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Message Publié : 26 Fév 2019 0:34 
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Pierre de L'Estoile
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Je me pose souvent des questions sur l'armée française entre 1918 et 1940.

L'armée paraît à la pointe de la tactique en 1918. J'ai trouvé une vidéo très intéressante qui résume un peu tout. J'en profite pour faire de la pub à la chaîne Youtube de l'animateur, Sur le champs


Dans le cirque que constitue l'Europe, l'Afrique du nord et le Moyen-Orient jusqu'en 1923, l'armée française peut projeter ses forces et tenir en respect des armées beaucoup plus nombreuses.

Tout change avec la fin des années 20 et le début des années 30, où la stratégie se restreint à la défense du territoire. J'ai trouvé sur un blog un article au nom évocateur : Comment fossiliser une grande armée-L'exemple de l'entre-deux-guerres Un paragraphe m'interpelle :
Citer :
Ce repli initié par le ministère de la Guerre va finalement se retourner contre lui, transformant les armées françaises de force d’intervention en une structure nouvelle finalement apte à peu de choses. Voulant conserver des structures lourdes malgré une diminution rapide des effectifs (parallèle à la réduction de la durée du service à un an en 1928) l’armée de terre voit son commandement paralysé par la dilution de l’autorité et de la responsabilité entre de multiples personnes et organismes, tandis que les grandes unités (30 divisions) sont bien incapables d’être autre chose que des cadres de mobilisation. Selon le général Beaufre, « l’armée subsistait mais vivotait au rabais : les effectifs squelettiques mangés par les corvées et les gardes, l’instruction individuelle bâclée en quatre mois, puis tous les hommes disponibles transformés en employés […] l’armée usait sa substance à flotter dans un habit trop large pour elle ». En 1930, le général Lavigne-Delville alerte l’opinion : « Que nous reste-t-il donc, l’évacuation [de la Rhénanie] faite, pour résister à l’agression possible allemande ? Des frontières sans fortifications, des fortifications sans canons, des canons sans munitions, des unités sans effectifs, des effectifs sans instruction ».
J'ai du mal à comprendre l'idée d'une armée avec une structure "lourde". Quelqu'un pourrait-il décrire l'organigramme de l'armée française, par rapport à l'armée allemande ?

La question de la réduction des effectifs pour faire des économies rencontre l'autre phénomène, démographique : les classes creuses : les jeunes que les morts de 14-18 n'ont pas engendrés auraient eu 20 ans entre 34 et 38. Il y a donc un déficit de troupes mobilisables. J'ai cherché des effectifs, mais je n'en ai pas trouvé. Quelqu'un a-t-il une idée de la variation des effectifs sur la période ?

En terme de formation des officiers, je ne peux m'empêcher de citer Pierma dans le sujet sur les motivations des soldats allemands.
Pierma a écrit :
Aigle a écrit :
Pour Pierna : pouvez vous préciser votre pensée sur la formation de l'officier français entre 1918 et 1940? quelle est cette doctrine du "compartiment de terrain"? en qui pose-t-elle problème (pendant mon propre service militaire dans les années 80 ce concept était encore employé ...) ? j'ai le sentiment (peut-être erroné) que nos officiers de réserve de 1939/40 étaient très médiocres (mais c'est peut-être une idée préconcue) - de même pour nos sous-officiers. Si vous en savez plus cela m'intéresse.

L'idée du "compartiment de terrain" n'est pas absurde sur le plan tactique : soit une zone géographique où se déroule une opération. Si cette opération est défensive, il faut "meubler" cette zone avec des moyens (tranchées, infanterie, antichars, mines...) qui dépendent à la fois des caractéristiques géographiques (découvert, boisé, relief...) et des forces qu'on y attend.

Ce qui nous paraît absurde aujourd'hui, c'est d'en faire une stratégie - défensive - le front étant vu comme une juxtaposition de "compartiments de terrains", qui peuvent éventuellement se déplacer en cas d'offensive, mais qui sont indissociables de la notion de "front continu" (qu'on doit rétablir en cas de rupture.)

