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Message Publié : 27 Juin 2017 18:24 
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Merci pour votre analyse très complète, Cush.

Je relève au passage deux points :

cush a écrit :
A la vérité, tout comme personne n'avait imaginé le formidable effort industriel des Soviétiques avant Babarossa, personne n'avait une idée exacte du potentiel des Etats-Unis en 1940.

Hs, mais je commente :
Churchill et De Gaulle connaissaient ce potentiel, au moins pour les USA. S'il est vrai qu'en 1918 l'armée française avait dû les équiper en armes lourdes, avions et chars, en revanche il avait envoyé en France à la fois un nombre de combattants impressionnant et des quantités d'approvisionnements et de matières premières pour les Alliés. (J'ai par exemple en tête le chiffre de 200 locomotives pour renforcer le potentiel français.)

En tout cas le pari de Churchill et De Gaulle repose là-dessus. De Gaulle ayant d'ailleurs une meilleure anticipation, qui déclarait à son entourage :"Je ne sais pas quand ça se produira, mais je pense que les USA et la Russie entreront dans la guerre. Ils y entreront tous les deux."

Citer :
Mais en 1941, imaginer que l'US Navy disposera de 26 portes avions d'escadre et de 71 autres d'escorte en 1945, je pense que même Nimitz n'en était pas capable.

Il est vrai que ce chiffre est fou.

Les moyens prévus pour la future invasion du Japon en 46 sont encore plus hallucinants.

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Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu. (Chamfort)


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Message Publié : 27 Juin 2017 18:44 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

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Pierma a écrit :

En tout cas le pari de Churchill et De Gaulle repose là-dessus. De Gaulle ayant d'ailleurs une meilleure anticipation, qui déclarait à son entourage :"Je ne sais pas quand ça se produira, mais je pense que les USA et la Russie entreront dans la guerre. Ils y entreront tous les deux."


C'est vrai et l'attitude du Japon (et de l'Allemagne qui déclare la guerre le 10) ressemble davantage à la course vers l'abime qu'à une démarche raisonnée mais je pense que Churchill et de Gaulle voient l'ensemble des paramètres: potentiel humain, territorial (ce qui dans le cas des USA leur confère une quasi immunité) et industriel. Le pari des Japonais repose sur deux hypothèses dont l'une est fausse: le peuple américain est faible et le potentiel industriel ne se fera sentir qu'après un an à 18 mois de combats. De fait, la base industrielle ne donnera son plein effet qu'à partir de début, voir mi-1943 (alors que le réveil est amorcé dès 1939). En 1941, les Etats-Unis sont déjà très occupés dans l'Atlantique (qu'ils ne peuvent déserter sous peine de voir l'Angleterre tomber à son tour) et les deux seuls outils valables pour le Pacifique sont la marine et l'aviation (embarquée). Il n'est pas si idiot de penser que le temps acheté en 1941 avec la destruction de la flotte et l'usure qui s'en suivra (morale surtout puisqu'alors les Américains ne pourront plus intervenir dans le Pacifique ouest) les amènera à composer et à négocier une zone d'influence japonaise.
La flotte n'a pas été détruite et les Américains ont fait preuve de leur force morale, pari perdu!


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Message Publié : 28 Juin 2017 0:23 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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cush a écrit :
Pour ce qui est de la pseudo civilisation supérieure, les Japonais n'ont pas le monopole de cette tare (il suffit de reprendre les discours colonialistes de la première moitié du XXeme siècle).
Les Japonais n'ont bien sûr pas le monopole du sentiment de supériorité et nous avons tous en mémoire le discours de Jules Ferry sur le devoir d'apporter la civilisation aux races inférieures. Mais, en Allemagne et au Japon, on peut constater une agressivité et un fanatisme à des niveaux qui n'ont pas été atteint ailleurs.

cush a écrit :
Les Japonais tablent sur un effondrement moral de leur adversaire et ils se trompent, c'est exact mais les Français qui ont tenu 4 ans en 1914 se sont effondrés en 15 jours 25 ans plus tard...
Oui, mais il aurait été illusoire pour les Japonais d'espérer infliger une telle défaite aux Etats-Unis. L'alternative en France était soit une capitulation et la France sous administration militaire allemande soit la solution de l'armistice qui a été conclu.

cush a écrit :
Il ne faut pas comprendre la victoire du Japon sur la Chine en termes européens mais asiatiques. La Chine, quel que soit son état de décrépitude est, et de toute éternité, la Puissance (régionale à minima). Une victoire sur la Chine est donc bien plus qu'une victoire militaire: c'est une victoire morale, c'est l'émancipation du petit poucet.
C'est juste, je n'avais pas pensé à cela.

cush a écrit :
La Russie de 1905 n'est pas à des années lumières des Etats Unis de l'époque. Le Japon se modernise à partir des années 1870 et 35 ans plus tard, il affronte l'une des plus formidables puissances mondiales et la vainc sans (presque) coup férir... Aujourd'hui, il est évident que la flotte de la Baltique n'avait aucune chance mais à l'époque elle représente un formidable outil de combat (11 cuirassés russes contre 4 japonais, à l'époque où le cuirassé est le roi des océans, ça n'est pas rien...). Preuve que les capacités industrielles, militaires ou humaines ne constituent pas des obstacles insurmontables.
La Russie se modernisait certes, mais elle avait un très gros retard à rattraper. C'était un pays immense, mais ce n'était pas encore une puissance formidable. Il ne suffit pas de compter le nombre des cuirassés. Il faut aussi considérer la modernité de leurs équipements, l'entraînement et la formation des personnels, les capacités logistiques, et aussi la situation politique et sociale. La tentative de révolution et la défaite contre le Japon ont mis en évidence autant la fragilité de la Russie que la puissance du Japon. La Russie n'est devenue véritablement une grande puissance que dans les années 1930. Quant aux Etats-Unis, ils étaient déjà en 1914 la première puissance économique et industrielle mondiale. On ne le sait pas assez.

