Source :
Volontaires français sous l'uniforme allemand, de
Pierre Giolitto, éditions tempus 2007 (
Perrin 1999). Chapitre 8,
L'éphémère phalange africaine, p 283 à 323.
PELLEGRIN R. –
La phalange africaine, la LV.F. en Tunisie – Paris, 1973, 217p
Les passages entre-parenthèses et précédés par un *, sont mes réflexions personnelles. Les liens ont été ajoutés par moi-même pour illustrer l'article. J'ai découpé l'article en paragraphe pour faciliter sa lecture.
1)
Génèse de la Phalange africaine.
Lors de l'opération
Torch, qui voit les alliés débarquer en Afrique du Nord, si le Maroc et l'Algérie cèdent rapidement, la Tunisie, sous le commandement de l'amiral
Esteva, un inconditionnel du Maréchal, va résister.
Laval, dès le 20 novembre 42, va cautionner, dans un discours radiodiffusé, le projet de création d'une "
Phalange africaine", destinée à défendre la Tunisie, future cible des alliés.
Les volontaires seraient rassemblés au camp de
Rivesaltes, sous le commandement du colonel
Puaud.
http://www.1939-45.org/bios/puaud.htm
Ce projet mirifique, [img]Laval[/img] s'empresse de le communiquer aux allemands. Le 12 janvier 1943, il écrit au maréchal
von Runstedt, commandant en chef du front de l'Ouest :
"
Il ne s'agit pas seulement de participer à la défense du territoire et d'alléger ainsi la tâche qui incombe, en France, aux troupes germano-italiennes. Il convient également d'assurer la sauvegarde de l'Empire. (...) Elle pourrait comprendre deux brigades d'environ 7 000 hommes chacune et une demi-brigade de 3 000 à 4 000 indigènes nord-africains. Cette formation française de 18 000 hommes constituerait initialement la participation française à la reconquête de l'Afrique du Nord." (*
Laval avance des chiffres un peu fantaisistes, je ne pense pas que l'auvergnat soit dupe sur le futur "échec" au niveau du recrutement de cette Phalange.)
Malgré tous ces beaux discours, aucun texte législatif ni réglementaire ne vient formaliser la création de cette nouvelle unité. (*
Pétain n'a jamais vraiment cautionné ce genre d'unités, il était contre une co-belligérance officielle ! Ce fut d'ailleurs le caus, aussi, pour la LVF. Les allemands allaient dans ce sens, pour éviter la renaissance de l'armée française.).
Il est prévu que les volontaires soient rassemblés à
Guéret, sous le commandement du colonel
Puaud.
La campagne de recrutement s'avérant un échec monumental, l'OKW intervient en arguant des difficultés de transport pour rejeter l'envoi d'un corps expéditionnaire français en Tunisie (*
Toujours la méfiance des allemands envers la reconstitution d'une unité militaire française.). Tout au plus accepte-t-il qu'une troupe de volontaires soit levée dans le pays. Les allemands se déclarent favorable à l'envoi d'une mission militaire française, chargée d'aller recruter et organiser, sur place, une phalange de volontaires tunisiens.
Le colonel
Puaud confie au commandant
Cristofini, aussitôt nommé lieutenant-colonel, la responsabilité de la Mission militaire mise en place par le secrétaire d'Etat à la Guerre, après avoir été autorisée par les allemands.
Pour
Henry Charbonneau ( sur Charbonneau voir le lien de Wiki
http://fr.wikipedia.org/wiki/Henry_Charbonneau )
, également membre de la Mission,
Cristofini est "
un Corse peu subtil et un rien illuminé". Travaillé, en outre par un très fort "
complexe Napoléonien". Dès son arrivée à Tunis,
Cristofini prend en effet soin de se procurer du papier à en-tête : "
Forces Européennes, Phalange Africaine."
Le commandant
Curnier, ancien SOL de Nice, est l'adjoint du Corse. Fait partie aussi de la Mission le lieutenant-colonel
Sarton du Jonchay.
Charbonneau assure que
Sarton de Jonchay est un "
personnage extraordinaire", et
La Gerbe (*
Fameux journal collaborationniste français fondé par l'écrivain pro-nazi Alphonse de Châteaubriant) rappelle qu'il "
appartient à la génération des grands bledards". Petit-fils d'un "
saint-guerrier, en cours de cannonisation", le général
Gaston de Sonis, qui a combattu au Maroc et en Algérie, avant d'être placé par
Gambetta, en novembre 1870, à la tête du 17e corps d'armée.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Gaston_de_Sonis
Lors de la déclaration de guerre en 1914,
du Jonchay n'a que quinze ans. Déguisé en arabe, il parvient à se faire engager et part sur le front.
