Voilà, j'ai passé mon exposé, et apparemment il a plu à la prof... Je devais juste un peu plus parler des camps d'internement spéciaux créés en 1939 pour les régugiés espagnols, mais j'en parlerai au cours suivant dans une courte "reprise"... Et j'en parlerai ici aussi si vous voulez. Je vous poste un peu de mon exposé, la partie la plus intérressante à mon sens ^^ J'espère que ça vous intéressera...
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Les décrets-lois Daladier, une remise en cause des principes Républicains ?
I - La police des étrangers
a) La réglementation et la protection des réfugiés.
La liquidation du Front Populaire dès avril 1938 marqua un tournant important, les questions de la main d’œuvre allogène n’occupaient plus la première place dans les préoccupations gouvernementales. Au milieu des innombrables problèmes d’ordre intérieur et extérieur, les gouvernants étaient prioritairement soucieux d’ordre public. De ce fait, l’arrivée au pouvoir de Daladier allait se traduire par une modification sensible de la politique de contrôle des étrangers. Dès le 14 avril 1938, Albert Sarrault Ministre de l’Intérieur demanda à ses préfets :
« Une action méthodique, énergique, et prompte en vue de débarrasser notre pays des éléments indésirables trop nombreux qui y circulent et y agissent au mépris des lois et règlements ou qui interviennent de façon inadmissible dans les querelles ou des conflits politiques, ou sociaux qui ne regardent que nous. »
En conséquence, le 3 mai 1938, paraît au Journal Officiel, un décret demeuré célèbre : le décret du 2 mai 1938 sur la police des étrangers.
Pour les ministres ainsi qu’ils tendent à le rappeler dans ce décret et dans les nombreuses circulaires explicatives qui l’ont suivi, il s’agissait : « d’organiser dans l’ordre, le libéralisme, la clarté, le séjour en France de la population allogène. »
Pour cela il faut créer une atmosphère épurée autours de l’étranger de bonne foi, et maintenir pleinement la bienveillance traditionnelle pour qui respect les lois et l’hospitalité de la République », mais aussi « faire preuve d’une juste sévérité pour qui se montrerait indigne de vivre sur territoire français. »
Il en résulte ainsi un texte qui renforçait la surveillance et le contrôle des étrangers séjournant en France.
Soucieux d’obtenir un recensement exact de ces étrangers et l’exécution stricte des interdictions prononcées, les gouvernants donnaient un mois aux « hôtes irréguliers » pour se mettre en règle avec la loi ou pour quitter le territoire français.
Tout étranger entrer clandestinement en France était dès lors passible d’une amende de 100 à 1000 F et d’un emprisonnement de un mois à un an, selon l’article 2.
La même sanction était prévue pour les étrangers qui auraient omis de solliciter délivrance ou renouvellement de la carte d’identité ( article 3). Les complices directs ou indirects « de ces clandestins » étaient également passibles des mêmes amendes et peines ( article 4).
Tout étranger devait pouvoir présenter à n’importe quel moment « les pièces justifiant qu’il était en règle avec la législation ( article 5), et tout logeur, non seulement professionnel mais aussi bénévole, d’étranger devait obligatoirement se signaler au commissariat de police ou de gendarmerie ( article 6). Chaque changement de domicile ou de résidence était accompagné de l’obligation d’en avertir l’autorité de contrôle, et cette obligation, dans les communes de plus de 100 000 habitants, descendait jusqu’au changement d’adresse ( article 7). Le ministre de l’Intérieur rappelait son droit d’expulsion immédiate et le déléguait aux préfets, pour les départements- frontières (article 8).
a) Surveillance des étrangers et atteinte au droit de circulation
Ces décrets portent atteinte au droit de circulation, un droit de portée constitutionnel. Les étrangers sont surveillés, controlés et ne sont plus libres de se mouvoir sans autorisation.
II - Les conditions de séjour
a) Le mariage, le travail et la vie associative réglementée.
Le décret du 12 novembre 1938 apporta aussi des modifications importantes. Les règles reprises dans le titre II dudit décret, relatives au mariage des étrangers s’accompagnaient dans le titre III d’une modification de la loi du 10 août 1927 sur la nationalité française.