Cette vision paraissait sensée aux chefs qui avaient vécu la Grande Guerre, y compris la reprise de la guerre de mouvement en 1918. Peu de gens imaginaient alors une percée de 100 ou 200 km en quelques jours.

Jean lacouture, dans sa biographie de De Gaulle, cite ce commentaire de Loustaunau-Lacau, son condisciple à l'école de guerre, qui dénonçait :
Citer :
l'erreur qui consiste à considérer comme une science exacte (...) un art fragile dans ses certitudes. (...) Lemoine, le champion de cette stratégie de maçons, travaillait le terrain au kilomètre-homme, au kilomètre-canon, au kilomètre-obus. (...) Lorsqu'on écoutait ses conférences de bélier, on avait envie de s'écrier :" Et si l'ennemi n'est pas là ? Et s'il existe d'autres moyens de détruire avec moins de ferraille ? Et la troisième dimension ? Et la surprise ? Et la vitesse ? " (...) En le suivant aux traces (....) ses victoires arrivaient toutes cuites de l'arrière, en camions, en chemins de fer, comme un gâteau de la cuisine à l'office.


Pour les officiers de réserve, il semble évident qu'un tel enseignement ne les conduisait pas à l'inventivité tactique. Je pense aussi qu'ils faisaient peu de périodes de réserve et n'étaient pas entraînés à commander.

(En 1940, il y a sans doute le même écart entre les forces d'active et la réserve dans la Wehrmacht. Mais au cours de la conquête de la France seuls les premiers sont réellement engagés.)

Enfin, je m'interroge sur le rôle de Pétain. Maréchal, il soutient de Gaulle et ses théories sur la guerre de mouvement. Ministre de la guerre, il diminue les crédits et lance la construction de la ligne Maginot. Et plus tard, jusqu'à mai 40, j'ai l'impression qu'il assaille le gouvernement de demandes de moyens, en évoquant à chaque fois la défaite prochaine. Ne peut-on pas dire que le défaitisme est répandu dans les états-majors français des années 30 ? Et la réflexion stratégique remplacée par une gestion de la pénurie du fait des moyens alloués par le pouvoir politique ?

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Message Publié : 26 Fév 2019 1:56 
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Citer :
Je me pose souvent des questions sur l'armée française entre 1918 et 1940.

La question de la réduction des effectifs pour faire des économies rencontre l'autre phénomène, démographique : les classes creuses : les jeunes que les morts de 14-18 n'ont pas engendrés auraient eu 20 ans entre 34 et 38. Il y a donc un déficit de troupes mobilisables. J'ai cherché des effectifs, mais je n'en ai pas trouvé. Quelqu'un a-t-il une idée de la variation des effectifs sur la période ?

Quelle importance ? d'un côté comme de l'autre, la moitié des soldats n'ont pas eu l'occasion de tirer un coup de fusil.
Loustaunau-Lacau :"ce ne fut pas la guerre des classes creuses, mais celle des cervelles creuses."
Citer :
Enfin, je m'interroge sur le rôle de Pétain. Maréchal, il soutient de Gaulle et ses théories sur la guerre de mouvement.

Ou avez-vous vu ça ? Pétain était fâché à mort avec De Gaulle. De plus il a toujours joué de son influence dans le sens de la guerre immobile. Il est, à son rang et avec son prestige, un des principaux responsables de la sclérose de l'armée française.

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Message Publié : 26 Fév 2019 7:56 
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Bonjour,

Je répondrai à vos questions dans la journée, là, il y a la rentrée des enfants.
Bien d'accord avec Pierma sur le rôle de Pétain : à partir du milieu des années 1930, les deux s'opposent irréductiblement l'un à l'autre. Et Pétain, au contraire de Weygand, ne perçoit pas les évolutions en cours, et certainement pas la principale révolution qui va avoir lieu entre 1939 et 1941 : le raccourcissement de la boucle décisionnelle tactique et opérative par les Allemands et l'exploitation de ce gain crucial par sa démultiplication via le cheval vapeur, la troisième dimension et les ondes radio.