Partie de Vichy le 27 décembre 1942, la Mission, après une escale à Rome. Sa tâche sera de recruter des volontaires pour combattre les ennemis de la France et de l'Axe.
2)
La Mission militaire en Tunisie.
Les collaborationnistes sont particulièrement actifs en Tunisie. Leur chef est un certain
Georges Guilbaud, ancien communiste ayant quitté le parti en 1938, après avoir participé au ravitaillement en armes des républicains espagnols. Membre du PPF depuis 1941, il sera considéré en Tunisie comme le "
personnage type des jeunes français de la Révolution Nationale." (*
Toujours ces vases communicants entre l'extrême-gauche et l'extrême-droite ! Le Bureau du PPF était composé, à un moment, d'une majorité d'anciens communistes, dont le secrétaire général Victor Barthélémy, futur fondateur du FN avec Le Pen, et par un ancien secrétaire général du PC, Henri Barbé !!)
Lorsqu'il arrive en Tunisie,
Guilbaud crée, le 5 janvier 1943, une sorte de
Comité de salut public, dénommé
Comité d'Unité d'Action Révolutionnaire (CUAR). Ce mouvement dont il assure la présidence, comprend les chefs des "
grandes organisations nationales françaises", soit
Jean Serdane, chef du PPF, (*
Le PPF était extrêmement actif en Afrique du Nord. C'était une des fédérations les plus importantes du mouvement.)
Jean Saint-Martin chef de la Légion des combattants,
Pierre Lacomme, chef du SOL.
Au total, le CUAR rassemblera un millier de militants décidés, essentiellement issus du PPF.
Ce Comité va surtout conseiller le gouvernement du Protectorat et
Guilbaud, ne va pas tarder à par-dessus la tête du
maréchaliste amiral
Esteva pour diriger la Tunisie (*
L'un est un collaborationniste issu de la mouvance des partis fascisants, l'autre est un maréchaliste qui s'inscrit dans une collaboration d'Etat. La distinction des deux types de collaboration est consacré par l'historien communiste Yves Durand dans La France dans la seconde guerre mondiale, Armand Collin, 2001).
D'ailleurs les relations vont vite être tendues entre les deux hommes !
Malgré tout, la
Mission militaire française, appuyée par le CUAR, essaie de mener à bien ses deux missions :
- ramener dans l'orbite vichyste, les militaires qui avec le général Barré se sont ralliés à la cause alliée.
- recruter des volontaires pour la Phalange africaine.
Les appels de l'amiral
Esteva en février 43 vers les militaires français pour revenir dans le bercail vichyste vont faire chou blanc. L'échec est patent !
Robert Aron assure que
Cristofini s'en est même allé ramasser dans les rues de Tunis "
150 va-nu-pieds, syphilitiques et avariés de toute espèce, qu'il a attirés en leur offrant un bon repas et de l'argent" ! La moitié des recrues, ajoute-t-il, est composée d'indigènes ou d'aventuriers peu sûrs, qui prendront le large dès la première occasion.
Le nombre de volontaires engagé dans la "
Légion Impériale" est difficile à déterminer.
Charbonneau parle de 400 ou 450 hommes, Robert Aron parlera de 300 hommes. Lors du procès de l'amiral Esteva, le nombre de 120 sera évoqué.
La
Phalange africaine ne sera jamais, pour
Pascal Ory, qu'une "
compagnie croupion", réplique peu flatteuse de la LVF.
3)
La Französische Freiwilligen Legion.
La
Phalange française est intégrée, sous le nom de
Frankonia, à la
754e division de panzers grenadiers, placée sous les ordres du général-major
Weber, qui tient une partie du front de Medjez el Bab. Elle comprend 5 sections, 3 de fusiliers, une section lourde, avec 3 mitrailleuses
Hotchkiss, deux mortiers de 60, trois canons antichars de 17 et une section d'approvisionnement.
Cristofini ayant été blessé lors d'un exercice antichars, le 23 janvier 43, le commandant
Curnier le remplace à la tête de la Mission. Quant à la
Phalange, elle sera placée sous les ordres d'un vieux de la vieille de 14-18, le capitaine de réserve
André Dupuis. Les volontaires de la
Phalange sont rassemblés à la caserne de Forgemol, à Tunis, ils porteront l'uniforme des fantassins français. A la veille de leur montée en ligne, les phalangistes sont dotés d'une capote allemande, de brodequins allemands et du casque d'acier de l'armée allemande, plus résistance que la modeste bouquignotte française. En contrepartie de cette concession, les volontaires portent une cocarde tricolore sur le casque et sur la poitrine, un écusson de tissu bleu noir sur lequel figure une francisque "
à double tranchant de métal doré".
Le 2 février 43, la compagnie quitte Tunis pour le camp d'entraînement de Cedria Plage.
4)
La Phalange monte en ligne.