En effet, dans les années qui précédèrent la guerre on s’inquiété des allés et venus de certaines personnes de nationalité étrangère. Des femmes dites « trop dévouées » n’hésitèrent pas selon un spécialiste du droit international privé ( Nibloyet) à épousaient par exemple des paralytiques reclus dans des asiles de vieillards, qui leur donnaient ainsi avec la qualité de française, la totale liberté de déplacement sur le sol français. On ignore l’importance numérique de cette pratique mais on sait que les gouvernants constatèrent, à l’automne 1938 : « le nombre croissant des étrangers qui n’hésitaient pas, pour faire échec à des mesures d’éloignement, à contracter des mariages de pure forme. »
Ainsi le décret du 12 novembre 1938 avait donc pour effet de subordonner la célébration du mariage d’un étranger à la domiciliation régulière en France : autrement dit, ne pouvait contracter mariage en France que l’étranger titulaire d’un permis de séjour de plus d’un an. (article 7).
L’une des dernières décisions de novembre, confirmée par un décret du 2 février 1939, fut la création d’une carte d’identité de commerçants. A partir de ce moment, il fut entendu qu’aucun étranger ne pourrait exercer une profession commerciale ou industrielle sans être titulaire de cette carte. Toutefois, les étrangers en possession d’une carte d’identité de validité normale et inscrits au registre du commerce obtiendraient automatiquement leur carte de commerçant.
Ainsi, hormis les étrangers exerçant des professions libérales, tous les étrangers ayant une activité rémunératrice en France, se trouvaient, à la veille des hostilités, détenteurs d’une carte de « travailleurs ». Pour chaque catégorie, une couleur spéciale indiquait, dès l’abord, le secteur d’activité : la carte était en effet : -jaune pour les « travailleurs agricoles » - gris-bleue pour « les travailleurs industriels » - gris-bleue avec l’inscription des lettres en rouge pour « les travailleurs artisans ». – orange pour « les commerçants ».
Quant aux « non travailleurs », ils devaient avoir en main une carte verte.
Pour les étrangers installés en France depuis longtemps, cette nouvelle législation entraînait évidemment un surcroît de démarches et d’inquiétudes.
En ce qui concerne la liberté d’association, qui existe en France depuis la loi du 1er juillet 1901, les étrangers ont le droit de s’associer librement autant que les nationaux, sans aucune autorisation, même si selon l’article 12, leur association peut être dissoute par le préfet au cas où elle serait de nature à «à fausser les conditions normales du marché des valeurs ou des marchandises, soit à menacer la sûreté intérieure ou extérieure de l'État ».Les associations d’étrangers ont ainsi fleuries dans les années 20.
Avec le décret-loi du 12 avril 1939, un titre IV a été ajouté à la loi du 1er juillet 1901. Celui-ci restreint la liberté d’association des étrangers. En effet, dans le contexte de l’approche de la guerre, le gouvernement craignant la constitution d'associations manipulées par des puissances étrangères en vue de menées subversives, toutes les associations étrangères, quel que soit leur objet ou la nature de leurs activités, allaient dès lors être soumises à l’autorisation préalable du ministre de l'Intérieur.
Ce système préventif était extrêmement rigoureux, car l'autorisation, de caractère précaire, peut être retirée à tous moments, par décret ; l'autorisation peut aussi n'être accordée qu'à titre temporaire. En application de l'article 23 de la loi de 1901, toute association étrangère ayant plusieurs établissements distincts en France devait obtenir une autorisation pour chacun d'entre eux.
Mais le régime des associations étrangères n’était pas seulement sévère. Il laisse aussi à l'administration un pouvoir d’appréciation absolue, car la définition d’association étrangère était floue.
La rédaction de cet article reflète d’ailleurs parfaitement l'état d'esprit de méfiance d'un gouvernement qui, en avril 1939, était avant tout soucieux de lutter contre l'infiltration en France d'agents étrangers dont les activités pouvaient mettre en péril la sécurité nationale.
A l'origine, la loi de 1901 ne considérait comme étrangères que les associations ayant leur siège social à l'étranger, celles ayant des administrateurs étrangers , ou encore celles comportant une majorité d'étrangers parmi leurs membres.
