Karolvs a écrit :
Roy-Henry a écrit :
Je ne comprends pas très bien votre point de vue: nous faisons de l'Histoire ou nous reconstituons des psycho-drames ?
Je fais de l'histoire : j'essaie d'expliquer pourquoi l'immense majorité des politiques et des gens de la rue ont été soulagés à l'annonce des accords de Munich, pour les raisons que j'ai énoncées. Psycho-drame ? N'est-ce pas un fait que beaucoup de gens en 1938 vivaient le spectre de la guerre comme un psychodrame ?
C'est entendu: nous expliquons la réaction de la majorité de la population Française et de ses élus! Il n'en demeure pas moins que cette réaction était à courte-vue, et -en tant que telle- comdamnable.
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Et je donne mon opinion (opinion a posteriori ; je souligne que c'est plus facile après coup, une fois que l'histoire est accomplie) : l'accord de Munich était l'accord de la honte. La Tchécoslovaquie avait quelque raison de nous en vouloir pour cet accord honteux... et la Pologne aussi, quelques mois plus tard, quand ses alliés ont mobilisé puis... attendu.
Je m'efforce de ne pas mélanger les faits et mon opinion.
considérer que les accords de Munich étaient honteux n'est pas une opinion: c'est un fait!
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BRH a écrit :
Je ne peux pas vous dire ce que j'aurais fait en 1938, pour la bonne raison que je n'y étais pas...
Dans ce cas, ne faut-il pas être un peu moins catégorique quand vous vouez les politiques de l'époque aux gémonies ? Vous ne savez pas ce que vous auriez fait mais vous condamnez avec véhémence ceux qui ont (mal) fait quelque chose : "
Quant aux "politiques", quelle bonne raison pouvons-nous avoir de ne pas les vouer aux gémonies ?" etc...
Je n'énonce pas une opinion, je relate le verdict de l'Histoire...
et ce, d'autant mieux que Daladier connaissait l'infériorité de la Wehrmacht, même si les états-majors gonflaient ses possibilités (le bluff nazi)! mais il aurait fallu en convaincre l'Angleterre...
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BRH a écrit :
Je peux simplement vous dire ce qu'en ont pensé mes deux grands pères:
le 1er, ancien combattant, chevalier de la Légion d'Honneur était pour l'intervention. Et pourtant, il avait été amputé du bras droit; il connaissait l'horreur des tranchées. Bien qu'ayant voté pour le Front Populaire, il était hostile à Hitler (et à Franco, évidemment...)! Un vrai jacobin (un peu dans le style de 93)!
Le second, beaucoup plus modéré (voire bonapartiste!
). Mais, natif de l'Est. Bercé par le récit des invasions de la Lorraine et de la Champagne. Mobilisé en 38: il me l'a dit: "on manquait de tout". d'après lui, c'est parce qu'une grande partie de nos surplus de 14/18 avait été envoyé en Espagne. Il a touché une tenue bleue horizon et un fusil Gras de 1875... Il était pour la fermeté.
Bien sûr, quand ils me l'ont raconté, c'était trente ans après les faits...
Il y avait donc une fraction de l'opinion qui comprenait qu'il faudrait bien arrêter Hitler, qu'on marchait vers l'abîme...
Minoritaire, certes...
Minoritaire, en effet. C'est un fait. La majorité des gens croyaient (naïvement, peut-on dire a posteriori) que Hitler s'arrêterait là si on satisfaisait cette revendication : Hitler disait que les Sudètes étaient sa dernière revendication et les Sudètes demandaient (quasi unanimement, je crois) à être rattachés au reich.
L'opinion publique n'étant pas la mieux informée, ni nécessairement la plus lucide, le danger permanent d'une démocratie est de permettre aux dirigeants de suivre la rue par manque de courage... c'est un peu ce qui s'est passé, avec le poids de l'Angleterre en plus! D'où la réaction de Daladier, s'attendant à être "lynché" à son retour et qui -devant les houuras de la foule- murmure: "ah! les cons..."
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PS : vous dites ceci : "Bien qu'ayant voté pour le Front Populaire, il était hostile à Hitler (et à Franco, évidemment...)! ". Pourquoi la conjonction de subordination "bien que" ? Est ce une erreur de manipulation du clavier qui vous conduit à écrire cela, ou pensez-vous sérieusement que les gens qui votaient pour le front populaire n'étaient généralement pas hostiles à Hitler et à Franco ?
La majorité de ceux qui ont voté pour le Front popu voulaient "du pain, la paix et la liberté"! et ceci avant tout... Au point de donner raison à Blum qui a refusé l'intervention française en Espagne. Mais une fraction de son électorat était pour; et les communistes aussi, bien entendu ! même attitude au moment de l'anschluss (annexion de l'Autriche): certes, Blum n'est plus au pouvoir; mais c'est la chambre du front popu qui approuve Chautemps... donc, la majorité était hostile à Franco et à Hitler, mais pas au point de faire la guerre! Seulement, on arrête pas le fascisme (et toute forme de totalitarisme) par des discours...