Le 18 mars, les phalangistes prêtent serment à
Hitler, et le 10 avril, la
Phalange montera enfin en ligne.
Sa mission est de relever une unité allemande établie le long d'un front de quelque 1800 mètres, au nord de Medjez el Bab.[/b]
http://fr.wikipedia.org/wiki/Medjez_el-Bab
Le premier affrontement avec les troupes britanniques se déroule dans la nuit du 16 au 17 avril. Une section de reconnaissance commandée par le sergent-chef Lhorens, est attaquée par une patrouille anglaise composée d'Hindous et de Néo-zélandais. Les français parviennent à mettre l'ennemi en fuite, après avoir fait des prisonniers et récupéré du matériel. Ce mini-exploit des phalangistes est monté en épingle par les allemand. Le général Weber le cite dans son ordre du jour du 19 avril.
Une semaine plus tard, les choses sérieuses commencent. Les alliés après un sévère pilonnage d'artillerie passe à l'offensive. Les phalangistes, assurent le commandant Curnier, sont 300 face à 110 chars ennemis. La bataille se termine par un "sanglant corps à corps", et en une heure, [u]la Phalange perd plus de 100 morts ou disparus. Le front fait un bond en arrière d'une dizaine de kilomètres. En tant qu'unité combattante, la Phalange a vécu.
Début mai,
Dupuis regroupe les phalangistes à la caserne Faidherbe où ils sont démobilisés. La "
Frankonia" est dissoute.
5)
Instrumentalisation de la Phalange et destin des acteurs.
De retour en France, les rescapés de la peu glorieuse opération tunisienne sont fêtés, décorés, reçus comme des héros. Mais avant d'attribuer à la glorieuse
Phalange les médailles qu'elle mérite, encore convient-il de lui donner une existence légale, ce qui paradoxalement, n'avait pas encore été fait.
Le 5 mai 1943, la "Première Phalange Africaine" est officiellement reconnue et rattachée à la LVF. (...) Une loi parue au Journal officiel du 20 mai 1943 assimile les phalangistes, avec tous les avantages y afférents, aux volontiares de leur glorieuse aînée. (*
Lorsque l'unité n'existe plus, les autorités allemandes et vichystes peuvent accepter qu'elle soit reconnue puisqu'elle ne représente plus une menace ! Il faut savoir aussi, que Laval craignait ces unités comme la LVF ou la Phalange, unités instrumentalisées par le PPF, en qui il voit un potentiel concurrent très dangereux pour sa place !)
Le 18 mai 43, le
Petit Parisien
(
http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Petit_Parisien)
annonce que "
7 français sont condamnés à mort par Giraud". Par contumace, car ils ont su prendre le large. Parmi ces condamnés,
Guilbaud devait émigrer en Amérique du Sud.
Sarton du Jonchay devait se réfugier en Argentine, puis en Espagne, avant d'être grâcié.
Le commandant
Curnier devait être arrêté par les Allemands et incarcéré à Nice où, le 8 mai 1945, il se suicidera dans sa cellule.
Cristofini ayant regagné l'ïle Rousse dont il était originaire, fut arrêté lors du débarquement en Corse. Transféré à Alger, jugé par un tribunal militaire et condamné à mort, il sera exécuté au Polygone d'Hussein Dey, le 3 mai 1944, sur une civière, après une défenestration qui ne l'avait pas tué !
L'éxécution de Cristofini fit un scandale dans la mouvance collaborationniste. Le Maréchal lui-même monte au créneau faisant remarquer que les combattants de Tunisie "n'ont fait qu'obéir aux ordres de leur chef."
L'amiral
Derrien accusé d'avoir livré le port de Bizerte aux allemands, est traduit devant le tribunal militaire d'Alger du 9 au 12 mai 1944. L'amiral se défend en arguant qu'il n'a fait qu'éxécuter les ordres de Vichy. La peine de mort sera évitée pour sauver des résistants des Glières, dont le sort était soumis à la sentence contre
Derrien. Aussi, le "félon" bénéficiant des circonstances atténuantes, s'en sortit avec la réclusion criminelle à perpétuité. Il devait décéder à la centrale de Lambèse, située sur les hauts plateaux constantinois.
Le 12 mars 1945 s'ouvrira, devant la Haute Cour de justice à Paris, le procès de l'amiral
Esteva. Reconnu coupable de trahison, au terme de l'article 75 du code pénal, parce qu'il a aidé la communauté juive de Tunisie, fait libérer des patriotes avant l'arrivée des troupes de l'Axe et facilité le départ de fonctionnaires compromis avec les Allemands, l'amiral sauvera sa tête, mais il sera condamné, le 15 mars, à la détention pérpétuelle. Libéré après 6 mois de prison, il décèdera quelques temps après.