Désormais, en application du décret-loi de 1939, sont également réputées comme telles les associations composées seulement d’une minorité d’étrangers (à partir d'un quart de membres étrangers) ainsi que celles qui sont dirigées « en fait » par des étrangers.
b) Une atteinte a la liberté du travail, de commerce et d'association
Les décrets ne font pas que limiter sérieusement le droit de circulation des étrangers, et instaurer leur surveillance. Ils ne font pas non plus que rendre leur situation précaire. Ils réglementent aussi leur condition de séjour, en réglementant le mariage et le travail des étrangers sur le sol français, et ils limitent aussi leur droit d’association. Ce sont essentiellement les décrets du 12 Novembre 1938 et du 12 Avril 1939.
*On peut considérer ces décrets comme une atteinte à la liberté d'action elle-même. D'abord, les étrangers ne sont pas libres de se marier entièrement comme ils le souhaitent :
Ils doivent avoir l’autorisation de séjourner en France plus d’un an. Les étrangers qui ne peuvent déjà pas se déplacer sans surveillance, ne peuvent maintenant plus se marier sans autorisation. Cela est une atteinte à leur liberté, à ce qu’on pourrait appeler leur « libre-arbitre ». Le décret du 12 novembre 1938 concernant le mariage a comme but inavoué d'empêcher que les étrangers créent des attaches rendant leur éloignement plus difficile.
L’étranger ne peut bénéficier de ses droits relatifs à son statut de résident en France, qu’en ayant l’autorisation d’y rester plus d’un an (art.1 du décret du 2 mai 38). Cela nous oblige à nous poser la question de l’égalité des droits : un étranger n’a-t-il pas les mêmes droits naturels qu’un national ? L’un de ces droits est celui du droit au respect à une vie privée et familiale normale. La liberté matrimoniale les autorise à pouvoir se marier, si c'est la volonté des deux partenaires, même s’ils sont en situation irrégulière. Ce décret est donc une atteinte à la liberté du mariage des étrangers.
*Ensuite, les décrets Daladier portent atteinte à la liberté d’association…
Le décret-loi du 12 avril 1939, comme on l’a vu, a restreint la liberté d’association des étrangers en complétant la loi de 1901.
Les étrangers qui pouvaient s’associer librement sans autorisation entre 1901 et 1938, sont désormais obligés d’avoir l’autorisation de l’administration. On peut se demander s’il est normal que les étrangers soient privés de la liberté d’association, un principe de valeur constitutionnelle, et un droit naturel.
La nationalité justifie-t-elle à elle seule le fait qu’on ait restreint la libre formation d'une association ? Une association susceptible de porter atteinte à l'intérêt du pays l’est en effet plus par son but ou la nature de ses activités, que par la composition de ses membres… Les pouvoirs publics ont justifié cette restriction par la nécessité nationale de prévenir les associations étrangères néfastes et à attentions hostiles. Mais prévenir cela nécessitait-il vraiment de telles mesures ?
*Enfin, ces décrets restreignent également la liberté du travail et de commerce.
La liberté du commerce, une des "libertés naturelles" (et non civiles, réservées aux nationaux) auxquels ont normalement droit les étrangers, est bafouée. La liberté du commerce est une liberté de principe. La participation des étrangers au commerce remonte au Code du commerce de 1807, qui rejette « toute distinction nationale dans le milieu des commerçants ».
C'est un droit ouvert à tous depuis 1789. Le droit d'exercer une profession commerciale, artisanale ou industrielle est un droit naturel, ou «droit des gens » (jus gentium), et non un droit civil qui ne concerne que les «nationaux » (les deux = droit privé).
Le droit civil est un « droit commun », car il s'applique à tous les actes et à toutes les personnes. Au contraire, le droit commercial est un droit spécial, puisqu'il est fait pour le commerce et est une juridiction qui s'applique uniquement et exclusivement aux commerçants.
Le décret du 12 novembre 1938 restreint donc la liberté, pour l’étranger, de s'établir comme commerçant. Jusqu’au décret, tous les étrangers pouvaient normalement exercer une activité commerciale sur le territoire français, et ont la même protection que celle des citoyens français.
