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Message Publié : 09 Mai 2006 19:59 
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Jean Froissart
Jean Froissart
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Inscription : 16 Avr 2005 0:09
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Localisation : Outre nulle-part
Les femmes vont remplacer les hommes : usines, agriculture, administration, services etc...Elles vont gagner un nouveau statut. Une fois la guerre terminée, elles n'accepteront pas de gaieté de coeur d'être supplantées par les hommes de retour du front. Bref une nouvelle donne jusqu'ici inconnue. Nous aurons nos suffragettes en France.
Vlad

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"Adieu la vie, adieu l'amour,
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Message Publié : 06 Juil 2006 12:29 
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Thucydide
Thucydide

Inscription : 06 Juil 2006 11:27
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Localisation : Maurienne.
Comme prolongement de ce sujet, j'ajoute que la Première Guerre Mondiale a aussi été exceptionnelle dans le souvenir qu'elle a laissé dans les mentalités, notamment en France. C'est par exemple la première fois que, sitôt la guerre finie, les Français ressentent le besoin d'honorer leurs morts en construisant des monuments commémoratifs.
Pour la guerre de 1870-1871, il y avait eu quelques rares monuments cantonaux ou régionaux. Pour 1914-1918, c'est chaque commune de France, même minuscule, qui construit et finance un monument aux morts. J'ai travaillé dans le cadre de ma Maîtrise universitaire sur les monuments aux morts de 1914-1918 et le désir de mener à bien leur construction témoigne de l'état d'esprit des Français à la fin de la Grande Guerre.


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Message Publié : 01 Août 2006 16:31 
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Thucydide
Thucydide

Inscription : 26 Juil 2006 18:04
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Niny, pour reprendre le message de Patricien (""brutalisation des esprits") je compléte un peu en disant (si ma mémoire est bonne) qu'Audoin -Rouzeau (pardon pour l'orthographe) a parlé de "brutalization" (sans faute) de la 1 ère guerre (qui reprend un peu l'idée de "guerre totale") avec l'utilisation massive d' armes de "grandes destructions" parfois nouvelles (grenades, gaz, sous-marin...), les conséquences sur les populations (morts, exode...), le nombre de pays en guerre (il y a un topic sur ce sujet)...

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Message Publié : 01 Août 2006 18:14 
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Jean Froissart
Jean Froissart
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Inscription : 16 Avr 2005 0:09
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Localisation : Outre nulle-part
Je pense qu'aucun des gouvernants à l'origine du conflit n'ont pensé une seule fois à cette "brutalisation". Les expériences de la guerre étaient lointaines, le XIXème siècle avait été relativement calme (depuis 1815), ils pensaient tous à une guerre courte.
"Ich habe es nicht gewollt" ("Je n'ai pas voulu celà") prononcée par Guillaume II à la fin du conflit.
Vlad

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Message Publié : 02 Août 2006 17:49 
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Thucydide
Thucydide

Inscription : 26 Juil 2006 18:04
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Difficile de savoir à quoi pensaient réellement les hommes au début du siècle. C'est évidemment une proposition d'analyse, à posteriori, d'Audouin-Rouzeau. Il ne prete aucunement cette analyse aux personnes de l'époque (mais je ne sais pas si c'est le propos de Vladtepes)

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Message Publié : 25 Août 2006 19:17 
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Thucydide
Thucydide

Inscription : 26 Juil 2006 18:04
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Néanmoins il me semble qu'un allemand de la première guerre (désolé mais je ne me rappelle plus lequel) a dit: "On ne nous aime pas parce qu'on est brutal"

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 Sujet du message : Tanks
Message Publié : 14 Sep 2006 17:02 
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Eginhard
Eginhard

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Localisation : guilers - brest métropole océane
Bonsoir.

Il y aura 90 ans demain (15 septembre 1916), utilisation des premiers tanks (brittaniques) dans la bataille de la Somme.

