Bonjour,
Pour ceux que la question intéresse, je vous suggère le livre passionnant de Daniel PIERREJEAN, "L'envers du Jour J - Le guet-apens américain".
Ce livre relate les très difficiles relations entre de Gaulle et Roosevelt, la planification de l'AMGOT (Allied Military Government of Occupied Territories) et son implantation dans toutes les zones libérées, y compris la France, et la très très lente et très réticente reconnaissance du GPRF par le Gouvernement américain.
La volonté des USA était clair: occuper militairement la France et la placer sous administration anglo-saxonnes en s'appuyant sur les officiels mis en place par Vichy, jusqu'à la fin de la guerre et la tenue d'élections libres. Les Américains ont produits une documentation très détaillée de toutes les zones de la France, couvrant tant les aspects politiques locales, qu'économiques, géographiques. Le détail allait même jusqu'à répertorier les maisons closes (risque de contagion par les maladies vénériennes, une hantise des haut-grades de l'US Army). Ces documents sont connus sous le nom de "Zone Hadbook", portant des numéros et des noms de régions françaises. PIERREJEAN note même que le soucis du détail allait par exemple jusqu'à répertorier les salles de cinémas et leurs carractéristiques techniques, notamment des écrans de projections, dans le but de proposer de l'équipement américain et ainsi obliger les cinéphiles français à ne voir que des films américains (standards de la pellicule). Bref, la France serait passé d'une occupation "hard" allemande, à une occupation "soft" anglo-américaine!!!
D'alleurs, De Gaulle se méfiait énormément de l'hégémonisme américain, qu'il décèle dès 1942.
Pour la mise en place d'AMGOT, dès 1942, des écoles sont ouvertes aux USA pour préparer des officiers américains à administrer les futurs territoires libérés d'Europe, dont les pays de l'Europe centrale et orientale (à l'époque, il était impossible de prévoir qui serait les premiers dans les Balkans, des Anglo-Saxons ou des Soviétiques...).
De Gaulle a eu connaissance de ce plan assez tôt et s'y est fortement opposé et à tout mis en oeuvre pour le faire échouer. Avec ses proches collaborateurs, il a préparé le remplacement, sur le terrain, au fur et à mesure de la libération du territoire, des officiels français (commissaires de la République, Préfets, Sous-préfets, etc.) devant remplacer les officiels de Vichy et ainsi mettre les Anglo-Saxons, surtout les Américains, devant le fait accomplit. Le défi était énorme et les résultats incertains. Il a bénéficié de la complaisance des Anglais, qui ne croyaient pas à l'application de l'AMGOT en France et du gros bon sens d'Eisenhower qui a, à quelques reprises, désobéis aux ordres de Washington en matière d'administration du territoire français. Je rappelle que la 1er visite de De Gaulle en Normandie a été faite dans la zone contrôlée par les troupes anglo-canadiennes.
Après le débarquement en Normandie, la mise en place des hommes de De Gaulle fut faite avec d'énormes difficultés dans la zone américaine et avec plus de facilité et de complaisance dans la zone anglo-canadienne. Leur défi était de s'imposer rapidement, d'assurer l'ordre public et de répondre rapidement aux contingences militaires des Alliés, ce qui fut fait avec brio et dilligence. En même temps, les officiers de l'AMGOT prenaient place dans les zones libérées. Une anecdote savoureuse: un matin, un officier Américain de l'AMGOT rencontre le préfet d'une zone libérée...et le soir lorsqu'il va le revoir, il rencontre le nouveau préfet nommé par le GPRF! Rapidité et fait accomplit semble avoir été le mot d'ordre du GPRF.
Lors du débarquement en Provence, l'implantation des nouvelles autorités françaises fut plus facile, quoique toujours ardus face aux américains. Cette mise en place fut facilité par la présence d'une armée française qui débarque en Provence. Ensuite de larges zones sont libérés par la Résistance, et le retrait des forces allemandes est très rapide, devançant les plans alliés.
Avant la libération de Paris, les plans alliés prévoyaient de contourner la Capitale et de ne pas l'occuper avant septembre et même octobre. L'insurection à partir du 21 août et l'arrivé de De Gaulle en France dans le secret (il avait obtenu l'autorisation des Américains de s'y rendre en tournée d'inspection seulement) vont forcer le cours des événements. Suite à cette libération, le Gouvernement américain ne reconnaît le GPRF que de facto, par un échange simple échange de lettres et non de Jure. Ce n'est que le 23 octobre 1944 que les Alliés (américains, anglais et soviétiques) reconnaissaient de jure le GPRF.
Ce qui me surprend toujours dans la relation De Gaulle-Roosevelt c'est le pourquoi d'une telle défiance de Roosevelt envers De Gaulle et pourquoi a-t-il supporter si longtemps le gouvernement de Vichy au détriment de la France combattante?
Le plus surprenant, c'est que l'opinion publique américaine a été, très tôt, derrière De Gaulle et son mouvement alors que le Gouvernement américain, Roosevelt en tête, a tout fait pour ne pas avoir à le reconnaître.
Vasco de Gama
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