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Message Publié : 26 Fév 2019 8:15 
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Pierre de L'Estoile
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Pierma a écrit :
Citer :
Je me pose souvent des questions sur l'armée française entre 1918 et 1940.

La question de la réduction des effectifs pour faire des économies rencontre l'autre phénomène, démographique : les classes creuses : les jeunes que les morts de 14-18 n'ont pas engendrés auraient eu 20 ans entre 34 et 38. Il y a donc un déficit de troupes mobilisables. J'ai cherché des effectifs, mais je n'en ai pas trouvé. Quelqu'un a-t-il une idée de la variation des effectifs sur la période ?

Quelle importance ? d'un côté comme de l'autre, la moitié des soldats n'ont pas eu l'occasion de tirer un coup de fusil.
Loustaunau-Lacau :"ce ne fut pas la guerre des classes creuses, mais celle des cervelles creuses."
Pas mal ! Mais j'ai l'impression que les classes creuses ont tout de même eu un impact décisif avant l'entrée en guerre : non seulement elles orientent la stratégie sur une défense statique pour protéger le peu d'hommes qui restent, mais je pense que c'est pour cela que les généraux ne cessent de répéter aux gouvernements successifs qu'il ne faut surtout pas entrer en guerre durant la période. D'où l'Anschluss, les Sudètes, la Tchécoslovaquie, et tout ce qui s'ensuit :rool:

Citer :
Citer :
Enfin, je m'interroge sur le rôle de Pétain. Maréchal, il soutient de Gaulle et ses théories sur la guerre de mouvement.
Ou avez-vous vu ça ? Pétain était fâché à mort avec De Gaulle. De plus il a toujours joué de son influence dans le sens de la guerre immobile. Il est, à son rang et avec son prestige, un des principaux responsables de la sclérose de l'armée française.
J'ai lu ça sur la page Wikipedia de Pétain :
Wikipedia a écrit :
Général en chef de l’Armée française (il le reste jusqu’au 9 février 1931), il estime en 1919 à 6 875 le nombre de chars nécessaires à la défense du territoire (3 075 chars en régiment de première ligne, 3 000 chars en réserve à la disposition du commandant en chef et 800 chars pour le remplacement des unités endommagées).

Il écrit : « C’est lourd, mais l’avenir est au maximum d’hommes sous la cuirasse ».

De 1919 à 1929, avec la présence d'un ami au poste de chef d'état-major des armées (le général Buat jusqu'en 1923, puis après sa mort le général Debeney), il s'oppose à la construction de fortifications défensives, préconisant au contraire la constitution d'un puissant corps de bataille mécanisé capable de porter le combat le plus loin possible sur le territoire ennemi dès les premiers jours de la guerre. Il parvient à rester l'instigateur principal de la stratégie, obtenant, en juin 1922, la démission du maréchal Joffre de la présidence de la Commission d'étude de l'organisation de la défense du territoire créée quinze jours plus tôt, et s'opposant, lors de la séance du Conseil supérieur de la guerre du 15 décembre 1925, à la construction d’une ligne défensive continue. Il y prône des môles défensifs sur les voies d’invasion.

Lors de la séance du 19 mars 1926, et contre l’avis de Foch, qui estime que Pétain donne à tort aux chars une importance capitale, il préconise et obtient l’étude de trois prototypes de chars (léger, moyen et lourd).

Il doit, cependant, finir par s'incliner et accepter la construction de la ligne Maginot, lorsque André Maginot, alors ministre de la Guerre, déclare, lors du débat parlementaire du 28 décembre 1929 : « ce n'est pas Pétain qui commande, mais le ministre de la Guerre ».
Qu'en est-il en réalité ?

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Message Publié : 26 Fév 2019 12:13 
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Nebuchadnezar a écrit :
Pas mal ! Mais j'ai l'impression que les classes creuses ont tout de même eu un impact décisif avant l'entrée en guerre : non seulement elles orientent la stratégie sur une défense statique pour protéger le peu d'hommes qui restent, mais je pense que c'est pour cela que les généraux ne cessent de répéter aux gouvernements successifs qu'il ne faut surtout pas entrer en guerre durant la période. D'où l'Anschluss, les Sudètes, la Tchécoslovaquie, et tout ce qui s'ensuit.