Avec la Ie WW, et la montée du nationalisme, est apparue la volonté de contrôler les étrangers parmi les commerçants (loi du 9 novembre 1915 > restreint la liberté de faire le commerce >> réglementation spécifique pour les tenanciers des bars et des cafés >> mesures de sûreté adoptées en temps de guerre), et de les distinguer des nationaux. Malgré cela et la mise en place de la carte d'identité de travailleur étranger en 1917, aucune loi n’entravait la possibilité pour les étrangers d'être commerçant.
Cela a prit fin en 1935, avec la création de la carte d’artisan étranger. Cela était une réponse aux protestations contre la «concurrence déloyale des étrangers », pour «défendre l'artisanat et le commerce français » et aux groupes de pression qui exigeaient qu’on crée des barrières à l'entrée des professions artisanales et commerciales.
Le décret du 12 novembre 1938 remet en cause le droit d'exercer une profession commerciale pour tout étranger, même s’il est déjà installé à la tête de son entreprise depuis des années. Ainsi, à la veille de la Deuxième Guerre mondiale, le principe de la «liberté du commerce » qui était admis pendant tout le 19e siècle, est largement bafoué. Il y a une distinction entre nationaux et étrangers, qui n’ont pas les mêmes droits dans l'exercice de leur profession. Cela découle du processus de nationalisation, que nous allons voir dans le II.
III - Une rupture avec les principes de la République ?
a) La tyrannie du national
Depuis des siècles, la France est surnommée « Terre d’Accueil », ou « Terre d’asile », et a pour tradition l’hospitalité, et la fraternité, l’un des credo de 1789. Ce principe veut que la France accueille les étrangers, les opprimés et ceux qui fuient leur pays d’origine parce qu’ils défendent les valeurs républicaines, la liberté, l’égalité…
Comme le raconte G. Noiriel dans "La tyrannie du National", la notion d’asile est aussi vieille que l’humanité, et remonte à l’antiquité. En 1793, les étrangers bannis de leur patrie pour la cause de la liberté étaient les bienvenus en France.
Plus tard, la solidarité envers les réfugiés, vers la fin du 19e siècle, était surtout expliquée par le fait qu’ils étaient des combattants de la liberté et qu’on les voyait surtout comme des exilés « temporaires », qui finiraient par retourner chez eux, tout comme les travailleurs étrangers, italiens et polonais.
Comme nous l’avons vu, les techniques policières de surveillance se sont accrues avec le décret-loi du 2 Mai 1938. Avec la crise des années 30, la France, qui avait besoin d’étrangers dans les années 20, s’est retournée dans son attitude. La xénophobie est réapparue, et les étrangers on été pris pour « boucs émissaires ». Cela a entraîné un renforcement des moyens visant à leur interdire l’entrée en France ou à les expulser. La carte d’identité en est l’un des symboles. Le protectionnisme ouvrier excluait les étrangers de l’artisanat et du commerce, comme nous l’avons vu, pour protéger les français de la concurrence étrangère.
Les réfugiés et étrangers étaient différenciés des nationaux, et avaient du coup un statut précaire, car ils pouvaient être expulsés a tout moment (décret 14 mai 1938).
Avec l’approche de la guerre, on gardait un œil sur les étrangers, et on distinguait alors les « désirables » des « indésirables ». Cette idée est bien évidemment contraire au principe d’hospitalité envers les étrangers : on pense qu’il y a des étrangers indésirables, et on pratique une politique d’exclusion des travailleurs immigrés, comme avec la carte de commerçant (décret du 12 novembre 1938). On tente de distinguer également les « vrais » réfugiés et les « faux » réfugiés, car certains étrangers utiliseraient cette excuse pour « s’infiltrer en France ». C’est la « chasse aux clandestins ».
Dans les années 20, le souci de filtrer les entrées concernait les étrangers économiquement inutiles. Mais la loi de 1927 sur la nationalité était libérale et facilitait la naturalisation, et donc l’acquisition de la nationalité française. Mais, dès 1930, on veut non seulement refouler les étrangers indésirables moralement, ou non assimilables, mais aussi les étrangers économiquement inutiles. Il y a comme une sorte de raidissement, même si avec le front populaire, on veut être plus tolérant, et prendre en compte le degré d’intégration des familles immigrées à la société.