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Message Publié : 14 Sep 2006 18:08 
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Salluste
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Inscription : 27 Jan 2006 10:21
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Localisation : oise
A ce propos quelqu'un sait de quand datent les premiers les premiers tanks français?


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 Sujet du message : Re: Tanks
Message Publié : 14 Sep 2006 19:01 
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Jean Froissart
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Inscription : 16 Avr 2005 0:09
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Localisation : Outre nulle-part
pilayrou a écrit :
Il y aura 90 ans demain (15 septembre 1916), utilisation des premiers tanks (brittaniques) dans la bataille de la Somme.


Avec des chars femelles et des chars mâles.
Intéressant votre agenda, Pilayrou.
Vlad

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Message Publié : 16 Sep 2006 15:53 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant

Inscription : 17 Oct 2003 18:37
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Brisbout a écrit :
A ce propos quelqu'un sait de quand datent les premiers les premiers tanks français?


Si j'en crois le site chars-francais.net, les premiers chars français utilisés en opérations furent les Schneider employés dans l'offensive du Chemin des Dames, donc le 16 avril 1917, après un an de gestation. Les Saint-Chamond suivirent peu après.
Par contre, l'armée française possédait un certain nombre d'automitrailleuses, faiblement cuirassées, à l'ouverture des hostilités.


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Message Publié : 14 Oct 2011 16:59 
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Hérodote
Hérodote

Inscription : 11 Avr 2011 12:29
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Citer :
la problématique est: en quoi le première guerre mondiale est une guerre de type nouveau ?



"Quand on parle de « la Grande Guerre », l’expression renvoie spontanément à la Première guerre mondiale, alors que, sous bien des aspects, la Seconde a une ampleur beaucoup plus grande. La première a provoqué plus de dix millions de morts, certes, et ce chiffre était alors inouï dans l’histoire, mais vingt-cinq ans plus tard la seconde en aura fait cinq fois plus, cinquante millions. La première est une guerre mondiale, essentiellement parce qu’elle est européenne, et que l’Europe domine alors le monde, mais l’essentiel de cette guerre se déroule en Europe de l’ouest, de l’est et du sud. Le front du Proche-Orient, la conquête du faible empire colonial allemand, les opérations navales du Japon ne pèsent d’aucun poids dans l’ensemble, tant la guerre aura été violente en Europe, en particulier sur le sol français. En revanche, la seconde est une guerre plus réellement mondiale, ou plus exactement un emboîtement de guerres qui, prises chacune en tant que telle, auraient pu être distinctes : à l’ouest de l’Europe (1939-1945), germano-russe (1941-1945), guerre du Pacifique (1941-1945), guerre sino-japonaise (1937-1945) ; autant de théâtres où l’on a vu se déployer d’immenses moyens. De surcroît, la Seconde guerre mondiale a entraîné des destructions fantastiques, des pertes civiles supérieures encore aux pertes militaires, et plus généralement une rage haineuse et même génocidaire, supérieure à ce qu’on avait connu durant la Première guerre, où la cruauté a d’abord été celle des conditions de combat dans les tranchées.

A vrai dire, il est probable que si les hommes avaient disposé, de 1914 à 1918, des mêmes moyens - notamment aériens - qu’à la génération suivante, ils n’auraient pas hésité à les employer. Dans tous les camps, dès qu’une occasion, assez rare il est vrai, s’est présentée, des avions - fragiles et légers bi-plans ou tri-plans - se sont efforcés de jeter à la main des bombes sur des populations civiles sans défense. C’est seulement parce qu’ils étaient rudimentaires que ces moyens aériens n’ont pas pu provoquer autant de destructions et de morts que les bombardements massifs de la Seconde guerre mondiale au-dessus du Japon ou de l’Allemagne. Les canons géants allemands qui ont tiré sur Paris des obus à plus de cent kilomètres de distance évoquent les V-1 et V-2 de la guerre suivante tombés sur Londres. L’invention du gaz de combat, applicable sur un front fixe à la condition que le vent ne le retourne pas contre soi, dénote un niveau de conscience morale pas beaucoup plus élevé qu’à la génération suivante, et laisse supposer que, si les hommes d’alors avaient su maîtriser la technique de la bombe atomique, ils l’auraient utilisée.

