b sonneck a écrit :
Pierma a écrit :
Pour autant je maintiens que Joffre a persisté trop longtemps à la recherche de la percée sur le front ouest. Typiquement, en 1916, les Allemands ayant décidé de prendre l'initiative à Verdun, il aurait pu s'éviter l'offensive de la Somme, une boucherie supplémentaire dans la guerre d'usure. (Et qui a rendu la défense de Verdun plus difficile en exigeant la plus grande partie de la nouvelle artillerie lourde.)
Percer le front était la condition sine qua non pour espérer expulser les Allemands du territoire qu'ils occupaient et d'où ils ne paraissaient pas décidés à partir. Les refouler par une attaque frontale générale étant impossible, il fallait bien réaliser une percée, pour menacer leurs arrières et les forcer à la retraite. Ou alors laisser les troupes moisir dans les tranchées en attendant qu'en face, ils se lassent et s'en aillent. On a vu, en 1940, le résultat de cette option.
Vous faites erreur, et Jean-Marc l'a déjà relevée : dès 1915 la percée n'est pas possible, ou plutôt pas exploitable sur le plan stratégique. Quoi que vous fassiez, votre adversaire savait que vous ne progresseriez pas de plus de 30 km dans la journée, et c'est déjà optimiste. Ce qui lui laisse le temps de rameuter des renforts et de combler la brèche.
(Les offensives allemandes de 1918 font un peu figure de contre-exemple, elles sont allées plus loin, mais là il faut tenir compte d'une supériorité numérique écrasante. En même temps leur refoulement a obéi au même scénario.)
Dans la stratégie qui a permis à Foch de remporter la victoire, à aucun moment il n'y a eu de percée stratégique permettant de reprendre la guerre de mouvement. (Ce rêve de Joffre était une illusion, à laquelle je trouve un caractère irréaliste inquiétant à son rang. D'autres en ont fait le constat très tôt. Et envisager de vastes mouvements en utilisant la cavalerie est puérile, est-ce que ça a vraiment été envisagé ?)
La stratégie de Foch : une offensive (ou deux en même temps) permettait de progresser de 70 km (guère au delà, disons 100 km au mieux) après quoi elle était bloquée par les destructions, les coupures, les mines, et bien entendu les renforts allemands dans le secteur. La stratégie de Foch consistait alors à relancer une offensive en une autre partie du front, et ainsi de suite.
Les outils pour cela sont connus, et ont été envisagés par Pétain dès 1917 : la réserve mobile d'artillerie, motorisée et donc capable de passer d'un point du front à l'autre. Les chars, qui rendent la percée moins coûteuse, et la division aérienne. (Il faudrait y ajouter le renforcement de la puissance de feu d'une compagnie d'infanterie standard, qui donne des groupes de combats beaucoup plus solides. - je crois qu'elle a doublé sur la durée de la guerre. Et sur le plan du commandement, une réduction à deux semaines du temps nécessaire pour planifier une offensive : l'armée française a fait des progrès à tous les niveaux.)
Avec un peu d'imagination, aucun de ces moyens n'était hors de portée de Joffre, si ce n'est qu'ils demandaient des délais industriels pour leur production, et une mise au point sur le terrain pour les chars. Mais le texte que vous citez ne parle que d'augmentation quantitative des moyens. Joffre veut des canons, toujours plus de canons, pour écraser l'ennemi et déboucher en rase campagne. Evidemment, ça ne marchera pas. (Je trouve même que ce texte porte la marque d'un esprit dont on peut questionner l'envergure. Mais c'est une impression, liée à sa vision "toujours plus".)
A la limite, on arrive à son chef d'oeuvre, la Somme, qui demande six mois de préparation, une débauche de moyens, et n'aboutira à rien, pour le même volume de pertes qu'à Verdun. (Il va sans dire que les Allemands n'ignoraient rien de cette préparation et ont anticipé l'affrontement.)
je maintiens l'opinion que Joffre a couru trop longtemps après une percée illusoire, et que cette obstination s'est payée au prix du sang.