Jadis a écrit :
Sutton est un historien et économiste très controversé dans le milieu anglo-saxon. Je n'ai pas lu son ouvrage sur la révolution russe, mais j'ai déjà écouté plusieurs de ses conférences audiovisuelles et parcouru un 'article' sur la relation de la bourse américaine au nazisme allemand. Il y a parfois des choses intéressantes mais les sources sont souvent floues et se contredisent. Cependant, son style est fluide et sa logique reste claire quand elle ne suit pas le chemin des contre-sens. Bref, notez bien que le milieu académique l'a exclu après la parution de son ouvrage critiquable et très brouillon dans les années 1970, puisque ses responsabilités à Stanford lui ont été retirées.
Tietie006 a écrit :
Or, ces documents ont été analysés comme des faux-grossiers, par George Kennan, c'est Sutton qui le précise
Je ne connaissais pas ce rôle de Kennan ! Vous en savez plus, cher Tietie ?
Oui,
Sutton peut dire des choses intéressantes, et je crois que c'est un des premiers à avoir souligné les relations incestueuses entre
IG Farben et le régime nazi. Le problème, c'est qu'il tire des conclusions péremptoires à partir ou de faits anodins ou de phénomènes globaux. Lorsqu'il dit, par exemple, que
Wall Street a crée le nazisme à cause de la crise de 1929 et du plan
Dawes et
Young, on est un peu dans le n'importe quoi. La crise de 29 a eu un impact sur la montée du nazisme, mais à l'insu de son plein gré, et bien d'autres facteurs ont joué ! C'est comme si on disait que les USA, aujourd'hui, sont responsables de la montée du FN à cause de la crise ...Et sur
Wall-Street et la Révolution Bolchevik, c'est du même tonneau. Il y a bien eu, aux USA, des gens fascinés par cette révolution, même dans les sphères dirigeantes, il y a eu des chefs d'entreprise qui ont voulu faire du business avec les bolcheviks, ça ne signifie pas qu'ils sont à l'origine de la révolution.
Ford a traité avec les soviétiques au début des années 30, pas pour ça que je vais accuser Ford d'être à l'origine du stalinisme. Et puis si
Wall Street était si bien avec
Lénine, pourquoi il aura fallu attendre 1933 pour que les USA reconnaissent le régime bolchevik ?
Un exemple typique du raisonnement Suttonien :
Les soviétiques créent, en 1922, la
Ruskombank, avec à sa tête le banquier suédois
Olof Aschberg, très impliqué dans le financement de la
Russie tsartiste puis de la
Russie de
Kerenski et de
Lenine, via la
Nya Banken de
Stockholm.
Sutton nous dit que la banque a surtout des capitaux britanniques (les banques créancières) et le représentant de cette banque aux USA sera le banquier
Max May, qui bossait pour
JP Morgan. L'objectif de la banque ? Selon
Olof Aschberg :
"
La nouvelle banque s'occupera de l'achat des machines et de matières premières en Angleterre et aux USA".
Un objectif assez normal vue que l'URSS doit se reconstruire après 7 ans de guerre mondiale puis de guerre civile et que
Lénine a initié la NEP.
Les espoirs de
Max May, ils les expriment dans cette missive :
"
Les USA qui sont un pays riche et dont les industries sont bien développées, n'ont pas besoin d'importer quoi que ce soit de pays étrangers mais ...ils sont très soucieux d'exporter leurs produits vers d'autres pays et considèrent la Russie comme le marché qui s'y prête le mieux, compte tenu des grands besoins de la Russie dans tous les domaines de la vie économique".
Bref
Max May veut participer à la reconstruction de la
Russie, fut-elle bolchevik, pour se faire du blé, comme beaucoup d'autres compagnies mondiales. Puis,
Sutton avoue que la
Ruskombank n'aura quasiment pas d'activité à cause du monopole étatique imposé sur le commerce extérieur, qui fut l'enjeu d'une belle bagarre au sein du Comité Central entre
Lenine et d'autres. En résumé, on a une banque avec des capitaux britanniques, un Pdg suédois,
Olof Aschberg, qui a des représentants dans le monde entier, même aux USA,
Max May, qui devait financer la reconstruction de la
Russie, mais qui ne le fit pas à cause du barrage des bolcheviks eux-mêmes ... Pour
Sutton cet épisode prouve que
Wall Street a financé la révolution bolchevik ...Voilà les contorsions suttoniennes ! Il suffit qu'un américain soit, de près ou de loin, concerné par un projet, ou connaisse un bolchevik, pour prouver la complicité entre Wall Street et les bolcheviks.