cush a écrit :
Les USA de 1941 ne sont pas la Russie de 1905, soit. Je le sais, vous le savez et il ne vient à personne l'idée de prétendre le contraire. Mais en 1941, Goebbels lui même se leurre sur les capacités des USA, et il n'est pas le seul (voir les réflexions de Darlan et de certains autres...). Pour mémoire, en 1918, l'armée américaine est équipée de matériel français... A la vérité, tout comme personne n'avait imaginé le formidable effort industriel des Soviétiques avant Babarossa, personne n'avait une idée exacte du potentiel des Etats-Unis en 1940.
Goebbels était aveuglé par ses préjugés et le reste du monde un peu aussi. La planification soviétique a été, dans ses débuts tout au moins, beaucoup plus performante qu'on ne le croit mais on n'a pas voulu le voir. L'armée américaine était équipée de matériel français du fait de l'isolement américain qui lui avait fait adopter un dispositif de défense minimal. Elle n'avait pas d'industrie d'armement capable d'équiper une armée d'un million d'hommes. Mais il ne faut pas se leurrer. Les capacités de production de l'industrie américaine étaient les premières au monde.

cush a écrit :
Les Japonais ont eu le sentiment, à tort ou à raison (souvent à tort, je suis d'accord avec vous) de n'être pris par les Américains (et les Européens) que comme un pays de deuxième classe (restriction sur l'immigration, traités commerciaux fluctuant au gré des bonnes fortunes économiques, traités navals "injustes"...). Le Japon pensait avoir acquis ses "titres de noblesse" en 1914 en se rangeant aux coté des Alliés mais à la fin de la guerre, ils ont le sentiment de n'avoir été que des Alliés de deuxième ordre, de ceux qu'on utilise puis qu'on jette lorsque le besoin n'est plus là. Ce n'est pas une question de lucidité ou d'objectivité mais d'impression, de sentiment.
Les traités inégaux avaient été annulés dès 1899. Ensuite, après la 1e guerre mondiale, le Japon devint un des quatre membres permanents du Conseil de la SDN. Il avait bien acquis ses lettres de noblesse. Les choses se sont gâtées un peu plus tard avec l'invasion de la Mandchourie. Je suis convaincu que les rancoeurs sont nées avec la montée du militarisme, ce qui était une façon de la justifier.

cush a écrit :
Le but n'était certainement pas de créer une "sphère de coprospérité" mais bien un empire colonial permettant au Japon une autosuffisance alimentaire et énergétique tout en assurant à son industrie des débouchés stables.. Le rêve de tout colonisateur. Le principe n'est pas joli (et nous savons qu'il est à la fois illusoire et dangereux) et félicitations à la Suisse pour avoir évité cet écueil (en même temps, vu leurs façades maritimes...). Ce n'est pas le cas du Japon, dont acte. Ni de l'Angleterre, de la France, de l'Allemagne, des Pays bas, de l'Italie... Un samurai des années 40 est bien plus souvent un fonctionnaire qu'un guerrier... La caste est influente certes, mais pas forcément dans le sens que vous imaginez. Je reprends le terme de "sphère de coprospérité" parce que c'est le terme officiel, une terminologie à la Orwell.
Il n'y avait plus à proprement parler de samurai en 1940 puisque les castes et les privilèges avaient été supprimées. Mais l'esprit était resté. Au moment du coup de force de 1853, le Japon était un pays sans armée dirigé à tous les niveaux de responsabilité par des militaires qui n'exerçaient plus que des fonctions civiles tout en pratiquant cependant les arts martiaux et en suivant un code d'honneur très martial lui aussi. Lors des grandes réformes de l'ère Meiji, ils fournirent les premiers cadres de l'armée, des administrations et des entreprises privées. Le système des castes ayant été aboli, tous les emplois étant désormais ouverts à tous, ceux qui accédaient à un certain niveau de responsabilité se sont sentis investis des devoirs propres à l'aristocratie à laquelle, d'une certaine façon, ils accédaient : les sans-culotte devenaient aristocrates. L'esprit des samurai se diffusant dans le peuple, la démocratie qui s'installe peu à peu est une démocratie à la prussienne, ce qui comporte quelques dangers.

cush a écrit :
Je n'ai pas les chiffres de production du sud est asiatique dans la première moitié du XXeme ni ceux de la consommation du Japon. Je vais regarder tout ça (à moins que vous les ayez). Il me semble que les ressources en question suffisaient plus que largement à assurer les approvisionnements du Japon?
Le chiffre de 80% en provenance des Etats-Unis est donné par Ian Kershaw dans : Choix fatidiques – Dix décisions qui ont changé le monde, 1940-1941.
La production de l'Indonésie en 1940 est donnée dans cet article : http://www.persee.fr/doc/arch_0044-8613_1987_num_33_1_2334, 8,42Mt, soit moins que la consommation de l'ensemble de l'Asie : 12 Mt.
Mais elle avait baissé en 1942 du fait du sabordage des installations : 2,2 Mt
Les productions des différents pays sont données dans celui-ci : http://www.persee.fr/doc/ingeo_0020-0093_1940_num_4_4_5930
Je ne connais pas les besoins du Japon.

