Igor Geiller a écrit :
Disons que mon hypothèse se situait dans le cas d'une défaite alliée au Proche-Orient. Dans ce cas, la Turquie ne serait probablement pas restée insensible face à des avances de l'Axe.
Tout dépend de si Hitler se soit rendu compte de la situation après une écrasante défaite alliée à El-Alamein et l'occupation de l'Egypte par les troupes de Rommel et avait envoyé une énorme quantité de matériel pour renforcer ses troupes réduites à (on peut inférer) une soixantaine de chars et quelques milliers de fantassins, ou s'il avait décidé de réagir selon la pensée qui le caractériserait tout à fait, c'est à dire "Rommel a vaincu les Anglais et s'attaque au Proche-Orient; tout va donc bien pour ce front, et je lui retire quelques troupes pour les envoyer en Russie, là où on en a besoin". Il lui aurait fallu une lucidité qui n'était pas la sienne pour se rendre compte du prébende que lui offrait Rommel et le renforcer en vue d'une attaque contre le Proche-Orient. Sinon, les renforts des Anglais en provenance d'Inde (qui pouvaient largement excéder le millier de chars en cas de nécéssité extrême) auraient tôt fait de repousser Rommel, surtout dans une terre où la population avait été dirigée par les Anglais depuis 1920. Quelque chose me dit que cette deuxième possibilité aurait primée dans l'esprit du Führer, et Rommel ne pouvait en aucun cas foncer à travers la Palestine, le Liban et la Syrie pour attendre la frontière turque: les problèmes d'approvisionnement l'avaient déjà cloué au sol assez de fois avant El-Alamein pour qu'il se rende compte de cette impossibilité; le trajet Alexandrie – Antakya (une des villes les plus au sud de Turquie) faisait plus de 1200 kilomètres…
Igor Geiller a écrit :
La prise de Malte était une question de volonté, pas de moyens. Les Allemands et les Italiens étaient prêts à envahir Malte en juin 1942. Mais Rommel avait repris l'offensive en Egypte, et les moyens pour l'invasion furent envoyés en Afrique du nord.
Au début de la guerre, Malte devait rester à l'écart du théâtre d'opération, les Allemands ne s'intéressant que peu à cette minuscule île perdue au milieu de la Méditerranée. Mais l'entrée en guerre de l'Italie, le 10 juin 1940, change la donne: Mussolini exprime dès le départ sa volonté d'annexer Malte et de la rajouter au "Nouvel Empire Italien". Moins de 24 heures après le début des hostilités, 100 avions italiens bombardent les docks de La Valette - l'île, dont la défense aérienne se limitait à 3 chasseurs biplans Gloster Gladiator (surnommés
Foi,
Espérance et
Charité), ne peut opposer de résistance. Heureusement pour la population, l'Angleterre réussira bien à envoyer quelques Hurricanes en renfort. A partir d'avril 1941, après la cuisante défaite navale au cap Matapan (sud de la Laconie (Grèce), 27-29 mars), où ils perdent 3 cuirassés et 2 destroyers, Mussolini décident d'envoyer une force aéroportée envahir l'île. Malheureusement, il a besoin de l'aval d'Hitler pour ce faire, et celui-ci a d'autres chats à fouetter: il est en train d'organiser l'invasion de la Grèce. En mai 1941, l'Allemagne envahit la Crète en lâchant 10 000 soldats de la Wehrmacht derrière les lignes anglo-grecques (le général britannnique Bernard Freyberg tenait alors la crète avec environ 30 000 Britannique, Néo-Zélandais et Australiens et 10 000 Grecs). Après 11 jours de lutte acharnée, la Crète tombe aux mains de l'envahisseur, au prix exorbitant de 4 000 morts et de 3 000 blessés. Hitler, choqué par cette hécatombe, décide de différer l'hypothétique invasion aéroportée de Malte à bien plus tard. L'occasion ne se représentera pas une deuxième fois, étant donnné que la Royal Navy inflige défaite sur défaite à la marine italienne, et que toutes les troupes (ou presques) sont réquisitionnées pour le front russe. Ceci n'empêche pas un bombardement intense de l'île (en mai 1942, un total de 6 000 bombardiers passeront au-dessus de l'île et lâcheront leur cargaison mortelle). Le 15 août 1942, le convoi anglais
Pedestral, parti de Gibraltar le 10, arrive à La Vilette, où il est acclamé par la population. A partir de ce moment, l'Axe considère que le principal second front (
) est l'invasion de l'Egypte, et la défaite d'El-Alamein anéantit les derniers espoirs de Mussolini de s'emparer de l'île...
