cush a écrit :
C'est là où nous divergeons: je ne pense pas que les organes de décisions de l'URSS de cette période évoluent en vase clos.
Il n'y a pas divergence juste quiproquo. Je songeais au sujet dans sa formulation et aux dérives qui n'avaient pas forcément lieu d'être.
Dès la Révolution d'Octobre, il est tenu compte de l'extérieur. Le conflit est vu comme une spécificité impérialiste qui ne fait qu'enrichir aristocratie et bourgeoisie et qui ralentit l'éclosion du prolétariat en tête de gondole.
Les réseaux de l'Internationale vont être activés, on espère voir naître enfin le réveil des masses.
Il faut aussi s'occuper de la contre-révolution abondée par les Alliés d'hier enfin de "la clique à Nicolas II".
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L'industrialisation, la militarisation à marche forcée du pays ne s'expliquent que si les responsables se sentent menacés de l'extérieur, le durcissement de l'état totalitaire aboutissant à la dictature stalinienne dénote un sentiment de faiblesse mais cette fois sans doute extérieure et intérieure.
L'origine du stalinisme ne peut être directement attribué ni au contenu de la pensée socialiste ni à l'héritage de Lénine ou à des particularités de Staline ni à la dégénérecence bureaucratique du pouvoir. Il a fallu quelque chose de plus pour interrompre le processus de stabilisation post-révolutionnaire et ouvrir la voie au totalitarisme.
J'y vois la crise profonde du système soviétique vers la fin des années 20. On oublie la profondeur de cette crise peut-être parce-que la direction tenant compte des nécessités de la lutte à l'intérieur du parti comme celle de la diplomatie a déformé le nombre de données.
En 26, l'union soviétique est pour l'essentiel à la fin de sa période de redressement. Les capacités de production remises en service étaient vieilles et usagées. Il en allait de même à la campagne : les grandes exploitations modernes avaient disparu après la Révolution. L'économie était privée d'une croissance rapide, le niveau de vie misérable, les besoins de l'Armée et de la Marine pas satisfaits, le chômage croissant et aucun moyen financier de moderniser l'économie. Début 27, la politique peu perspicace de Staline et Boukharine aggrave la position internationale de l'union soviétique. Rupture avec l'Angleterre qui provoque à l'intérieur une pression de l'opposition de gauche et des divergences au sein de la direction collective du parti.
V. V. Kouybychev (février 1928) :
"...
nous nous efforçons de parvenir à un relèvement mais de mois en mois nous reculons. Ce n'est pas un rétablissement, c'est pour le dire franchement une mort lente..."
2 mars 1928, le gouvernement constatait dans une décision secrète que le pouvoir soviétique était gravement menacé, "
... avec le comité central, il était décidé à utiliser tous les moyens pour maintenir la dictature du prolétariat." La police d'Etat a carte blanche pour faire appliquer les directives et mater toute résistance. Pour autant le passage de l'union soviétique au stalinisme n'était pas inéluctable. On s'est déjà opposé à Staline. Les deux groupes d'opposition avaient un niveau culturel et une connaissance des mécanismes de la vie sociale et économique supérieure à Staline.
L'apparition de l'opposition de gauche ira de paire avec une mise en cause de Staline par les politiciens modérés qui ont en mémoire le sort des Jacobins français. L'idée d'écarter Staline arrivera à maturation en automne 27. On lui voit un successeur possible. Echec ! Vu la crise intérieure et extérieure, un changement aussi radical est un luxe que l'on ne peut se permettre. Les modérés ont laissé faire. Boukharine évoque "
l'exploitation militaro-féodale" de la paysannerie, Rykov frêne devant les procès, peine perdue. On commence avec celui des "spécialistes des usines". La résistance populaire est là mais ne sera pas optimisée. La guépéou fonctionne à plein régime.
Faiblesse extérieure ? L'heure était à la montée du fascisme, l'Allemagne avait payé le prix fort avec l'épisode spartakiste, il y a rupture avec le Kouomitang.
Faiblesse intérieure ? L'été 28 fait état de plus de 150 cas de petites révoltes paysannes. Une fois seul ce sera l'industrialisation à marche forcée.
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Que signifie l'abandon de la ligne internationaliste si ce n'est la mise en évidence de cette faiblesse vis à vis de l'extérieur?
Staline n'a jamais été pour une internationalisation. Il bloque, c'est sa hantise. Un signe de faiblesse ? Je l'ignore...
J'y vois plus une sorte de lucidité. Les soviets de Bavière n'ont tenu que 2 semaines, la Commune hongroise moins de 6 mois, la révolution allemande est un échec. Il est temps de laisser l'idéologie et avec la couronne de Marxisme-Léninisme (fruit de la pensée de Staline) enterrer les théories et laisser place à une brutale pratique.
D'ailleurs après le reflux, le Komintern mène une politique erratique : de la Chine où il encourage les soulèvements qui se terminent en massacre à l'Espagne où les envoyés sont plus occupés à combattre les trotskistes et les anarchistes que les franquistes.
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Dans quel contexte et à quelles fins si ce n'est pour former une alliances entre vaincus et exclus en réaction au "club" des vainqueurs?
Ceci apparait clairement comme une réaction de rejet mais il faudrait prendre tellement de paramètres en compte pour l'évoquer. Je n'ai pas votre vision synoptique des évènements.
Cependant, j'y reviens : beaucoup ont fait l'erreur de sous-estimer Staline et de jacasser pendant qu'il faisait son chemin ; ceci en se basant sur des critères intellectuels ou autres. Ils sont passés à la trappe et parfois l'ont eux-mêmes ouverte faute de vigilance, par laxisme et souvent dans l'idée de ne pas "jouer dans la même cour".
C'est sans doute pour ceci que Staline poussera la vigilance à la paranoïa.