cush a écrit :
Si vous considérez les options du point de vue japonais, vous vous apercevrez que le calcul est beaucoup moins irrationnel qu'on l'imagine 70 ans plus tard: en 1941, les USA disposent de 7 porte avions dont un de peu d'utilité (le Ranger) et deux de taille moyenne (les Hornet et Wasp). En face, la Kido Butaï aligne une force surentraînée dont les pilotes ont l'expérience de la guerre. Comme signalé dans un post précédent, le Pacifique est vaste: si l'on élimine les PA, aucune intervention possible pour les Américains pendant plus d'une année (le PA de nouvelle génération et les "Independance" ne sortiront des chantiers que début 1943). Une période assez longue pour établir ce fameux cercle défensif et entraîner les USA dans une guerre de longue haleine dont on peut espérer que le peuple se désintéressera puis se fatiguera assez vite. Mais en 1941, imaginer que l'US Navy disposera de 26 portes avions d'escadre et de 71 autres d'escorte en 1945, je pense que même Nimitz n'en était pas capable.
Si on élimine les PA... Mais ils n'étaient pas à Pearl Harbour et l'Etat-major devait le savoir.

Penser que les Américains se fatigueront. Il fallait alors se limiter à l'Indochine et aux Indes Orientales devenues res nullia du fait des défaites françaises et néerlandaises. En attaquant Pearl Harbour, on a attaqué le territoire américain. De plus, l'Australie a été menacée. C'était trop.

Au total, à la fin de la guerre, la marine américaine disposait de 95 porte-avions. Je ne sais pas si Nimitz l'avait prévu, mais les planificateurs connaissant les paramètres de l'économie américaines auraient dit que c'était possible. Si Konoe et Yamato n'étaient pas favorables à une guerre contre les Etats-Unis, c'est qu'ils avaient une vue juste de leurs capacités.

A l'inverse le Japon était déjà entré dans une économie de guerre qui ne pouvait faire plus. 50% du budget était alloué aux dépenses militaires. L'industrie de l'armement tournait au maximum de ses capacités. Les pertes prévisibles dans un conflit intense ne pourraient être compensées et le rapport des forces ne pourraient que s'aggraver.


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Message Publié : 28 Juin 2017 9:49 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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bina bang a écrit :
Le théâtre pacifique a une caractéristique distinctive qui est l'importance des distances. Il faut pouvoir projeter ses forces sur des milliers de km. Et c'est particulièrement difficile dans le pacifique est où les îles sont rares sans parler des infrastructures nécessaires aux armées. Il n'est pas idiot de penser qu'une attaque éclair s'emparant du pacifique ouest, il serait impossible aux américains de franchir avec une force suffisante le pacifique est.
Bien sûr cela implique d'être capable de contrôler l’Australie ou du moins d'empêcher les USA d'en faire une base d'attaque. Et la bataille de Midway, si elle avait été gagné par les japonais, aurait sérieusement mis à mal la situation des anglo-saxons dans la région.
La question que je me pose: n'aurait-il pas mieux valu frapper les infrastructures de pearl harbor plutôt que les navires? Nous en revenons aux regrets japonais, post guerre, sur une troisième vague.

Et puis les japonais pouvaient-ils anticiper les capacités logistiques des américains?
Là, on est un peu dans le yakafokon et si ma tante en avait. Frapper le Pacifique ouest pour empêcher une réaction venant de l'est, je ne vois pas. Qu'entendez-vous par ouest ? A l'ouest il y a les Indes et Ceylan. Les Japonais ont bien essayé, mais ils ont rencontré la marine britannique qui a pu résister. Cette première tentative n'a pas eu de suite.

La distance est une difficulté, mais c'est aussi un avantage. La côte ouest des Etats-Unis n'était pas exposée comme l'était la côte anglaise à proximité des forces allemandes stationnées de l'autre côté de la Manche.

La distance n'a rien de rédhibitoire s'il ne s'agit que d'un long transit tranquille. Qu'on se rappelle la guerre des Malouines. Aller d'Angleterre jusqu'en Argentine n'a pas été une difficulté majeure pour la marine britannique. Autrement plus difficile a été le ravitaillement de l'URRS par convois jusqu'à Mourmansk sous la menace continue des sous-marins et avions allemands. S'il y a des îles sur le trajet, c'est un avantage dans la mesure où l'on peut s'en servir de base, c'est un obstacle si elles sont occupées par l'ennemi. Il faut analyser la situation dans le détail et non se contenter de généralités.

Pour empêcher les Américains de franchir le Pacifique est, il aurait fallu aux Japonais leur barrer la route au moyen de sous-marins et de porte-avions comme les Allemands ont tenté de le faire en Atlantique. Plus facile à dire qu'à faire. Les Allemands ont finalement échoué. Les Japonais auraient barré la route aux Américains s'ils en avaient eu les moyens.

La frappe éclair, c'était l'attaque de Pearl Harbour qui a été un succès, mais un succès limité parce que les Japonais n'ont pu s'emparer d'Hawai comme ils se sont emparé de Guam. Ou alors, il leur aurait fallu se concentrer sur Hawai et ne pas débarquer aux Philippines, mais ils ne pouvaient faire les deux en même temps.

Contrôler l'Australie, ils ont essayé, mais les Australiens ont résisté ce qui les a conduits à s'installer en Nouvelle Guinée et dans les Iles Salomon. Mais une fois une position prise, il faut pouvoir la conserver. Quand on est partout, il faut disposer des moyens suffisants partout, non seuilement d'unités de combat mais encore de très gros moyens logistiques. Les limites de capacité non seulement des forces japonaises mais encore des moyens de production et des moyens de transport avaient été atteintes.

Si la bataille de Midway, avait été gagnée par les japonais, cela aurait sérieusement mis à mal la situation des anglo-saxons dans la région et la guerre aurait duré plus longtemps pour se terminer par la défaite japonaise. Il ne faut pas s'arrêter à l'aspect tactique. Les conditions stratégiques n'étaient pas favorables aux Japonais.