Cela a pu jouer à la marge, mais l'Allemagne a connu le même effet démographique. Simplement, sa population (en comptant l'Autriche et les Sudètes) est pratiquement le double de celle de la France. Il faudra, au final, totaliser les divisions françaises, anglaises, belges et hollandaises pour obtenir pratiquement la parité avec l'Allemagne.
En réalité il y a deux facteurs décisifs qui paralysent la France dans ces circonstances :
- Le réarmement, qui n'a eu d'effets que tardivement,
- mais surtout, et c'est sans doute le principal, les Français ne veulent en aucun cas entrer en guerre sans l'Angleterre à leurs côtés. Pour cette raison ils sont toujours, politiquement, en position de suiveurs : la première question est "que va faire l'Angleterre ?". Hors non seulement les appeasers ne mesurent pas le danger et croient à la parole d'Hitler, mais il reste chez certains d'entre eux une certaine méfiance envers les vues "impérialistes" de la France.

Concernant Pétain, s'il a été longtemps demandeur de chars en quantité, son point de vue s'est infléchi avec la construction de la ligne Maginot. Mais surtout, des chars pour quoi faire ? A la déclaration de guerre, le nombre de blindés est à peu près le même des deux côtés, mais côté Français, près de la moitié sont noyés par bataillon dans le rôle d'accompagnement de l'infanterie : peu de généraux imaginent l'action séparée des blindées. Il arrivera même qu'une division cuirassée voit ses chars dispersés et répartis le long de la ligne de front par le général commandant l'armée. (J'ai oublié laquelle.)
Pétain fait partie de cette école - majoritaire - qui n'imagine pas pour les chars d'autre rôle que celui de 1918.

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Message Publié : 26 Fév 2019 12:37 
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Marc Bloch
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Ne pas oublier la doctrine française d'emploi des chars qui sont destinés à accompagner l'infanterie qui avance à pied. Ce sont les Allemands qui pensent à la formation de chars qui foncent, perce et mette l'ennemi cul par dessus tête en désorganisant jusqu'à leurs arrières. Quand on lit les ouvrages de la campagne de 1940, on voit ce souci français du front continu et de colmater dès qu'il y a une brêche. Or sur un adversaire qui fait une attaque en doigt de gant, on peut faire des contre-attaques de flancs. Pour cela, il faut de la réactivité et du mordant.
Un bon exemple est la manœuvre Weygand du 20 mai 1940 qui a l'idée de contre attaquer de Arras vers Bapaume et de même du sud vers le nord pour cisailler le raid des Panzers qui foncent vers la baie de Somme, isolant logistiquement leur avant garde. Mais la viscosité à tous les échelons, parfois le manque de discipline de certains grands subordonnés, plus la poisse ( ce serait trop long à décrire), ont fait qu'une belle idée tactique est tombée à l'eau.
Le livre du Colonel Goutard : "1940, la guerre des occasions perdues" (Hachette 1956) est très intéressant à cet égard. Bien sûr comme dans ce genre d'ouvrage, il faut le lire avec un œil critique.

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Message Publié : 26 Fév 2019 16:26 
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Marc Bloch
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Deux détails que j'ai lus jadis.

Primo les classes creuses avaient pour effet de mobiliser un plus grand nombre de classes que le Reich. Donc des soldats moins jeunes.

Secundo, la société rurale qui fournissait la masse de l'infanterie en 1939 comme en 1914 puisque les ouvriers étaient affectés spéciaux était beaucoup moins sportive que la société allemande . Ce qui aggravait le problème ci dessus.