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BRH a écrit :
Mais elle existait! Dans ce genre de circonstances, c'est aux politiques de prendre leurs responsabilités. Ils n'ont pas à consulter l'opinion publique!
Je ne crois pas qu'ils ont consulté l'opinion publique en 1938. Mais ils ont peut-être tenu compte de son sentiment et ont fait le même "pronostic" qu'elle : sa dernière revendication satisfaire, Hitler s'arrêtera ; ne prenons pas le risque d'une nouvelle boucherie comme celle de 14.
c'était le sentiment d'une majorité de députés (et de Blum: cf. son "lâche soulagement")! Mais pas l'opinion de Daladier -plus lucide qu'on ne l'a dit- qui a pourtant suivi le courant...
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BRH a écrit :
D'aiileurs, Daladier était pour la guerre! A regrets, à reculons... Mais, convaincu, quand même! Chamberlain lui a coupé les pattes. Aussi, en septembre 39, il s'est fait un peu prier: quand on n'a pas voulu mourir pour les Sudètes, pourquoi se précipiter pour Dantzig ?
Qu'en disent les historiens ? Pourquoi s'est-il fait prier en 1939 ?
La même chose que moi (voir Claude Paillat). Pour 39, Daladier consulte Gamelin: pour la forme, celui-ci assure que nous sommes prêts: ce qui est loin d'être le cas! mais laisse entendre que nous ne pourrons pas faire grand chose avant quinze jours, après la déclaration de guerre! evidemment, à cet instant, personne n'imagine que les Polonais seront balayés en si peu de temps. Quand la crise éclate le 1er septembre, Daladier croît encore possible une intervention diplomatique de Mussolini; mais -cette fois- Chamberlain est décidé à aller jusqu'au bout (il est mortifié par l'attitude d'Hitler, considérant que celui-ci s'est moqué de lui en 38). Il est certain que l'Angleterre a poussé les Polonais à l'intransigence. Sans que ceux-ci prennent d'ailleurs les mesures qui s'imposaient: la mobilisation générale...
Enfin, il y a un point qui inquiète Daladier: il doute que la chambre des députés vote la déclaration de guerre. C'est pourquoi il va recourir à un artifice de procédure: la chambre se prononcera uniquement sur les crédits militaires! formellement, elle n'aura pas approuvé la déclaration de guerre: on fera comme si...
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BRH a écrit :
Vous dites que vous auriez été du côté de ceux qui voulaient sauver la paix!!!
! ! !
Ce n'est pas exactement ce que j'ai dit.
Voici ce que j'ai dit : je ne suis pas sûr qu'
en 1938 j'aurais été avec vous, en 1938, pour jeter la pierre à ces gens qui ont voulu donner une chance à la paix et qui ne voulaient pas... mourir pour les Sudètes.
Soit ! Affaire de nuances...
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BRH a écrit :
Malheureux ! La paix n'était pas sauvable: on l'a bien vu plus tard.
Comme vous dites : On l'a vu plus tard.
Justement. C'est apparu évident a posteriori Sur le coup, ça l'était beaucoup moins.
mais pas pour les gens lucides! Churchill, etc.
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Vous le reconnaissez d'ailleurs, puisque vous avez l'honnêteté de dire que vous ne savez pas ce que vous auriez fait en 1938. Je suppose que si ça avait été évident, vous auriez suivi l'évidence, non ?
Comment savoir ? avec la mentalité de mes deux aïeux, j'aurais réagi comme eux: mais là, on tombe dans le roman...
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BRH a écrit :
Il est étrange que l'on puisse encore lire de pareilles prises de position...
Je ne prends pas position. J'essaie de faire de l'histoire.
oui, quand vous expliquez le pacifisme de l'opinion! Il n'y a pas à prendre position: la question a été tranchée depuis longtemps...
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BRH a écrit :
Je le comprends sur un plan "sentimental"...
Mais, si nous restons sur le plan politique et historique, cette position est injustifiable !!!
Que faisons-nous ? De l'histoire ou de la politique ?
Distinguons les faits et nos interprétations personnelles et a posteriori de ces faits.
il n'y a pas d'interprétation personnelle: faire de l'histoire, ce n'est pas refuser de dire qui avait tort ou raison... c'est -peut-être- la tendance des nouveaux historiens: je ne partage pas cette dérive!
Un Paxton n'a pas étudié Vichy pour simplement rétablir les faits et ne pas conclure. Il a rétabli les faits (pas tous, car il s'est parfois trompé), et il a démontré que la politique de "collaboration" n'avait guère profité aux Français... Bref, que le "bouclier" était percé!