Et pourtant, le sentiment qui domine toujours aujourd’hui, même un siècle après les événements, est que quelque chose de particulier caractérise la Grande Guerre. Encore une fois, ne cherchons pas cette caractéristique dans les chiffres. Sans doute les hommes de ce temps ont-ils été abasourdis par l’ampleur de la catastrophe. Qu’au tout début de la guerre, dans l’armée française par exemple, en trois semaines, cent cinquante mille hommes soient tués, et cent mille blessés, a paru à juste titre incroyable. Qu’à la fin de l’année 1914, après quatre mois et demi de guerre, cette même armée française doive déplorer autant de pertes en tués, blessés et prisonniers, que d’effectifs à la veille de la mobilisation : 900.000 hommes, dont 300.000 morts, paraît encore hallucinant. Que, le 1er juillet 1916, dès les six premières minutes de l’offensive franco-anglaise sur la Somme, 30.000 hommes tombent la face contre terre, on se demande encore comment cela a pu être possible. Mais la Seconde guerre mondiale en impose aussi, en particulier par ses bombardements : 40.000 morts à Hambourg en juillet 1943, au moins 135.000 à Dresde en février 1945, 100.000 à Tokyo en mars, 70.000 à Hiroshima et 40.000 à Nagasaki en août. Même s’ils ont été d’une gravité inédite, mais pourtant surpassée vingt ans après, ce n’est pas dans les chiffres qu’il faut chercher la spécificité de la Première guerre mondiale.

Il y a, par-delà les chiffres, les conditions du combat. Malgré toutes ses horreurs, la Seconde guerre mondiale n’a pas imposé au combattant, ni partout ni longtemps, et probablement jamais avec une telle intensité, des conditions aussi dures, tant par l’extrême morbidité de la vie dans les tranchées que par les combats d’une tranchée à l’autre, les assauts ou les défenses autour de forteresses écrasées sous les obus, ou sur des cotes topographiques que l’intensité des bombardements a parfois carrément fait modifier à la baisse. Patauger dans la boue mêlée de sang, dormir ou se battre au milieu de cadavres en putréfaction qui empuantissent l’atmosphère, observer les milliers d’asticots qui dévorent le corps de son camarade mort en grimaçant : les témoignages d’une guerre à l’autre montrent que la première a été, sur ce point, la plus terrible. C’est le premier élément de la fascination que l’on éprouve pour la Première guerre mondiale, celle que l’on a continué d’appeler « la Grande Guerre », elle plutôt que la seconde. Mais cette raison suffit-elle ?

