François Delpla a écrit :
Attention aux confusions chronologiques !
Comme tu le dis toi-même, la mise à l'écart d'Otto Strasser date de 1930.
Cette prétendue aile gauche avec son programme de nationalisations (exprimé où et quand ?) est un fantasme, propagé par Hitler lui-même (de façon, cependant, beaucoup plus imprécise).
Bien entendu, la perception des faits par l'armée est très importante. Mais quelle est-elle au juste ? Croit-elle vraiment les fables hitlériennes ? Ce qui l'impressionne surtout, ce sont les flatteries du dictateur à son endroit et le fait qu'il ait, apparemment, opté pour elle en massacrant des chefs SA qui étaient parfois de vieux compagnons. Mais au passage, la même armée, quand elle agrée cette omelette, doit tolérer des oeufs cassés importants, dans ses propres rangs idéologiques (les cathos entourant Papen) et surtout dans ses rangs tout court (Schleicher et son épouse, Bredow).
On est donc au coeur de la démarche nazie, faite de violence dosée et de démonétisation des gens à leurs propres yeux pour les faire marcher droit.
1°) Un fantasme ? Et le Congrès de Bamberg de 1926 ?
Selon le spécialiste de l'Allemagne
Alfred Grosser, «
Il existait au sein du parti, une fraction, dirigée par les frères Strasser, qui eût voulu orienter non seulement la propagande, mais aussi la politique du parti vers une défense active des intérêts des ouvriers et vers un socialisme, non marxiste certes et fortement nationaliste, mais destiné cependant à bouleverser profondément l’ordre social de l’Allemagne ».
Ils forment l'Association national-socialiste du travail, courant « socialiste » au sein du NSDAP.
A l'automne 1925, ce courant s'affirme, en opposition avec la tactique d'alliance à droite décidée par
Hitler :
Ils soutiennent la demande du SPD d’expropriation des princes allemands en 1925.
«
Soutenu par les SA, dont Ernst Röhm, Strasser en vient en octobre dans ses « Lettres nationales-socialistes » à proposer de collaborer avec la Russie soviétique pour briser l’impérialisme de l’Entente ».
Goebbels se déclare également pro-soviétique (
par exemple dans un article de NS Briefe du 15 novembre 1925) et prône dans son discours de
Königsberg le 19 janvier 1926 l’alliance des nazis et des socialistes.
Cependant, la tentative d'imposer cette ligne au sein du NSDAP tournera court.
Hitler imposera sa ligne d'alliance à droite au congrès de Bamberg en février 1926 :
Goebbels se ralliera à
Hitler, les frères
Strasser sont mis en minorité,
Hitler fait voter l'inaltérabilité du programme en 25 points de 1920. Beaucoup de strassériens seront exclus, même s'ils resteront puissants en Saxe et dans certains endroits de la Ruhr. En 1927,
Gregor Strasser écrira encore : «
Nous sommes socialistes, nous sommes des ennemis, des ennemis mortels de l’actuel système économique capitaliste avec son exploitation des personnes faibles économiquement, avec l’injustice des salaires, avec son immoral classement des hommes suivant leur fortune et leur argent au lieu de leur responsabilité et de leur travail et nous sommes résolus à anéantir ce système quelles que soient les circonstances32. »
Donc il y a bien eu une tendance très anti-capitaliste et socialisante au sein du NSDAP et
Röhm s'inscrivait dans cette tendance !
2°) Oui,
Otto Strasser a été exclu du NSDAP au début des années 30, mais sa mouvance n'a pas disparu du jour au lendemain ...et
Röhm faisait partie de la tendance des frères. D'ailleurs, lors de la nuit des longs couteaux,
Gregor Strasser fut aussi exécuté !
Hitler en avait décapité les leaders de la tendance "socialiste" de son parti qui se rapprochait fortement de la tendance nationale-bolchevique d'un
Niekisch.