En 1938 et pendant ce qu’on appelle « l’avant-guerre », il y a eu un net durcissement de ton.
Il y a eu donc eu la volonté de faire le tri parmi les étrangers, et de se débarrasser des «indésirables ». Mais la volonté de garder en priorité les étrangers qui étaient le plus intégrés ou intégrables (surtout d’un point de vue familial) est dans la continuité du front populaire. Il n’y a pas là de rupture avec la période précédente. La rupture est plutôt dans l'apparition de catégories privilégiées, définies par leur nationalité, auxquelles le droit de séjour sera octroyé plus largement qu'à d'autres.
On peut s’interroger sur cela. En effet, les décrets vont dans le sens contraire de l’intégration des étrangers, puisqu’ils font tout pour les empêcher de s’intégrer. Les décrets les tiennent à l’écart, et la politique d’alors est ce qu’on pourrait appeler une « politique de ségrégation ». On distingue nationaux et étrangers, et on fait le tri entre les étrangers indésirables et désirables : on ne veut garder que ceux qui ont un intérêt, et empêcher les autres de se fixer.
On peut citer, par exemples, certains immigrés qui n’avaient alors aucun statut : les réfugiés ex-Autrichiens, les réfugiés Espagnols et de nombreux étrangers originaires d'Allemagne, de Pologne et de Roumanie, dont la présence sur le sol français était considéré comme provisoire. La ségrégation fondée sur la nationalité s’est étendue à l’origine nationale C’est la « tyrannie du national », comme le dit G. Noiriel.
Le principe d'égalité ne compte plus : un étranger n'a plus les même droits qu'un national. Il n'a bien entendu pas les même droits civils, car ceux-ci ne concernent que les nationaux, mais en ce qui concerne les droits naturels, il n'y a normalement pas d'inégalité entre étrangers et nationaux.
De même, comme on l’a vu, le principe de la «liberté du commerce » et le droit d'association des étrangers ont été restreints, alors qu’au contraire il aurait mieux fallut encourager leur participation associative pour atténuer les tensions entre étrangers et nationaux, en augmentant leur adhésion à la culture nationale. Mais la politique d’alors est nationale, et on protége les nationaux, en même temps qu’on rejette les étrangers.
Avec la carte de commerçant, l’activité commerciale est identifiée et codifiée. C'est donc une pratique de discrimination selon la nationalité : Contrairement au commerçant français qui peut créer son entreprise comme il le souhaite, l'étranger doit obéir à certains critères voulus par l'administration.
Reste qu’avec les décrets de 1938-39, le gouvernement a mené une politique d’exclusion et a abandonné sa tradition d’hospitalité envers les étrangers et les réfugiés, au profit de la nation, de la sûreté générale, mais aussi des groupes de pression xénophobes. On peut cependant nuancer en parlant de l’accueil des réfugiés espagnols : la France les a accueillie à contrecoeur, mais elle les a accueillit quand même. Si l’exaspération née de la crise et « l’égoïsme sacré » a entraîné le refoulement et l’expulsion d’étrangers, parfois en France depuis longtemps, il y a la haine des régimes dictatoriaux, ou la pitié, qui inclinait les pouvoirs publics à accueillir les expatriés.
b) Une politique d’exception en situation exceptionnelle
Il y aurait donc une rupture avec la tradition d’hospitalité et avec le droit d’asile...
Mais, il faut préciser que cela avait lieu en 1938, dans un climat de méfiance envers les étrangers et de « paranoïa », ou « espionite » : l’Allemagne Hitlérienne, l’Espagne Franquiste, l’Italie Mussolinienne se faisaient de plus en plus menaçantes, et en France la xénophobie et un sentiment de peur des étrangers forçait les autorités à prendre des mesures de prévention.
Les décrets sont pris pendant une période de xénophobie ambiante, de méfiance envers les étrangers, d’antisémitisme (ligues, cagoules), d’anticommunisme, de peur du « rouge » espagnol, et répondent aux attentes exprimées par l’opinion, de plus en plus xénophobe, et qui révèle une crise d’identité nationale.