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Message Publié : 27 Fév 2019 0:02 
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Philippe de Commines
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Faget a écrit :
Ne pas oublier la doctrine française d'emploi des chars qui sont destinés à accompagner l'infanterie qui avance à pied. Ce sont les Allemands qui pensent à la formation de chars qui foncent, perce et mette l'ennemi cul par dessus tête en désorganisant jusqu'à leurs arrières. Quand on lit les ouvrages de la campagne de 1940, on voit ce souci français du front continu et de colmater dès qu'il y a une brêche. Or sur un adversaire qui fait une attaque en doigt de gant, on peut faire des contre-attaques de flancs. Pour cela, il faut de la réactivité et du mordant.

En fait, même chez les Allemands, ça ne paraissait pas si évident que ça... La PanzerDivision est bien équipée pour percer, mais c'est pratiquement le seul type d'unité complètement motorisé de la Wehrmacht en 1940. Le reste doit - au mieux - se contenter de camions et de bicyclettes. Ce qui explique que le Haut Commandement prévoyait bien une avance rapide, mais pas aussi rapide qu'elle eut lieu...
Le fait est que des têtes brûlées comme Guderian et Rommel continuaient à faire avancer leurs panzers tant qu'ils le pouvaient, alors que l'infanterie derrière peinait à suivre ! A l'analyse, il est vrais que ce fut assez imprudent, car certaines unités allemandes de pointe auraient pu se retrouver isolées, si les Alliés étaient parvenus à réagir rapidement...

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Message Publié : 27 Fév 2019 1:33 
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Faget a écrit :
Un bon exemple est la manœuvre Weygand du 20 mai 1940 qui a l'idée de contre attaquer de Arras vers Bapaume et de même du sud vers le nord pour cisailler le raid des Panzers qui foncent vers la baie de Somme, isolant logistiquement leur avant garde. Mais la viscosité à tous les échelons, parfois le manque de discipline de certains grands subordonnés, plus la poisse ( ce serait trop long à décrire), ont fait qu'une belle idée tactique est tombée à l'eau.

Mais il aurait fallu lancer cette idée 3 ou 4 jours plus tôt, du train où allaient les choses... et où bougeait l'armée française. Weygand arrive trop tard.

Weygand n'est pas nul, contrairement à nombre de généraux de sa génération. Son idée ultérieure de créer une ligne en fortifiant les villages, avec les blindés dans les intervalles, n'était pas une parade absurde à la Blitzkrieg, du moins avec le peu dont il disposait. (Pour que ça marche il y aurait fallu de fortes unités blindées pour contre-attaquer les percées, mais elles étaient restées en Belgique.) Disons que son action donne une idée de ce qu'aurait pu être un commandement censé à la tête de l'armée.

(En revanche on n'est pas obligé d'apprécier son comportement politique ultérieur.)

Le commandement de Gamelin est une somme d'absurdités effrayante.

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Message Publié : 27 Fév 2019 14:48 
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L'idée de la ligne Maginot pouvait se comprendre. Nous n'avions plus d'alliés, nous nous retrouvions dans la situation d'avant 1892, avant l'alliance franco-russe, les Américains se sont réfugiés dans l'isolationnisme et les Anglais, fidèles à leur stratégie traditionnelle, ménagent l'Allemagne puisque la France est la puissance dominante du continent. Les alliances avec les pays nouvellement indépendants sont décevantes, aucune de leurs armées n'a la puissance de l'armée russe de 1914.

Nous avons une population vieillissante, de beaucoup inférieure à l'Allemagne, une industrie qui est loin de valoir celle de l'adversaire et une dette colossale qui reste à rembourser. Après la saignée que vient de connaître la nation, la solution de positions fortifiées ne paraissait pas aussi stupide qu'elle peut nous l'être aujourd'hui. D'ailleurs, ce n'est pas sur celle-ci que nous serons battus, mais d'avoir trop avancé en Belgique avec un allié anglais qui nous a apporté tout ce qu'il pouvait, mais qui était fort peu. Si l'armée britannique avait compté les 56 divisions qu'elle avait en mars 1918, les Allemands n'auraient pas percé, Panzerdivisionen ou pas.

