Bonjour à toutes et à tous,
Cela fait depuis un certain temps que j’ai achevé de lire l’ouvrage de Frédéric Rousseau « 14-18 penser le patriotisme » et cela fait également depuis un certain temps que j’avais promis de vous en faire un retour.
C’est un très bon ouvrage, pour ne pas dire excellent !
C’est un très bon ouvrage car, en suivant le fil de la chronologie et en s’appuyant sur un nombre de correspondances significatives, il permet de définir très précisément la nature et l’évolution des mentalités face à ce que l’on qualifie de devoir patriotique.
En tenant compte des différentes strates de la société (Officiers – Soldats / Employés - employeurs / Artisans Agriculteurs - Exploitants Dirigeants / Ruraux - Urbains…) l’analyse, de la conception du patriotisme, n’est pas uniquement chronologique mais elle est polymorphe car elle recouvre toute série de situations variées. Situations, certes différenciées mais, ayant comme dénominateur commun le poids du corps social.
Car le patriotisme, tel que le définit l’auteur, n’est pas une alternative fermée au sein de laquelle on limiterait l’individu dans une aptitude au dévouement et au sacrifice pour le compte de son pays.
Au travers de témoignages, et de lettres, Frédéric Rousseau nous montre que le patriotisme est un « objet social » ou plus précisément un inextricable écheveau de normes sociales fait de conformismes, d’attachements, de loyautés.
Quelques exemples tirés du présent ouvrage :
- On crâne devant les copains
- On ne veut pas décevoir femmes, enfants, et parents
- On ne souhaite pas être jugé à son retour
Sur ce dernier point cette analyse est conforme à un exemple familial repris sommairement dans l’ouvrage nous étions des hommes malgré la Guerre.
Au début du conflit, étant officier au service du matériel et de l’habillement au 63 RI, mon arrière-grand-père demanda, à plusieurs reprises, à être affecté sur le front, chose faite en 1916.
L’analyse patriotique, purement primaire, considérant à qualifier cette demande comme une démarche sacrificielle n’est pas valide. Si l’on considère que de nombreux collègues instituteurs officiant dans la même école primaire que lui étaient sur le front, que des amis et des proches originaires de son village l’étaient également, il lui apparaissait, par conséquent, totalement impensable de rester tranquillement à l’arrière jusqu’à la fin du conflit.
Dans ce cas le poids social à inconsciemment joué son rôle.
Le corps social est un puzzle où les pièces se tiennent mutuellement car emboîtées par des règles et de normes.
Le mari ne doit pas montrer son inquiétude devant sa femme et ses enfants, l’épouse ne doit pas montrer qu’elle s’inquiète pour ne pas démotiver son mari.
A défaut d’élan patriotique car, à bien y réfléchir, le titre n’est pas si finement choisi que ça, c’est un véritable élan solidaire (et surtout dans les campagnes) qui se met en place. Un ballet social prenant la forme d’un réseau de solidarités, parfaitement décrit au début de cet ouvrage, se met en place pour accompagner au mieux l’effort de mobilisation. Ainsi les premiers instants de la mobilisation sont considérés comme un véritable tourbillon au sein duquel tout le monde fait corps. (Les inconnus avec lesquels on fraternise, l’ensemble de la famille mise à contribution pour acheminer proches et amis à la gare, tous ces gens le long des quais, au passage des trains de mobilisés, accompagnant et saluant par des vivats.
Derrière ces considérations sociales Frédéric Rousseau introduit une notion, très significative, celle du « penser double ». De nombreuses correspondances font état de cette ambigüité cultivant une certaine forme d’ambivalence où l’on souhaite que le mari soit un bon soldat, voir décoré, tout en espérant secrètement qu’il soit affecté à des secteurs moins exposés.
Une pensée double naviguant entre le jugement des autres et la peur de certaines évidences.