Une deuxième raison pourrait militer dans le sens d’une particularité de la Grande Guerre : le sentiment, universellement partagé, que l’année 1914 marque le passage d’une époque à l’autre. Chacun sait qu’il y a un « avant » et un « après » août 1914. La Grande Guerre a ouvert le XXe siècle dans la douleur, elle a ruiné les grandes nations d’Europe, provoquant leur affaiblissement face aux Etats-Unis et au Japon ; elle a menacé à terme leur prépondérance mondiale. Par les dépenses et l’endettement qu’elle a entraînés, affaiblissant les plus fortes économies et leurs monnaies, elle a ruiné au passage toute une élite qui donnait le ton à la vie publique, à la culture, à la philosophie générale du système occidental. Elle a fait s’effondrer des empires entiers, fragilisant les grands équilibres historiques traditionnels. Le cas de l’Empire austro-hongrois est le plus éloquent : son éclatement a conduit les nations qui le composaient à devenir des proies faciles pour les grandes nations voisines, allemande et russe. L’effondrement des institutions séculaires russes a permis au communisme de s’emparer d’un grand pays, de répandre son idéologie dans le monde, d’y faire des émules, de causer en soixante-dix ans (de 1917 à 1991, sans compter des Etats encore communistes aujourd’hui comme la Chine, Cuba, le Vietnam, la Corée du nord, mais qui n’ont plus la fureur homicide d’autrefois) des souffrances inimaginables et la mort de cent millions d’hommes. Sans la Grande Guerre, il est probable que le socialisme n’aurait pas vu gonfler à ce point le marxisme-léninisme ; que, malgré l’habileté de Lénine, la majorité social-démocrate aurait partout triomphé de la minorité extrémiste ; et qu’il se serait ainsi intégré à la vie politique européenne sans que l’une de ses branches ne tourne au cauchemar universel. De même, sans la Grande Guerre, jamais un modeste artiste-peintre aigri, Adolf Hitler, n’aurait été en mesure de tourner son agressivité contre l’Europe ; restant ce qu’il était, il eût ressemblé à ces marginaux qui dérangent quelque fois les passants dans nos rues d’aujourd’hui ; améliorant sa condition sociale, il eût connu l’existence anonyme d’un homme aux ressources intérieures inexploitées, ressassant des obsessions demeurées trop personnelles pour que quiconque prenne la peine de l’écouter. La substitution précipitée d’une république à la monarchie allemande a provoqué une fragilité institutionnelle au moment même où l’Allemagne aurait eu besoin de solidité dans ce domaine pour traverser sans drame affreux deux crises économiques, celle des années 20 (crise du mark) et celle des années 30 (crise mondiale). Au contraire, on sait que la deuxième crise (et non pas la première, comme on le croit souvent) aura ouvert la voie à Hitler dont la politique répandra la terreur pendant douze ans, de 1933 à 1945. Et plus généralement, dans la mesure où la Seconde guerre mondiale est l’héritière directe de la première, celle-ci est un véritable passage d’un moment de l’histoire à un autre.

Pourtant, cette deuxième raison ne suffit pas encore à expliquer le sentiment selon lequel la Grande Guerre présente une caractéristique unique. Bien sûr, cette guerre a permis que se répandent les idéologies totalitaires, mais elle ne les a pas créées. A défaut d’une guerre mondiale, il y aurait eu quand même des guerres, car la guerre fait partie des tentations des hommes. Le socialisme est arrivé au pouvoir, fût-ce temporairement, en 1871 dans Paris, bien avant la Grande Guerre. On peut imaginer qu’il aurait triomphé quelque part en Europe ; la Russie par exemple avait connu des troubles graves en 1905 après sa défaite contre le Japon. Quant au fascisme, on a trop pris l’habitude de l’expliquer par la Grande Guerre ; par la frustration des Italiens qui n’ont pas obtenu tout ce qu’ils auraient souhaité retirer du partage des dépouilles des empires centraux ; par l’épreuve du feu également, qui aurait donné une âme violente à ses promoteurs. En réalité, nous verrons que si la Grande Guerre a accéléré les choses, le fascisme est déjà en germe dans la spécificité du nationalisme italien, un patriotisme athée car l’unité italienne s’est faite contre le pape, et un patriotisme déjà impatient, dans cette Italie berceau de Rome, de prendre modèle sur l’antiquité romaine, supposée virile et dure par opposition à la douceur chrétienne, à son égalitarisme et son universalisme. On remarque en outre que le fascisme a pu triompher en Italie malgré la permanence institutionnelle qui a manqué à la République allemande - encore que la monarchie unitaire italienne ait été de facture trop récente pour s’imposer contre Mussolini. La Grande Guerre n’a pas non plus créé les tensions nationalistes en général, ni le pangermanisme, ni la panslavisme, ce sont ces tensions au contraire qui sont en partie responsables de son déclenchement.