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Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer (Guillaume le Taciturne)


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Message Publié : 27 Fév 2019 18:16 
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Jean-Marc Labat a écrit :
L'idée de la ligne Maginot pouvait se comprendre. Nous n'avions plus d'alliés, nous nous retrouvions dans la situation d'avant 1892, avant l'alliance franco-russe, les Américains se sont réfugiés dans l'isolationnisme et les Anglais, fidèles à leur stratégie traditionnelle, ménagent l'Allemagne puisque la France est la puissance dominante du continent. Les alliances avec les pays nouvellement indépendants sont décevantes, aucune de leurs armées n'a la puissance de l'armée russe de 1914.

Nous avons une population vieillissante, de beaucoup inférieure à l'Allemagne, une industrie qui est loin de valoir celle de l'adversaire et une dette colossale qui reste à rembourser. Après la saignée que vient de connaître la nation, la solution de positions fortifiées ne paraissait pas aussi stupide qu'elle peut nous l'être aujourd'hui. D'ailleurs, ce n'est pas sur celle-ci que nous serons battus, mais d'avoir trop avancé en Belgique avec un allié anglais qui nous a apporté tout ce qu'il pouvait, mais qui était fort peu. Si l'armée britannique avait compté les 56 divisions qu'elle avait en mars 1918, les Allemands n'auraient pas percé, Panzerdivisionen ou pas.

Je suis parfaitement d'accord. Dans la situation où se trouve la France au moment où Hitler prend le pouvoir - dont tu as rappelé tous les paramètres, et qui sont déjà présents en 33, voire même anticipés dès 1920 par Jacques Bainville - il est évident que la stratégie française, au moins sur les deux premières années de guerre, ne peut être que défensive.
Et donc l'idée de fortifier sa frontière nord est une évidence pour la France. L'erreur est de ne l'avoir fait qu'à moitié.
Citer :
Si l'armée britannique avait compté les 56 divisions qu'elle avait en mars 1918, les Allemands n'auraient pas percé, Panzerdivisionen ou pas.

Rappelons que les Anglais n'ont rétabli la conscription qu'au début 1939, et que s'ils ont tant sauté de joie en réussissant l'évacuation de Dunkerque, c'est que toutes leurs troupes et tous leurs officiers instruits se trouvaient là, noyau de leur future armée, dont la perte aurait été irréparable.

Mais même dans les conditions existantes, si la ligne Maginot avait été prolongée jusqu'à la mer, les Allemands auraient passé des moments très difficiles pour réussir à percer.

Le problème de la ligne Maginot a surtout été son impact intellectuel, ou psychologique, comme on voudra. Pour des Français pas très chauds pour remettre ça, et pour un commandement sclérosé qui n'imaginait pas livrer autre chose que la guerre précédente, l'effet a été catastrophique.

Il faut lire "Une invasion est-elle encore possible ?", du regretté et regrettable général Chauvineau, préface du maréchal Pétain, pour se faire une idée de l'amplitude de cet effet.

Je n'ai trouvé que la préface, pour laquelle une simple citation suffira :
Le maréchal Pétain a écrit :
La défensive est devenue si puissante qu'il faut à l'assaillant une énorme supériorité pour se lancer à l'attaque. Chiffrant cette prépondérance, le général Chauvineau estime que l'attaque doit avoir trois fois plus d'effectifs d'infanterie, six fois plus d'artillerie, douze fois plus de munitions pour espérer dominer la défense. L'assaillant doit posséder en outre une supériorité impossible à chiffrer en ce qui concerne la qualité des hommes : la troupe d'assaut requiert un entraînement physique complet et un moral très élevé, alors que la troupe de la défense a une tâche plus facile, « parce que son devoir est inscrit sur le terrain ».

http://lignechauvineau.free.fr/Preface.htm

Jean Lacouture n'a donc pas tous les torts d'ironiser sur "une stratégie de travaux publics" : si ce n'est même pas réellement ce qui a été réalisé - de la Suisse à la Manche - sur le terrain, c'est en tous cas ce qui a été construit dans les têtes.

