore, selon J.Keegan, le massacre de ces unités "marqua la fin de l'optimisme vivifiant de la société britannique". L'impact fut donc loin d'être négligeable, même s'il fut, certes, différent de ce qui se passa en France.