La Saussaye a écrit :
Absolument convaincu de son statut d'autocrate dans une Russie qui branlait de plus en plus dans le manche, il avait plus toléré qu'accompagné les tentatives de réforme de Stolypine.
Il est encore aujourd'hui assez difficile d'appréhender réellement dans quelle mesure, et à quel point, le Tsar était littéralement coupé de son peuple et des élites en train de se créer par l'écran opaque de la cour impériale et du cercle d'officiers supérieurs et généraux qu'il appréciait.
Je suis d'accord avec avec l'idée d'une pensée autocratique du Tsar (et ce qu'elle engage par rapport à l'idée d'une révolution libérale ou prolétarienne). Je ne suis pas d'accord, par contre, avec l'idée que le Tsar était coupé des élites. Au contraire, le Tsar Nicolas II a cherché à imposer ses propres élites aux régimes (à savoir les Premiers ministres conservateurs des trois premières Doumas) et s'est tenu auprès d'eux entre 1905 et 1911-1912. Stolypine agissait dans l'intérêt du Tsar et avec son aval, ce qui veut dire que le Tsar était en contact direct avec les technocrates de l'entourage de son Premier ministre.
La Saussaye a écrit :
Toujours est-il qu'à l'été 1916, en Russie, il semblerait qu'il n'y ait plus grand monde de tsariste, ce qui en soi constitue quelque chose de gravissime dans un état monarchique, puis un empire, qui s'était toujours défini en référence au souverain.
Je suis dubitatif quant à cette affirmation. Sur quelles sources vous appuyez-vous ?
La Saussaye a écrit :
L'on peut même se demander, à la lumière des témoignages et des évènements, si Nicolas II croyait encore lui-même à sa mission, sinon à son destin qu'il ne cessait plus de décrire comme inéluctablement funeste. "De toute façon je suis né pour le mallheur" sera sa seule réaction verbale lors de son abdication, devant des aides de camps tétanisés par ce total abandon de soi.
A partir de novembre 1916, celà commence à devenir un secret de polichinelle dans les sphères politiques de Petrograd "qu'on" envisage de déquiller le Tsar, ni plus ni moins.
Je suis relativement en accord avec cette idée, mais le principe de ces réformateurs est de remplacer le tsar par un autre, pas de bouleverser l'équilibre politique du régime par une révolution politique.
La Saussaye a écrit :
"On", ce sont indifféremment des personnalités de centre droit comme Milioukov ou Alexandre Goutchkov et, plus logiquement d'une certaine manière, des représentants de gauche à la Douma. Plus grave pour le régime en pleine guerre, une partie du haut commandement s'avère à l'écoute de ces propositions pré-révolutionnaires.
Ce passage m'intéresse beaucoup parce qu'il est, à mon sens, la question fondamentale de ce débat sur la révolution : quels sont les soutiens de la révolution ? Vous mettez bien en évidence l'importance des militaires, pivot de l'Etat russe dans son statut d'Etat belligérant, dans le processus révolutionnaire. La conduite des armées par le Tsar (et, par là, la fusion des pouvoirs politique et militaire) conduit à une cristallisation du pouvoir politique en raison des échecs militaires. Ce phénomène est la base de la contestation politique de la Russie des années 1915-1917.
La Saussaye a écrit :
Les scénarii qui se développent alors vont rarement jusqu'à la proclamation d'une république. L'idée qui semble alors prévaloir est d'imposer au Tsar une abdication en faveur de son fils, le Tsarévitch Alexis.
Je ne suis pas d'accord. Il me semble (et quelqu'un devrait confirmer demain, mais il est bien tard et je peine à reprendre mes sources) que le prétendant au trône imaginé dans un déplacement du pouvoir politique était le Grand-Duc Michel.
La Saussaye a écrit :
Mais les cheminots commencent à bloquer les voies et les convois. Le train est dévié vers l'est, puis repart vers le nord-ouest, effectuant un étrange zig-zag qui amène le Tsar dans les bras du commandement des armées du Nord, en l'espèce le général Rousski.
Je me souviens assez évasivement de cette histoire de problèmes sur les voies ferrées. Une situation analogue est dépeinte après l'abdication du Tsar Nicolas II, lorsque le prétendant au trône cherche à gagner la capitale pour affirmer son pouvoir auprès du corps politique. Où avez-vous trouvé cette information relatives au blocage des voies ferrées ? Quelles sont selon vous les motivations de ces cheminots (autonomes ou téléguidées par un groupe politique) ?
La Saussaye a écrit :
Deux représentants de la Douma, prévenus par télégraphe, partent dare-dare de Petrograd pour rejoindre le Souverain (ou ce qu'il en reste) et l'amené à abdiquer. Ils n'en auront même pas le temps ...
Par curiosité, qui sont ces représentants de la Douma ?
La Saussaye a écrit :
Alexeïev, depuis Moghilev, suit aussi ces échanges de télégrammes, et se convaint que la monarchie est perdue. Il envoit alors à Rousski le message de bloquer le Tsar sur place cependant qu'il demande aux commandants d'armée des différents fronts, toujours par télégrammes, de lui faire part de leur opinion sur la situation.
Tous laissent tomber Nicolas II.
Je n'ai pas souvenir d'une telle unanimité des réponses. De tenez-vous cette affirmation ?
La Saussaye a écrit :
Dans la journée du lendemain, des députés de la Douma vont au Palais d'Hiver proposer le pouvoir au Grand-Duc Michel, cadet un peu nul de Nicolas. Par acquit de conscience et parce que le télégraphe fonctionne encore, on interroge l'ex-souverain sur cette idée : il fait part à nouveau de son refus, ce qui soulage considérablement son frère, complètement dépassé par les évènements et politiquement un peu en-dessous du zéro.
Je ne suis pas d'accord sur ce refus du Grand-Duc Michel. Je me répète, il est tard et il faudrait que je reprenne tout cela à tête reposée, mais il me semble vraiment que le Grand-Duc Michel avait accepté la passation de pouvoirs, mais qu'il a été empêché en cela par le blocage des voies ferrées...