Ajoutons à cela que cette stratégie s'est muée, pour des raisons politico-militaires très entremêlées, en stratégie volontaire de c..l entre deux chaises, puisque Gamelin avait sa petite idée, dictée par une géographie évidente et la volonté des politiques de ne pas abandonner l'allié belge, sur la bataille de rencontre qui ne manquerait pas de se produire en Belgique.

Que dans ces conditions Hitler ait sauté sur le premier plan venu permettant d'éviter cette stratégie frontale prémâchée est dans la nature des choses, et même, pour une part, dans sa nature personnelle. De plus, les militaires allemands ayant de leur côté beaucoup réfléchi à la défaite précédente, ce plan était excellent. (A noter tout de même que c'est le premier et dernier pari militaire de grande ampleur que Hitler ait réussi : ce succès le tuera.)

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Message Publié : 27 Fév 2019 18:49 
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Pierre de L'Estoile
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Lord Foxhole a écrit :
En fait, même chez les Allemands, ça ne paraissait pas si évident que ça... La PanzerDivision est bien équipée pour percer, mais c'est pratiquement le seul type d'unité complètement motorisé de la Wehrmacht en 1940. Le reste doit - au mieux - se contenter de camions et de bicyclettes. Ce qui explique que le Haut Commandement prévoyait bien une avance rapide, mais pas aussi rapide qu'elle eut lieu...
Le fait est que des têtes brûlées comme Guderian et Rommel continuaient à faire avancer leurs panzers tant qu'ils le pouvaient, alors que l'infanterie derrière peinait à suivre ! A l'analyse, il est vrais que ce fut assez imprudent, car certaines unités allemandes de pointe auraient pu se retrouver isolées, si les Alliés étaient parvenus à réagir rapidement...
En effet, la doctrine d'emploi des chars en soutien de l'infanterie n'est pas sotte en elle-même. Durant la bataille des Haies en Normandie, c'est elle qui sera à l'honneur. Et aujourd'hui, elle l'est dans les combats urbains, à tel point que les Américains ont généralisé l'ajout de combinés téléphoniques à l'arrière du char, qui avait été testé durant le VietNam - on le voit dans Full Metal Jacket.

Il y a d'autres fils consacrés à la bataille de France, dont je rassemble les derniers ici :Dans le cas de cette campagne, l'effet principal de la ruée des blindés est l'effet de sidération sur les arrières. Guderian et Rommel racontent que quand ils croisaient une colonne française, ils s'avançaient seuls devant leurs troupes, exigeaient de parler à l'officier de plus haut rang et lui intimaient l'ordre de se rendre... Et ça marchait ! lol

Tout se passe comme si les troupes françaises ne pouvaient pas passer d'une posture de déplacement à une posture de combat. Est-ce un effet de la formation qui disait qu'on ne se bat que dans une tranchée et pas ailleurs ? Ou qu'elle ne pouvait le faire sans un ordre d'en haut, qui n'avait aucune chance de venir puisque le commandement et les communications étaient à la ramasse ?

Par ailleurs, en plus de la ligne Maginot, il devait être évident que l'armée devait comporter une aile marchante. Même sans chars, que prévoyait-on durant l'entre-deux guerres ? "On marche jusqu'à voir le premier felgdrau, et on s'enterre ?" :rool:

Jean-Marc Labat a écrit :
L'idée de la ligne Maginot pouvait se comprendre. Nous n'avions plus d'alliés, nous nous retrouvions dans la situation d'avant 1892, avant l'alliance franco-russe, les Américains se sont réfugiés dans l'isolationnisme et les Anglais, fidèles à leur stratégie traditionnelle, ménagent l'Allemagne puisque la France est la puissance dominante du continent. Les alliances avec les pays nouvellement indépendants sont décevantes, aucune de leurs armées n'a la puissance de l'armée russe de 1914.
Oui, et il faut ajouter que l'est de la France est une région industrielle, qu'il faut protéger. La ligne Maginot servait à canaliser l'offensive allemande sur la Belgique, et elle a parfaitement fonctionné.