On a beaucoup parlé de la troisième vague. Aurait-il fallu la lancer ou non, on ne saura jamais. Il y avait des arguments contre et ce sont ceux qui ont été reconnus. La décision a été réfléchie. Il aurait peut-être aussi fallu viser les réserves de carburants plutôt que les avions et les navires. Je ne sais pas. Mais cela n'aurait pas fondamentalement changé le cours de la guerre.

Les japonais pouvaient anticiper les capacités logistiques des américains. Les moyens industriels dont disposaient les Etats-Unis n'étaient un secret pour personne. L'amiral Yamamoto avait visité les usines automobiles de Détroit. Il avait compris.


Dernière édition par Barbetorte le 28 Juin 2017 9:51, édité 1 fois.

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Message Publié : 28 Juin 2017 9:49 
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Polybe
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Bonjour,
cush a écrit :
Mais en 1941, imaginer que l'US Navy disposera de 26 portes avions d'escadre et de 71 autres d'escorte en 1945, je pense que même Nimitz n'en était pas capable.

Je doute que Nimitz n'ait pas été informé de l'expansion rapide de la marine américaine décidée entre 1938 et 1940 (Naval Act de mai 1938, augmentant de 20% le tonnage de l'US Navy, Naval Act de juin 1940, et surtout Naval Expansion Act de juillet 1940 l'augmentant de 70% en cinq ans). Ce dernier (aussi connu comme Two Ocean Navy Act) prévoyait -entre autres- 18 porte-avions d'escadre de classe Essex, s'ajoutant aux 4 déjà commandés.

Ces décisions étaient publiques (lois passées par le Congrès) et donc sûrement connues des dirigeants japonais qui savaient que la Marine Impériale serait complètement surclassées à partir de 1943-1944. Ceci a dû peser dans leur décision de déclencher une guerre fin 1941, au moment où le rapport de forces leur était le plus favorable (ou le moins défavorable...). En juin 1940, la Marine Impériale lança d'ailleurs un vaste programme de mobilisation sur 18 mois (son achèvement étant donc prévu pour décembre 1941) visant à remettre en service et à moderniser toute une série de bâtiments, à incorporer des cargos et pétrolier civils dans ses rangs, à transformer les nombreux bâtiments civils construits avec l’aide de l’État et conçus pour être aisément modifiables en bâtiments de guerre (des paquebots furent ainsi transformés en porte-avions légers).

Bien cordialement

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Quaerendo invenietis


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Message Publié : 28 Juin 2017 10:48 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 11 Oct 2012 21:58
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merci pour vos réponses et les liens.

Je reviendrai sur plusieurs autres points mais j'ai finalement trouvé les consommations de pétrole au Japon dans les années 40: elles s'élèvent à environ 5M tonnes/an (http://www.persee.fr/doc/estat_1149-375 ... pon%201940 - http://ibiblio.org/hyperwar/USA/USA-P-S ... egy-2.html). La production des Indes néerlandaises des années 40 est donc amplement suffisante à alimenter l'économie japonaise et à assurer son expansion (il faut y ajouter la production locale, la Mandchourie et les carburants synthétiques.


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Message Publié : 28 Juin 2017 13:57 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 11 Oct 2012 21:58
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Quodlibet a écrit :
Bonjour,
cush a écrit :
Mais en 1941, imaginer que l'US Navy disposera de 26 portes avions d'escadre et de 71 autres d'escorte en 1945, je pense que même Nimitz n'en était pas capable.

Je doute que Nimitz n'ait pas été informé de l'expansion rapide de la marine américaine décidée entre 1938 et 1940 (Naval Act de mai 1938, augmentant de 20% le tonnage de l'US Navy, Naval Act de juin 1940, et surtout Naval Expansion Act de juillet 1940 l'augmentant de 70% en cinq ans). Ce dernier (aussi connu comme Two Ocean Navy Act) prévoyait -entre autres- 18 porte-avions d'escadre de classe Essex, s'ajoutant aux 4 déjà commandés.


je n'ai pas les mêmes chiffres pour les Essex, les miens donnent (pour le "Two Ocean Navy") 7 PA supplémentaires (ce qui porte le total à 11 dans les 5 années à venir). Ces programmes donnent encore la priorité aux cuirassés, pas aux PA. De plus, ils ne comportent aucun PA léger (9 unités sur la base de coque de croiseurs), ni bien sûr les PA d'escorte. Un second programme de guerre pour les années 1943-44 prévoie dix unités (Essex) supplémentaires.
Il faut aussi (et surtout) prendre en compte la logistique à bâtir pour que ces PA soient d'une réelle utilité, les flottes aériennes... etc... etc... Les Pa ne sont que la partie émergée de l'ensemble.
Je ne doute pas bien sûr que Nimitz ait été informé heure par heure des progrès de ces différents programmes. Je doute qu'en 1940 et malgré la mise en marche de l'industrie américaine, il ait pu imaginer être si richement doté en 1945.

Quodlibet a écrit :
Ces décisions étaient publiques (lois passées par le Congrès) et donc sûrement connues des dirigeants japonais qui savaient que la Marine Impériale serait complètement surclassées à partir de 1943-1944. Ceci a dû peser dans leur décision de déclencher une guerre fin 1941, au moment où le rapport de forces leur était le plus favorable (ou le moins défavorable...). En juin 1940, la Marine Impériale lança d'ailleurs un vaste programme de mobilisation sur 18 mois (son achèvement étant donc prévu pour décembre 1941) visant à remettre en service et à moderniser toute une série de bâtiments, à incorporer des cargos et pétrolier civils dans ses rangs, à transformer les nombreux bâtiments civils construits avec l’aide de l’État et conçus pour être aisément modifiables en bâtiments de guerre (des paquebots furent ainsi transformés en porte-avions légers).

