Bonjour,
Peut-être peut-on reprendre la chronologie : Le 28 juillet, l'Autriche-Hongrie déclare la guerre à la Serbie. Le 30 juillet, l'Autriche-Hongrie et la Russie mobilisent. Le 31 juillet, l'Allemagne décrète "l'état de danger de guerre" (fermeture des frontières, réquisitions...) ; elle envoie un ultimatum à la Russie exigeant l'arrêt de sa mobilisation, et "sonde" la France pour connaître sa réaction en cas de guerre russo-allemande. Le 1er août, la France répond à l'Allemagne qu'elle "s'inspirera de ses intérêts" (= entrera en guerre) ; elle ordonne la mobilisation pour le lendemain, l'Allemagne fait de même, puis cette dernière déclare la guerre à la Russie. Le 2 août, l'armée allemande entre au Luxembourg, et l'Allemagne envoie son ultimatum à la Belgique. Le 3 août, la Belgique rejette l'ultimatum allemand le matin, et le soir l'Allemagne déclare la guerre à la France. Le 4 août, enfin, l'armée allemande entre en Belgique et le Royaume-Uni déclare la guerre à l'Allemagne.
Il y a donc des événements importants avant même la violation de la neutralité belge. Rien que la déclaration de guerre allemande à la Russie.
Donc pour moi aussi, le déclenchement des mobilisations successives me paraît être le point de non-retour. Les militaires ont besoin (ou font croire qu'ils ont besoin) de ne pas perdre de temps au cas où en face, on déciderait aussi de mobiliser. Et en face, comme l'autre mobilise, il faut aussi le faire sous peine de ne pas être prêt en cas de conflit. Donc tout le monde mobilise !
On peut aussi considérer le 25 juillet, jour de la réponse de la Serbie à l'ultimatum austro-hongrois, qui amène l’Autriche-Hongrie à rompre les relations diplomatiques. Car ce même jour, la Russie annonce qu'elle ne tolérera aucune atteinte à la souveraineté serbe. Après, soit la Russie reste fidèle à sa parole et cohérente, et c'est ce qui s'est passé : elle décide la mobilisation après la déclaration de guerre de l'Autriche-Hongrie à la Serbie, le 29 juillet (la mobilisation doit commencer le lendemain 30 juillet), déclenchant le processus que j'ai expliqué plus haut. Soit elle décide de "s'écraser" avec toutes les conséquences politiques et diplomatiques désastreuses qui vont avec, en abandonnant la Serbie à son sort. Dans ce cas, on peut supposer que la guerre n'est qu'une 3e Guerre balkanique, limitée, et pas la Grande Guerre.
A partir du moment où la Russie décide de ne pas laisser la Serbie seule, la machinerie est en route. Le seul moyen d'arrêter cette machinerie, c'est qu'un des protagonistes choisisse de laisser tomber. Qu'il décide de ne pas prendre de précautions, donc de ne pas mobiliser, avec tous les risques pour sa sécurité que ça implique, ainsi que les conséquences en terme d'image et de diplomatie. Ca ne ma paraît pas franchement réaliste et envisageable en juillet 1914.
Enfin, il semble, concernant l'entrée en guerre du Royaume-Uni, qu'il y avait aussi une raison pragmatique tenant à la collaboration militaire franco-anglaise déjà en cours. Les flottes s'étaient partagées la surveillance des mers face à l'Allemagne (les Anglais en Mer du Nord, les Français en Méditerranée, sauf erreur de ma part). Les Anglais étaient parfaitement conscients que rester neutre, c'était tirer une balle dans le pied de la France (voire dans la tête...) car elle perdait la sécurité de ses côtes de la Mer du Nord. C'était difficilement envisageable pour la perfide Albion - pardon, pour nos glorieux alliés d'outre-Manche !
_________________ Le secret de la tactique, c'est dix contre un, et par derrière ! Tout le reste n'est que littérature. (un professeur de l'Ecole Supérieure de Guerre, années 30)
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