Liber censualis a écrit :
il aurait dicté un télégramme pour Vienne afin que les autrichiens sachent qu'il approuve la réponse serbe, mais les politiques qui l'entourent (Bethmann et Jagow) ne l'ont pas envoyé, laissant tranquillement la Double Monarchie déclarer la guerre à la Serbie.
Bethmann a tout de même contacté les austro-hongrois le 29 pour qu'ils modèrent leur position à l'encontre des Serbes et stoppent les opérations militaires pour laisser la place à la négociation, mais je ne crois pas qu'il fut stipulé que la réponse serbe satisfaisait Guillaume II.
Liber censualis a écrit :
Et les français n'auront de cesse que Londres leur déclare son soutien, qui sera officiel le 31.
Visiblement toujours pas à la lumière des télégrammes et dépêches contradictoires transmis par Lichnowsky le 1er août.
Mais dans cet excellent article d'un historien belge (il commente là les apports d'un ouvrage de Ritter, l'un des adversaires dans l'Allemagne des années 1950-1960 de Fischer, sur la question de la violation de la neutralité belge), il est question d'une "mauvaise interprétation" du télégramme qui garantissait encore la neutralité anglaise aux Allemands le 1er août.
https://www.persee.fr/doc/rbph_0035-0818_1963_num_41_2_2467En lisant cet article, on comprend qu'il est impossible de savoir exactement ce qui est passé dans l'esprit de ces hommes ces jours là.
Ce qui est certain c'est que les empires centraux ont volontairement joué avec le feu : en tentant de rejouer la crise bosniaque de 1908-1909. Ils étaient parfaitement lucides des conséquences de l'éclatement d'une guerre continentale qui étaient encourus, mais par vanité et orgueil ils ont pensé qu'ils seraient évités ; ils se sont lourdement trompés.
Liber censualis a écrit :
Jagow avait déclaré que le gouvernement anglais allait rester neutre.
Et Bethmann avait compris qu'il ne le serait pas le 29 et Lichnowsky le 25, même s'il écrit encore pratiquement tous les jours après le 28 tout et son contraire. C'est donc que ses interlocuteurs semblent lui dicter cela et il se contente de répéter fidèlement ce qu'on lui a dit ou écrit. Ou pas ? Ce Cassandre en ajoute, car il voit que les portes de l'enfer sont en train de s'ouvrir ? Très franchement je ne sais pas si une étude sérieuse existe sur ce personnage, ses motivations, sa fiabilité, etc., mais un éclairage serait le bienvenu car c'est tout de même l'émetteur des informations les plus importantes concernant l'Angleterre qui arrivent par lui jusqu'à Berlin.
Liber censualis a écrit :
Je n'ai pas lu le même scénario : Lichnowsky, le 1er août envoi une dépèche à Berlin selon laquelle le cabinet britannique garantirait la neutralité anglaise si l'Allemagne n'attaquait pas la France. Le Kaiser s'enflamme, demande à Moltke de rappeler ses troupes en marche vers l'ouest...Je fais cours sur la crise de nerfs de Moltke, en fait Lichnowsky s'est aussi un peu avancé, le roi Georges lui même signifiera à son cousin qu'il y avait un malentendu.
Euh...même si c'est écrit de manière plus concise que moi, je ne vois pas bien où le scénario diffère... nulle part je n'ai écrit autre chose que cela.
Liber censualis a écrit :
ça me semble vraiment improbable, puisque le 31 la GB a affirmé urbi et orbi son soutien à la France . Mais Baechler le dit...
En omettant d'ajouter (j'ai trouvé l'explication de cette méprise ailleurs, Baechler ne la développe pas, il cite simplement ce télégramme contradictoire reçu en fin de journée du 1er août par Berlin) que c'est une mauvaise "interprétation" de ce que les Anglais souhaitaient vraiment.
Personnellement, je ne comprends pas ce que signifie cette "mauvaise interprétation". Enfin quoi, dans la même journée Lichnowsky transmet tout et son contraire - ce n'est pas un diplomate stupide, ni soumis aux crises de nerf, encore moins un agent double - et on se contente d'une mauvaise "interprétation" comme seule explication ? Vous faites état de "fausse nouvelle", mais comment un diplomate de cette qualité peut transmettre une "fausse nouvelle" ? Car entre la neutralité si l'Allemagne attaque la France et pas de neutralité si l'Allemagne viole la neutralité de la Belgique, en quelques heures, c'est énorme comme différence. On ne peut se tromper ou mal interpréter quelque chose de si conséquent.
Liber censualis a écrit :
J'ai lu aussi ça dans Baechler mais la trame n'est pas celle-là chez Le Naour, Becker, Krumeich et Clark...
Peut-être est-ce en raison du fait qu'ils ne soient nullement spécialistes de cette question. C'est avant tout des "généralistes" du premier conflit mondial, très éloignés des questions diplomatiques, militaires et diplomatiques (et surtout de la question des responsabilités, qui barbait tout le monde à une certaine époque et à laquelle Renouvin, puis Fischer avaient déjà très bien répondu) dans leurs premiers travaux de recherche et ces auteurs français ne pipent un mot d'allemand. Le Naour a fait sa thèse sur les moeurs et la sexualité pendant la Première Guerre mondiale (aucun rapport avec notre question...) et Becker - paix à son âme, car ce fut un excellent vulgarisateur - sur l'opinion publique française au début de la guerre. Le cher Gerd, seul germaniste de la bande, a fait sa thèse sur... Jeanne d'Arc.
Quant à Clark c'est un manipulateur de première visant à faire croire que les responsables de ce conflit sont Belgrade, Paris et Saint-Pétersbourg. Il a réussi à faire parler de lui par ce buzz, mais son ouvrage baigne dans une malhonnêteté intellectuelle sans nom.
Et puis, plus vous vous approchez de 2023, davantage ces auteurs recopient ce qu'ils n'ont eux-même jamais recherché dans les archives ou écrits par d'autres.
Cela dit, quelle est donc "leur" trame qui diffère de celle placée plus haut ? Vous ne l'expliquez pas, j'aimerai comprendre.
Liber censualis a écrit :
Ensuite, elle se posera clairement en protectrice de l'intégrité du territoire belge.
Ensuite ? Mais les Allemands n'ont encore rien dit aux Anglais à ce sujet et, surtout, cela n'est pas évoqué dans les échanges diplomatiques avant le 1er août, la question étant clairement posée au gouvernement allemand uniquement le 4.
Et pourtant entre le 25 et le 30 Lichnowsky avait déjà fait état d'un risque de non-neutralité de l'Angleterre au cas où l'Allemagne attaquerait la France - la Belgique n'était pas encore citée.
Vous semblez penser qu'il y a eu une évolution dans la position anglaise, je pense au contraire, qu'au regard des informations contradictoires apportées par ces derniers en moins d'une semaine, qu'ils ont cherché à gagner du temps : pour trouver un prétexte afin de persuader leur opinion publique de la nécessité d'une guerre ? pour faire pression sur les Allemands afin que ces derniers exercent la même sur les austro-hongrois ? pour montrer à leurs alliés français que rien n'était automatique dans cette Entente ? pour jouer les arbitres de la paix en Europe ? pour berner les Allemands en leur faisant perdre ce si précieux temps, cette rapidité extrême sans laquelle le plan Schlieffen était voué à l'échec ? parce qu'il y avait une forte division à ce sujet au sein du cabinet ? Un peu de tout bien mélangé ?
Si vous avez la réponse à cela, je suis preneur.