Bien cordialement


d'accord avec cette dernière remarque, la fenêtre de tir pour les Japonais est étroite et se situe précisément à cette période.


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Message Publié : 28 Juin 2017 17:38 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 11 Oct 2012 21:58
Message(s) : 1591
Barbetorte a écrit :
Les Japonais n'ont bien sûr pas le monopole du sentiment de supériorité et nous avons tous en mémoire le discours de Jules Ferry sur le devoir d'apporter la civilisation aux races inférieures. Mais, en Allemagne et au Japon, on peut constater une agressivité et un fanatisme à des niveaux qui n'ont pas été atteint ailleurs.


moui... si on en discute entre nous peut-être... pas sûr qu'un habitant de Sétif ou un Malgache en soit absolument convaincu...

Barbetorte a écrit :
Oui, mais il aurait été illusoire pour les Japonais d'espérer infliger une telle défaite aux Etats-Unis. L'alternative en France était soit une capitulation et la France sous administration militaire allemande soit la solution de l'armistice qui a été conclu.


Evidemment, je voulais simplement souligner le fait que la "première armée du monde" s'est effondrée militairement et le pays moralement en quelques jours. Il peut sembler stupide de tabler sur un effondrement moral de la population américaine mais il ne faut pas oublier que les isolationnistes sont très nombreux et puissants en 1941 et qu'ils ont réussi jusqu'à présent à bloquer nombre d'initiative de Roosevelt. De l'extérieur, on peut voir le pays plus divisé qu'il n'est, et donc plus faible. L'ironie veut que c'est finalement Pearl Harbour qui va unir le peuple américain dans la haine du Japon.


Barbetorte a écrit :
La Russie se modernisait certes, mais elle avait un très gros retard à rattraper. C'était un pays immense, mais ce n'était pas encore une puissance formidable. Il ne suffit pas de compter le nombre des cuirassés. Il faut aussi considérer la modernité de leurs équipements, l'entraînement et la formation des personnels, les capacités logistiques, et aussi la situation politique et sociale. La tentative de révolution et la défaite contre le Japon ont mis en évidence autant la fragilité de la Russie que la puissance du Japon. La Russie n'est devenue véritablement une grande puissance que dans les années 1930. Quant aux Etats-Unis, ils étaient déjà en 1914 la première puissance économique et industrielle mondiale. On ne le sait pas assez.


D'accord dans l'ensemble mais là encore votre raisonnement est valable aujourd'hui. Rien de comparable en 1905: le Japon semble à des années lumière de l'empire Russe et Tsoushima est une énorme surprise pour le monde entier, à commencer par le Japon. Les USA sont déjà la première puissance économique en 1914 et à fortiori en 1941 mais les Japonais ne tablent pas sur une défaite de l'industrie, ils parient sur une défaite de la volonté.

Barbetorte a écrit :
Les traités inégaux avaient été annulés dès 1899. Ensuite, après la 1e guerre mondiale, le Japon devint un des quatre membres permanents du Conseil de la SDN. Il avait bien acquis ses lettres de noblesse. Les choses se sont gâtées un peu plus tard avec l'invasion de la Mandchourie. Je suis convaincu que les rancoeurs sont nées avec la montée du militarisme, ce qui était une façon de la justifier.


C'est votre vision des choses, je ne crois pas que c'était celle des gouvernants et des militaires japonais de l'époque. Et pour ma part, je considère plutôt que la rancœur est à l'origine de la montée du militarisme, pas l'inverse.
Le Japon est un pays pauvre, pas même auto suffisant pour son alimentation qui passe de 52M d'habitants en 1914 à 73M en 1940. Il devient "naturellement" impérialiste et entend s'arroger les mêmes droits que les grandes puissances en place au besoin en se forgeant un empire colonial. Le fait qu'il fasse partie des puissances victorieuses et au vu de son ascension fulgurante durant la première moitié du XXeme siécle il peut se sentir "floué" par l'attitude des grandes puissances à son égard. Peu importe que cela soit factuel ou non. Si on lui refuse ces colonies, le Japon est condamné à vivre dans la dépendance des autres nations et chaque décision de ces mêmes nations impacte sa vie quotidienne.

Barbetorte a écrit :
Il n'y avait plus à proprement parler de samurai en 1940 puisque les castes et les privilèges avaient été supprimées. Mais l'esprit était resté. Au moment du coup de force de 1853, le Japon était un pays sans armée dirigé à tous les niveaux de responsabilité par des militaires qui n'exerçaient plus que des fonctions civiles tout en pratiquant cependant les arts martiaux et en suivant un code d'honneur très martial lui aussi. Lors des grandes réformes de l'ère Meiji, ils fournirent les premiers cadres de l'armée, des administrations et des entreprises privées. Le système des castes ayant été aboli, tous les emplois étant désormais ouverts à tous, ceux qui accédaient à un certain niveau de responsabilité se sont sentis investis des devoirs propres à l'aristocratie à laquelle, d'une certaine façon, ils accédaient : les sans-culotte devenaient aristocrates. L'esprit des samurai se diffusant dans le peuple, la démocratie qui s'installe peu à peu est une démocratie à la prussienne, ce qui comporte quelques dangers.


Je reste réservé sur votre analyse de la société japonaise, j'y vois davantage de complexité.

Barbetorte a écrit :
Si on élimine les PA... Mais ils n'étaient pas à Pearl Harbour et l'Etat-major devait le savoir.


