simaqian a écrit :
Là, mon cher Baudolino, je ne vous rejoins pas tout à fait: dans une démocratie voter est (un peu) un droit et (beaucoup) un devoir donc une responsabilité. Voter NSDAP sans avoir bien lu, sans avoir tout compris, comme ça, par hasard ou pour protester, n'est certainement pas une "excuse"; c'est au moins aussi grave que de le faire par conviction. C'est un signe de totale inconscience, d'indignité et d'incapacité politique.
tout à fait d'accord avec vous, simaqian : ce n'est pas une excuse ! C'est une explication.
Celle-ci donnée, j'estime qu'on ne peut pas accuser des électeurs d'un crime qu'ils ont eu le tort de ne pas imaginer ou voir venir pour mille raisons qu'il faudrait analyser ce que je ne saurais faire ici en quelques lignes. Responsables, oui ; mais coupables non ! Trop facile de juger des hommes a posteriori, quand nous savons, nous, ce qu'il advint alors que personne, en 1932-1933 ne pouvait imaginer qu'un jour, Hitler mettrait son programme à exécution. Dans le contexte de l'époque, les Allemands s'imaginaient qu'ils parviendraient à le contrôler ; tout comme Giollitti en 1922 pensait pouvoir utiliser Mussolini pour briser les grèves et reprendre la main après. On sait ce qu'il advint... mais on ne fait pas de l'historie un tant soit peu objective en jugeant les comportements sur la foi de ce qui est arrivé après !!!
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En revanche, vous avez bien raison de souligner les 2/3 qui n'ont pas voté NSDAP; mais pourquoi ont-ils fermé les yeux ensuite?
Avaient-ils les yeux fermés ? Qui le dit ? Ceux qui leur reprochent de n'avoir pas risqué leur vie pour dire NON ?. C'est facile de le dire !
Mais nous, que faisons nous aujourd'hui pour empêcher les crimes qui se font partout dans ce monde et qui encombrent les colonnes de nos journaux ? Rien ! Nous avons tous de bonnes excuses : c'est trop loin, on ne peut rien faire, c'est pas nos affaires, on ne sait pas vraiment !!!!
Je ne suis pas convaincu qu'ils aient fermé les yeux ! Voir que la police vient arrêter vos voisins, nourrissons compris, pour les déporter quelque part d'où ils ne reviennent pas ni ne vous envoient de nouvelles, ça interpelle forcément. Et les Justes, ce sont ces gens ordinaires qui, sans rien savoir de la réalité des camps de la mort, ont réagi sur la base des seuls petits faits qu'ils voyaient, pour cacher quelqu'un ou aider.
Ils en savaient assez pour savoir que ce qui se passait n'était pas propre. Mais quand votre gardien d'immeuble peut vous dénoncer à la gestapo, quand vous savez que vous pouvez prendre le même chemin, que vous avez une femme et des enfants, que vous être bêtement humain et que vous avez peur sinon de mourir du moins de souffrir mille tortures, vous faites semblant de ne pas voir. Ce n'est pas beau, bien sûr ; mais nous n'avons pas à juger. Nous pouvons tout simplement essayer de comprendre. Comprendre, rien de plus. Et comprendre n'excuse pas, jamais ; cela explique, c'est tout, humblement.
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Primo Levi raconte qu'au début de l'hiver 45 il est assigné à un travail de laborantin dans un labo de chimie attenant à Auschwitz: il se sent lui-même ignoble, repoussant, à peine humain. Ce qui le blesse alors profondément c'est le non-regard des chimistes, ou des aides de laboratoire, jeunes filles blondes et dodues, pleines de vie, sûrement pas nazies, mais indifférentes... Personne qui lui fasse le cadeau de voir en lui un Homme. Lui même dit que, à l'évidence les SS sont des bêtes, mais il ne peut pas ne pas mépriser (le mot est peut-être impropre) très profondément ceux qui ont permis au système d'être, simplement parce qu'ils ont tourné la tête.
C'est l'exemple type : ils savent mais ils ont peur ! Je ne suis pas certain qu'il y ait de l'indifférence. Ils la feignent, sans doute, mais qui sait ce qui se passe dans le tréfond des êtres ? Et qui leur jettera la pierre ? Qui est assez sûr de ce qu'il ferait pour dire MOI, JAMAIS ?
Et la grandeur de Primo Levi, justement, c'est de décrire ; mais je n'ai pas souvenir - je peux me tromper, bien sûr - qu'il juge ! Il dit sa souffrance et témoigne pour que nul n'oublie, pas pour montrer du doigt et réduire tout un peuple, quel que soit ces torts, à une masse de barbares qu'il faudrait humilier parce qu'ils ont été faibles. C'est ça qui fait la force de son livre.