Même s’il y a une politique d’exclusion des étrangers, et que cela est contraire au principe général de fraternité et d’hospitalité, au plan national, les décrets sont pris conformément à la loi, et servent la sûreté nationale et la sécurité intérieure. Dans des périodes particulières, comme la guerre imminente, « l’homme a des droits, mais ces droits doivent exister non seulement par rapport à l’homme abstrait mais aussi par rapport à l’homme situé » (Constit. 1848) : Face aux circonstances, on est obligé d’agir au coup par coup, et de prendre des mesures exceptionnelles, car si dans l’absolue, les principes républicains sont remis en cause, la nécessité fait loi, ainsi que l'intéret général.
Les pouvoirs publics ont tout fait pour éviter les troubles et une guerre, en même temps qu’ils subissaient les pressions de la droite et des xénophobes. Comme le dit J-Charles Bonnet dans « les pouvoirs publics et l’immigration dans l’entre-deux guerres », les gouvernants étaient prioritairement soucieux de l’ordre public, avant les questions de mixité de la main d’œuvre. La préoccupation première du cabinet Daladier était de ne plus avoir d’étrangers clandestins succeptibles de semer le trouble sur le territoire. Il fallait maintenir la paix et l'ordre public menacés et ces restrictions aux libertés étaient justifiées.
Ce sont donc des mesures d’exception en situation exceptionnelle. Avec la crise économique, la crise sociale, et la montée des périls extérieures, comme le dit Denis Peschanski dans « La France des camps », il y a une politique qui ignore la tradition d’asile, du moins exceptionnellement. Car paradoxalement, dans le même temps, il y avait des pressions en faveur du droit d’asile, et, en même temps qu’on restreignait leur liberté d’action, on donnait aux réfugiés un statut.
Il ne faut donc pas perdre de vue la situation géopolitique en 1938 : anschluss, communisme, Mussolini, franco, etc., ainsi que la situation intérieure : assassinats qui accroissent la xénophobie, crise économique, sociale, antisémitisme toujours présent… Les relations entre la France et ses étrangers dépendent en effet énormément des relations internationales.
Conclusion
L’intérêt individuel peut s’effacer devant l’intérêt général dans des circonstances exceptionnelles. Si d’un point de vue universel, ces décrets sont bien une remise en cause des principes républicains, du point de vue de la nation et du contexte géopolitique, ils étaient hélas nécessaires car ils étaient préventifs. De plus, ils ont été la première ébauche d’une tentative de réglementation des étrangers, et de contrôle du flux des immigrés.
Sous la pression des professions libérales et d’une opinion de plus en plus xénophobe, et face à l’ombre de la guerre, sans parler de la crise économique et sociale, les pouvoirs publics ont été en quelque sorte obligés de prendre des mesures exceptionnelles, car comme le dit le dicton : « à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles ».
Reste néanmoins le fait que ces décrets ont touchés les droits naturels et fondamentals des étrangers, comme leur liberté d’action, leur liberté de faire un commerce, de se marier, de créer une association, et leur liberté de circulation. Ces décrets ont aussi été contraires aux principes d’égalité : Un étranger n’a pas les mêmes droits qu’un national, au niveau des droits civils, mais au niveau des droits naturels, il n’a normalement pas à voir ceux-ci restreints par une loi. Les décrets avaient beau être justifiés par les circonstances, cela ne justifiait pas non plus une telle restriction des libertés.
Les décrets lois ont eu un effet dramatique, comme l'ont témoignés certaines associations de défense des réfugiés : « Les cas se multiplient de réfugiés dans l’impossibilité de donner suite aux avis d’expulsion. De plus en plus, cette situation désespérée les pousse au suicide » (Fédération des Emigrés d’Autriche).
Pour conclure, si on peut dire que dans l’absolue, les décrets Daladier étaient une remise en cause des 3 principes républicains que sont liberté, égalité, fraternité, dans la réalité, ils ne constituaient qu’une série de mesures exceptionnelles et en accord avec le contexte d’alors. Nous ne saurons jamais si ces décrets auraient fini par être abrogés si la guerre avait été évitée, mais ce que l’on peut dire c’est que ces décrets discriminatoires ont ouvert la voie à la France de Vichy (qui reprendra ces décrets, créera ensuite un statut des juifs..), même si ce n’était bien sûr pas l’objectif initial.
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