Si vous parlez de l'EM japonais, il n'était quand même pas tenu au courant au jour le jour des sortie de la flotte américaine... Quand aux PA, ils ne sont pas nombreux avant le 7 décembre 1941 pour dire qu'il s'agit là de l'élément primordial de la flotte. Seuls quelques visionnaires le pressentent mais les doctrines d'emploi des flottes (japonaises et américaines) sous estiment encore très largement le potentiel du PA.

Barbetorte a écrit :
Penser que les Américains se fatigueront. Il fallait alors se limiter à l'Indochine et aux Indes Orientales devenues res nullia du fait des défaites françaises et néerlandaises. En attaquant Pearl Harbour, on a attaqué le territoire américain. De plus, l'Australie a été menacée. C'était trop.


S'emparer des Indes orientales aurait été de toutes façons un casus belli. Les Américains ne pouvaient pas le tolérer.

Barbetorte a écrit :
Au total, à la fin de la guerre, la marine américaine disposait de 95 porte-avions. Je ne sais pas si Nimitz l'avait prévu, mais les planificateurs connaissant les paramètres de l'économie américaines auraient dit que c'était possible. Si Konoe et Yamato n'étaient pas favorables à une guerre contre les Etats-Unis, c'est qu'ils avaient une vue juste de leurs capacités.

A l'inverse le Japon était déjà entré dans une économie de guerre qui ne pouvait faire plus. 50% du budget était alloué aux dépenses militaires. L'industrie de l'armement tournait au maximum de ses capacités. Les pertes prévisibles dans un conflit intense ne pourraient être compensées et le rapport des forces ne pourraient que s'aggraver.


D'où l'importance d'une victoire rapide et Pearl Harbour. A l'automne 1941, le Japon n'a plus le choix qu'entre se soumettre en évacuant la Chine ou être affamé par les mesures de rétorsion américaine...


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Message Publié : 28 Juin 2017 17:49 
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cush a écrit :
D'où l'importance d'une victoire rapide et Pearl Harbour. A l'automne 1941, le Japon n'a plus le choix qu'entre se soumettre en évacuant la Chine ou être affamé par les mesures de rétorsion américaine...

Je l'ai déjà dit, je pense que Roosevelt a poussé le Japon dans ses derniers retranchements. C'était un acte politique violent, une sorte d'ultimatum.

Savoir s'il pensait ou non que le Japon allait céder... Aux USA aussi, on l'a dit, on ne mesure pas vraiment les capacités japonaises.

En fait, dans cette histoire, chacun voit l'adversaire plus faible qu'il ne l'est réellement.

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Message Publié : 28 Juin 2017 18:25 
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Polybe
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Bonjour,
cush a écrit :
je n'ai pas les mêmes chiffres pour les Essex, les miens donnent (pour le "Two Ocean Navy") 7 PA supplémentaires (ce qui porte le total à 11 dans les 5 années à venir). Ces programmes donnent encore la priorité aux cuirassés, pas aux PA. De plus, ils ne comportent aucun PA léger (9 unités sur la base de coque de croiseurs), ni bien sûr les PA d'escorte. Un second programme de guerre pour les années 1943-44 prévoie dix unités (Essex) supplémentaires.

C'est vous qui avez raison, et c'est ma mémoire qui défaille.

Le Two Ocean Navy Act ne prévoyait que des tonnages globaux par type de navire, et il accordait encore aux cuirassés un tonnage double de celui donné aux porte-avions (mais les cuirassés Iowa et Montana avaient un tonnage double de celui des porte-avions Essex, et donc le nombre de navires était similaire). Et si l'Essex lui-même (CV-9) avait été commandé dès 1938, les 3 suivants (CV-10, à 12) ne le furent qu'en juin 1940 et les 7 Essex additionnels (CV-13 à 19) du Two Ocean Navy Act en 16 août 1940, 2 autres étant ajoutés le 15 décembre 1941 (CV-20 et 21). Cela satura les possibilités des chantiers navals et la commande de la série suivante (CV-31 à 40) attendit août 1942 comme vous l'indiquez. Et la conversion à partir d'un croiseur en construction du premier des 9 porte-avions légers de la classe Independance (CV puis CVL de 22 à 30) ne commença pas avant janvier 1942.

Bien cordialement

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Quaerendo invenietis


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Message Publié : 28 Juin 2017 19:25 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 11 Oct 2012 21:58
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Pierma a écrit :
Je l'ai déjà dit, je pense que Roosevelt a poussé le Japon dans ses derniers retranchements. C'était un acte politique violent, une sorte d'ultimatum.

Savoir s'il pensait ou non que le Japon allait céder... Aux USA aussi, on l'a dit, on ne mesure pas vraiment les capacités japonaises.

En fait, dans cette histoire, chacun voit l'adversaire plus faible qu'il ne l'est réellement.


Je vous rejoins tout à fait, la seule question est de savoir s'il a consciemment poussé le Japon dans ses derniers retranchements quitte à avoir (espérer?) la guerre ou l'a t-il fait en croyant sincèrement donner une chance à la paix?

Sans me prononcer sur la réponse, je suis en tous cas convaincu que même s'il voyait la guerre se profiler, il ne voulait pas (et n'imaginait même pas) Pearl Harbour. Ou alors, à côté de lui, Staline fait figure de rosière!