Cela me conduit à une autre question : dans le cadre d'une stratégie défensive, y a-t-il eu un effort de construction des axes de communications, trains et routes ? Personne ne s'est-il dit qu'avec des réseaux en étoile qui ne permettent que d'entrer et de sortir de Paris (en caricaturant un peu), une armée placée au mauvais endroit, genre derrière cette fameuse ligne Maginot, n'avait aucune chance de se porter là où elle pourrait être utile ?

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Message Publié : 27 Fév 2019 19:32 
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Nebuchadnezar a écrit :
Cela me conduit à une autre question : dans le cadre d'une stratégie défensive, y a-t-il eu un effort de construction des axes de communications, trains et routes ? Personne ne s'est-il dit qu'avec des réseaux en étoile qui ne permettent que d'entrer et de sortir de Paris (en caricaturant un peu), une armée placée au mauvais endroit, genre derrière cette fameuse ligne Maginot, n'avait aucune chance de se porter là où elle pourrait être utile ?

Je pense qu'en dehors des unités les plus modernes, qui donc se trouvaient en Belgique, il ne devait pas y avoir foule de divisions d'infanterie disposant de camions.

J'en profite pour signaler ma découverte de la "ligne Chauvineau", commencée en septembre 39 pour fortifier, disons à 50 km de distance, la région parisienne ! 8-| (Et pour quoi f...tre, ça restera un mystère : gagner la bataille de la Marne ?)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ligne_Chauvineau

Au passage, ça éclaire pour moi la volonté qu'avait De Gaulle de défendre Paris - au lieu de déclarer la capitale "ville ouverte". Je trouvais qu'il faisait bon marché de l'état à prévoir de la capitale, mais sans doute songeait-il à une défense sur cette fameuse ligne ? :?:

(Il est vrai qu'en 1914 le ministre de la Guerre avait ordonné à Galliéni une défense à outrance de Paris, et confirmé cet ordre après que le général eut décrit les dégâts prévisibles, et même nécessaires, mais ces gens là étaient d'une autre trempe et le contexte était différent.)

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Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu. (Chamfort)


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Message Publié : 27 Fév 2019 22:22 
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Jean Mabillon
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Il ne faut surtout pas oublier que cette armée française de civils mobilisés est fort mal entrainée une année de service pour les plus jeunes:trois mois de classes suivis surtout de gardes et de corvées d'entretien diverses.... Depuis la mobilisation,il a fallu fabriquer des unités à partir de personnels issus de dépôts il faudra pas mal de temps pour donner de la cohésion,on a trouvé le prétexte du mauvais temps,du froid très rigoureux....sans compter le matériel un tant soit peu moderne qui n'existait pas en stocks...les unités véritablement "professionnelles" étaient très souvent des unités "coloniales" mais la guerre qu'il faudra mener n'aura rien à voir avec des combats contre des tribus dissidentes.......cette construction,pour laquelle finalement on n'aura ni les moyens,ni le temps


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Message Publié : 27 Fév 2019 22:40 
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Grégoire de Tours
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Cela me rappelle une question que je m'étais posée en lisant les mémoires de Von Manstein. Celui-ci mentionne qu'il a été rassuré lorsque l'OKH a abandonné l'idée d'attaquer la France en 39 (dans la foulée de la Pologne) pour raisons logistiques/pratiques/... Il mentionne qu'il en a été rassuré parce qu'il trouvait important d'avoir un an pour assimiler les leçons de la campagne de Pologne, réorganiser l'armée et surtout entraîner les troupes. Que cette années d’entraînement à été suprêmement bénéfique car la plupart des troupes étaient aussi des levée fraîches.

Or, c'est la même situation en France: levées fraîches, réorganisation des troupes, ... mais je n'ai pas l'impression que cette année a été particulièrement bien utilisée. Je ne comprends pas pourquoi cette année a bien été mise a profit par les allemands et pas par les Français ? On était en guerre, tout aurait dut être mis en œuvre pour entraîner à fond les troupes, non ? Ou je me trompe et cela a été fait ?


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