Cuchlainn a écrit :
C'est-à-dire que l'Allemagne n'avait pas les moyens d'être présente comme elle l'aurait dû sur les fronts qu'elle aurait dû pour assurer la victoire... Qu'elle a eu les yeux plus gros que le ventre quoi.
Eh bien, plût au monde qu'il n'y ait eu que des généraux comme vous... "Oh non, cet objectif est bien trop difficile, il est certain que nous perdrons, il vaut mieux ne même pas y penser." Mais le tronc même de la théorie de la
Lebensraum était corrompu alors, puisqu'il était de s'attaquer à la Russie, foyer du "bolshévisme", et d'en faire reculer les frontières de quelques milliers de kilomètres afin de permettre à la race germanique aryenne de prendre toutes ses dispositions nécessaires au déficit des "races inférieures". C'est tout. Pas d'invasion de France, pas d'intervention dans les Balkans, pas de guerre en Afrique du Nord, et pas de blocus de Malte ! Tout cela, bien qu'évidemment nécessaire par la suite pour atteindre ce principal objectif, a néanmoins trop réduit les troupes allemandes pour qu'elles le réussissent. Nul doute que si
toutes les forces allemandes, de septembre 1939 à mai 1945 (mais dans ce cas-là, mai 45 ne serait pas une date d'importance, vu que l'issue de la guerre aurait été autrement différent), le "rouleau compresseur" russe aurait mordu la poussière.
Et puis, pour qu'elle n'ait pas les yeux plus gros que le ventre, où auriez-vous préconisé qu'elle s'arrête ? En Pologne ? En France ? Dans les Balkans ? En Lybie ?
Igor Geiller a écrit :
Certaines [troupes allemandes] auraient pu être envoyées à Rommel sans gros risques: les résistants sont encore assez faibles, et les Alliés n'ont pas les moyens de mener une opération terrestre d'envergure en Europe (voir le raid sur Dieppe).
L'échec du raid sur Dieppe (le 19 août 1942) est surtout dû au fait que les Allemands aient repéré, et ce dès la première heure de l'assaut, les barges de débarquement, et qu'ils aient ainsi pu "accueillir" les 6 800 hommes sous un déluge de feu. De plus, le commandement avait auparavant de ne pas effectuer de bombardement intensif (comme sera fait en juin 1944) afin d'épargner les civils. Lourde erreur. Les tanks s'embourberont sur les plages, et près de 4 500 soldats (dont plus de 3 000 Canadiens) alliés y perdront leur vie.
Heureusement, les Alliés tireront leurs erreurs de cet échec, et c'est pourquoi celui du 6 juin, 22 mois plus tard, sera réussi.
Pyrrhos a écrit :
Et le fait que l'Axe succombe à la sérénade de Rommel qui promet l'Egypte, montre que ses stratèges mesuraient mal les exigences particulières de la guerre en Méditerranée et en Afrique.
Erwin Rommel mesurait très bien l'écart de troupes entre ses soldats et les Britanniques, et était conscient qu'il suffirait d'un coup d'arrêt à son avancée pour que tout soit perdu. Mais que pouvait-il faire ? Faire retraite ? Aucun intérêt, sa guerre en aurait été perdue d'avance. Attendre des renforts ? Le gouvernement ne pouvait lui en allouer, et le pressait d'avancer avec ce qu'il avait, quitte à tout perdre. Négocier avec les Anglais ? Impossible, ils avaient depuis longtemps juré de ne pas pactiser avec l'Axe. Il ne lui restait qu'une chose à faire: l'attaque.
Excuses pour l'erreur des noms, Pyrrhos !
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"Candida pro causa ense candido"
Carl Gustav Emil Mannerheim, héros national finlandais (1867-1951)[/i]