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Message Publié : 28 Juin 2017 20:52 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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cush a écrit :
Barbetorte a écrit :
Les Japonais n'ont bien sûr pas le monopole du sentiment de supériorité et nous avons tous en mémoire le discours de Jules Ferry sur le devoir d'apporter la civilisation aux races inférieures. Mais, en Allemagne et au Japon, on peut constater une agressivité et un fanatisme à des niveaux qui n'ont pas été atteint ailleurs.
moui... si on en discute entre nous peut-être... pas sûr qu'un habitant de Sétif ou un Malgache en soit absolument convaincu...
Je ne pensais pas au comportement vis à vis des populations colonisées mais à la propagande officielle et, surtout, à l'endoctrinement de la jeunesse. L'enseignement un peu cocardier et marqué des préjugés de l'époque que recevait les écoliers français était gentillet en comparason de l'endoctrinement que recevaient les écoliers japonais et une troupe de scouts d'une paroisse française était tout autre chose qu'une section de la Hitlerjugend.

cush a écrit :
Evidemment, je voulais simplement souligner le fait que la "première armée du monde" s'est effondrée militairement et le pays moralement en quelques jours. Il peut sembler stupide de tabler sur un effondrement moral de la population américaine mais il ne faut pas oublier que les isolationnistes sont très nombreux et puissants en 1941 et qu'ils ont réussi jusqu'à présent à bloquer nombre d'initiative de Roosevelt. De l'extérieur, on peut voir le pays plus divisé qu'il n'est, et donc plus faible. L'ironie veut que c'est finalement Pearl Harbour qui va unir le peuple américain dans la haine du Japon.
Je ne parlerais pas d'un effondrement moral de la France mais c'est un autre sujet et il a dû être traité dans d'autres discussions. En ce qui concerne les Etats-Unis, nous sommes en fait d'accord : les Japonais, contexte nationaliste et militariste aidant, avaient des raisons de penser que les Américains n'auraient pas la force morale d'affronter l'armée japonaise. De l'extérieur, on peut en effet se faire une fausse idée du pays, pour différentes raisons.

L'Amérique est le pays des individus où seuls comptent les intérêts matériels de chacun au détriment des intérêts supérieurs de la nation.
Un américain, désinvolte mâcheur de chewing amolli par le confort de l'american way of life, n'osera jamais affronter un guerrier japonais.
Enfin, politiquement, jusqu'alors, les Etats-Unis en étaient restés à une attitude de neutralité approuvée par l'opinion publique. S'ils n'ont pas volé au secours de l'Angleterre et de la France, ils n'iront pas défendre les Philippines.

C'est la vision simpliste que peut avoir l'homme de la rue. Cependant, l'homme d'Etat se doit à plus de discernement. Les Etats-Unis ne prendront pas l'initiative de la guerre mais, s'ils sont attaqués, ils répondront. Penser que le Japon ne pourra sortir que victorieux de l'affrontement est faire preuve d'un aveuglement qui n'est pas permis à un homme d'Etat.

cush a écrit :
les Japonais ne tablent pas sur une défaite de l'industrie, ils parient sur une défaite de la volonté.
Nous sommes d'accord sur ce point. Là où je ne vous suis plus c'est quand vous dites qu'il était rationnel de parier sur une défaite de la volonté.

cush a écrit :
C'est votre vision des choses, je ne crois pas que c'était celle des gouvernants et des militaires japonais de l'époque. Et pour ma part, je considère plutôt que la rancœur est à l'origine de la montée du militarisme, pas l'inverse.
Peut-être, selon un cercle vicieux, l'une alimentant l'autre et inversement.

cush a écrit :
Le Japon est un pays pauvre, pas même auto suffisant pour son alimentation qui passe de 52M d'habitants en 1914 à 73M en 1940. Il devient "naturellement" impérialiste et entend s'arroger les mêmes droits que les grandes puissances en place au besoin en se forgeant un empire colonial. Le fait qu'il fasse partie des puissances victorieuses et au vu de son ascension fulgurante durant la première moitié du XXeme siécle il peut se sentir "floué" par l'attitude des grandes puissances à son égard. Peu importe que cela soit factuel ou non. Si on lui refuse ces colonies, le Japon est condamné à vivre dans la dépendance des autres nations et chaque décision de ces mêmes nations impacte sa vie quotidienne.
Oui, je sais bien, mais, comme je le disais, la Suisse aussi était pauvre. Ensuite, tout de même, ces grandes puissances l'avaient laissé s'emparer de Taiwan, de la Corée et de la Mandchourie. Elles avaient manifesté une hostilité de principe au sujet de la Mandchourie mais rien entrepris de concret. Le Japon avait acquis déjà beaucoup. Il aurait très bien pu continuer à prospérer en s'en contentant, d'autant plus que les Philippines étaient sur la voie de l'indépendance, que celle des Indes Néerlandaises finirait bien par arriver, celle de l'Indochine aussi vraisemblablement et qu'il aurait été beaucoup plus intelligent d'agir dans ce sens et d'élaborer ensuite une sorte de commonwealth asiatique plutôt que d'entreprendre d'arracher par la force des territoires aux Pays-Bas, à la France et aux Etats-Unis.

cush a écrit :
Je reste réservé sur votre analyse de la société japonaise, j'y vois davantage de complexité.
Analyse est un grand mot. Une esquisse sommaire tout au plus.

cush a écrit :
Si vous parlez de l'EM japonais, il n'était quand même pas tenu au courant au jour le jour des sortie de la flotte américaine... Quand aux PA, ils ne sont pas nombreux avant le 7 décembre 1941 pour dire qu'il s'agit là de l'élément primordial de la flotte. Seuls quelques visionnaires le pressentent mais les doctrines d'emploi des flottes (japonaises et américaines) sous estiment encore très largement le potentiel du PA.
C'est vrai que ni les Japonais ni les Américains ne prêtaient encore aux porte-avions l'importance qu'ils auront. Quant aux mouvements des unités, ils sont impossibles à cacher et je pense que les services de renseignements japonais en avaient connaissance. Les Etats-Unis étant encore officiellement en paix, il me semble même possible que les mouvements fussent signalés dans la presse locale. Si vous voulez suivre les mouvements des bâtiments de guerre français, à l'exception des sous-marins, abonnez-vous à Col Bleu. J'imagine qu'il y avait l'équivalent dans la Marine américaine. Mais bon. Nous ne sommes plus en 1941.

cush a écrit :
D'où l'importance d'une victoire rapide et Pearl Harbour. A l'automne 1941, le Japon n'a plus le choix qu'entre se soumettre en évacuant la Chine ou être affamé par les mesures de rétorsion américaine...
S'il fallait attaquer, c'était maintenant ou jamais. En haut lieu, le jamais a été défendu, mais c'est le maintenant qui l'a emporté.