Il existe cependant une troisième raison, pleine et entière celle-là, sans partage ni hésitation, d’expliquer pourquoi les hommes de notre temps ont le sentiment que la Grande Guerre présente une caractéristique véritablement unique. C’est qu’elle peut être qualifiée fondamentalement de tragédie. Ou plus exactement, que son déclenchement obéit au principe même de la tragédie grecque antique, comme aucune autre guerre probablement dans l’histoire de l’Europe. Et ce qui est fascinant sans doute, c’est que cette tragédie, contrairement au genre littéraire, a été vécue dans la réalité.

Le principe de la tragédie, c’est que tous les éléments du dénouement sont présents dès le commencement du récit. Il est écrit, on sait à l’avance, dès le début, qu’Œdipe tuera son père et épousera sa mère. Quoi qu’il fasse, quoi qu’il tente, il n’échappera pas à son destin. Une voix extérieure à l’action, le chœur par exemple, commente l’enchaînement fatal des causes et des effets. Il est évocateur que le mot « tragédie » vienne du grec « tragos », le bouc, et « aïdos », chanter : le chant du bouc, celui que l’on égorgeait peut-être en sacrifice à l’occasion d’une représentation théâtrale dans la Grèce antique. Les Grecs étaient fascinés par le destin, la destinée, une puissance contre laquelle aucune action n’est possible, aucune liberté ne peut être opposée, aucun effort de modifier le cours des choses ne pourra porter de fruit. Même les dieux, même le plus puissant des dieux : Zeus, ne peut fléchir le destin. On retrouve une hantise comparable dans la mythologie germanique avec Odin qui ne peut pas empêcher qu’un jour se produise le « crépuscule des dieux ». Et au-dessous de ces régions célestes, il y a les hommes, qui se persuadent que les dieux se jouent d’eux : la fatalité, c’est cela, c’est quand il n’y avait de toutes façons rien à faire pour empêcher le destin de s’accomplir.

Tout au long de leur histoire, les Européens ont été nourris de récits imaginaires destinés à leur exposer cette croyance en la fatalité. Mais jamais ils n’avaient vécu réellement une tragédie. Ils ont vécu des drames, des catastrophes, dont une demeure aujourd’hui pire encore que la Grande Guerre : la Peste Noire, qui au milieu du XIVe siècle a décimé en trois ans le tiers de la population du Continent ; ils ont vécu des haines durables, des cruautés indignes, des révolutions affreuses ; mais jamais, à proprement parler, une tragédie.

C’est-à-dire un événement dont personne ne voulait vraiment, et qui s’est produit. Un événement que l’on a voulu éviter, sans pouvoir l’éviter. Un événement où, par un phénomène de « technocratie absolue », c’est-à-dire une technocratie sans technocrates, les hommes d’Etat se sont vus privés de toute marge de décision. Un événement aussi où tout se brouille, où les acteurs ne sont même plus maîtres de leur propre apparence, où ceux qui ont été agressés se sont vus soudainement revêtus du costume de l’agresseur. Un événement encore où toutes les supputations, toutes les espérances ont été déçues, tout ce que l’on avait cru devoir se réaliser ne s’est pas produit. Un événement, enfin, où la dignité de mourir au moins en combattant, quitte à mourir vaincu, mais comme un héros épique, cette dignité a été retirée à des guerriers qui se voulaient les successeurs des preux d’autrefois.

Cela, cette spécificité, les Européens en ont conscience, même s’ils ne la formulent pas toujours clairement. Ils savent bien que la Seconde guerre mondiale a été pire que la précédente, en nombre de morts, en destructions, en atrocités. Mais c’était un drame, pas une tragédie. Un drame peut être évité. Pas une tragédie. D’ailleurs, la Seconde guerre mondiale est à bien des égards une conséquence de la précédente. Et le constat est d’autant plus amer que l’Europe aura perdu dans cette tragédie un rang qu’elle n’a pas retrouvé depuis."


Texte tiré de l'introduction de '1914, une tragédie Européenne' - Yves-Marie Adeline (Ellipses 2011)


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