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Message Publié : 28 Juin 2017 21:07 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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cush a écrit :
merci pour vos réponses et les liens.

Je reviendrai sur plusieurs autres points mais j'ai finalement trouvé les consommations de pétrole au Japon dans les années 40: elles s'élèvent à environ 5M tonnes/an (http://www.persee.fr/doc/estat_1149-375 ... pon%201940 - http://ibiblio.org/hyperwar/USA/USA-P-S ... egy-2.html). La production des Indes néerlandaises des années 40 est donc amplement suffisante à alimenter l'économie japonaise et à assurer son expansion (il faut y ajouter la production locale, la Mandchourie et les carburants synthétiques.
Merci pour cette précision. La production des Indes Orientales pouvait donc alimenter le Japon à condition bien sûr qu'elle se maintienne. La situation est en fait restée critique. Les néerlandais avaient détruit tout ce qu'ils pouvaient avant de partir et la production de 1942 n'a été que de 2,2 Mt. Elle est ensuite remontée à peu près au niveau antérieur mais les sous-marins américains s'employaient à ce que tous les pétroliers ne parviennent pas à destination avec une efficacité croissante au fil du temps.


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Message Publié : 28 Juin 2017 23:26 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 27 Déc 2013 0:09
Message(s) : 2232
Pierma a écrit :
Je l'ai déjà dit, je pense que Roosevelt a poussé le Japon dans ses derniers retranchements. C'était un acte politique violent, une sorte d'ultimatum.

Savoir s'il pensait ou non que le Japon allait céder... Aux USA aussi, on l'a dit, on ne mesure pas vraiment les capacités japonaises.

En fait, dans cette histoire, chacun voit l'adversaire plus faible qu'il ne l'est réellement.
Un ultimatum, certainement, mais il ne pouvait décemment pas agir autrement. Les intentions belliqueuses du Japon étaient connues. Il venait de signer le pacte tripartite et d'installer des troupes en Indochine. Le président américain ne pouvait faire moins qu'ordonner un embargo. Les Etats-Unis n'allaient tout de même pas fournir au Japon le pétrole dont son armée avait besoin pour envahir les Philippines !

Comme je l'ai déjà dit, les exigences américaines portaient sur deux points : l'Indochine et la Chine. Il ne pouvait faire moins, surtout après le massacre de Nankin. Cependant, les modalités d'un retrait étaient négociables. Roosevelt n'avait pas imposé de délai. Il voulait seulement un accord de principe et une garantie quelconque mais concrète de bonne volonté que le Japon n'a jamais voulu donner.

Les 25 et 28 novembre, lors de réunions avec de hauts fonctionnaires, le secrétaire d'Etat Hull annonce qu'il n'y a pratiquement plus aucune possibilité de parvenir à un accord et que la sécurité nationale était désormais entre les mains de l'Armée et de la Marine. Il précise que la surprise pourrait être au centre de la stratégie japonaise et que des attaques pourraient être menées simultanément en plusieurs points.

Le 29, il dit la même chose à l'ambassadeur britannique.

La mauvaise foi japonaise atteint des sommets. Le 1er décembre, l'ambassadeur du Japon accuse les Etats-Unis de vouloir enfermer le Japon dans son conflit avec la Chine et de vouloir l'étrangler et en conclut que le Japon est devant l'alternative de capituler ou de se battre. Le 7 décembre, alors que Pearl Harbour est sous les bombes, l'ambassadeur japonais remet une note par laquelle il reproche aux Etats-Unis d'ignorer les sacrifices que le Japon a fait en Chine depuis quatre ans et de menacer l'existence de l'Empire.

Si le président Roosevelt avait sciemment dissimulé le risque d'agression, il n'aurait pas laissé le secrétaire d'Etat annoncer à l'administration que désormais la sécurité du pays était dans les mains des militaires.

Il est aberrant qu'en l'Etat des pourparlers avec l'ambassadeur japonais et la crainte d'attaques multiples ayant été exprimée, toutes les forces du Pacifique n'aient pas été mises en alerte. Le commandant des forces dans le Pacifique, l'amiral Kimmel a été sanctionné à mon avis à très juste titre même si des négligences ont peut-être aussi été commises au niveau gouvernemental.


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Message Publié : 29 Juin 2017 10:25 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 11 Oct 2012 21:58
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Barbetorte a écrit :
Si on élimine les PA... Mais ils n'étaient pas à Pearl Harbour et l'Etat-major devait le savoir.


J'ai recherché dans mes documents et il est effectivement précisé que la flotte combinée est informée le 03/12 par un radio de Tokyo qu'aucun PA n'est à Pearl. Le lendemain, un autre message indique que le "Lexington" est au mouillage dans "l'allée des cuirassés". Les Japonais l'ignorent mais il est prévu que l'"Enterprise" regagne Pearl dans la matinée du 07.
Le "Lexington" va quitter Pearl à nouveau le 05/12 pour Midway mais là, il était trop tard pour que Nagumo en soit prévenu et de toutes façons, l'opération ne pouvait plus être arrêtée.


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