Loïc a écrit :
les "alliés", nos propres alliés, n'ont-ils pas tiré les premiers sur les Français en maintes occasions, à commencer par l'été 1940...là curieusement il ne s'agit jamais de "trahison"
la Normandie c'est juin 1944,
l'AFN c'est depuis novembre 1942, sans parler du reste de l'Outre-Mer, et même de la Corse : où est l'AMGOT?
AMGOT signifie : Allied Military Government of Occupied Territories.
L'AFN n'est pas un territoire occupé, dès l'instant où on y reconnaît une autorité française. Mais laquelle ? Tout est là !
Roosevelt, parce que c'est de lui dont on parle, n'éprouve aucune réticence à recycler les vichystes, du moment qu'ils se montrent suffisamment dociles.
Ce n'est certes pas Darlan, passant ainsi d'un maître à l'autre, qui risquait de le contrarier. De même pour Henri Honoré Giraud, qui proclamait sans rire :" Les esprits sont formés en France, les troupes entraînées en Afrique du Nord et les armes fabriquées aux Etats-Unis."
Les esprits formés en France... Pour le brav' général, il s'agit de Vichy. D'accord en cela avec Roosevelt, qui n'a jamais vu la France officielle qu'à Vichy. Lorsqu'il envisage d'imposer un AMGOT en France, celui-ci est logique avec lui-même : si la France c'est Vichy, pourquoi la traiter autrement ?
Fureur de De Gaulle au moment du "Darlan deal" , auprès de Churchill :" Si la France devait s'apercevoir que sa libération c'est Vichy, vous gagnerez peut-être la guerre, mais vous pourriez la perdre d'une autre manière, et en définitive le seul vainqueur serait Staline."
De son côté Giraud ne voit pas d'inconvénient à devenir le numéro 2 d'un homme qui quelques temps plus tôt mettait sa main dans celle d'Hitler.
Si l'AFN c'est novembre 42, pour quelle raison faut-il attendre mai 43 avant que De Gaulle ne puisse rejoindre Alger ?
Citer :
Vous parlez de traiter en alliée de l'Allemagne une armée qui se trouve sur les mêmes théâtres d'opérations que les alliés y compris la seule alliée occidentale présente sur le Front Est mais bon on peut prolonger longtemps cet exercice de sadomasochisme,
C'est bien beau de mettre en avant le génie de De Gaulle, mais tout porter à son crédit en ignorant ou minimisant la contribution de l'Armée Française de 1942 à 1945, je doute franchement que même un de Gaulle eût obtenu le même résultat avec seulement une ou deux Brigades libres débarquant en juin 1944 en Normandie et s'arrêtant à Paris
Et croyez-vous que l'existence d'une armée française conséquente fût un obstacle à Roosevelt pour imposer l'AMGOT en France ?
Dans son esprit il ne pouvait y avoir de gouvernement de la France par des Français avant que le pays n'ait pu exprimer sa volonté par des élections libres. Joli scrupule démocratique dont il n'avait guère fait preuve en mettant Darlan à la tête de l'AFN.
Les officiers de l'AMGOT seront bel et bien débarqués en Normandie, où ils feront le projet de renvoyer François Coulet en Angleterre. Le premier préfet mis en place par le gouvernement provisoire n'a échappé au pire que sur une intervention d'Eisenhower. Celui-ci, et il faut lui rendre hommage sur ce point, avait assuré De Gaulle, avant de gagner Londres, qu'il ne reconnaîtrait en pratique pas d'autre autorité que la sienne dans la France libérée.
Eisenhower, plus proche des réalités, avait pu constater que De Gaulle n'était pas le dictateur qu'imaginait Washington. De plus, en tant que commandant en chef, son souci majeur était d'éviter tout désordre en France sur ses arrières ou dans l'administration des services publics.
Je me suis toujours demandé quels avaient pu être ses rapports avec Roosevelt à ce sujet. Une fois le débarquement réussi, il n'était plus possible à Roosevelt de remplacer Eisenhower au motif qu'il pavait la voie de De Gaulle. D'autant que les opinions publiques tant anglaises qu'américaines s'étaient déjà exprimées largement en faveur de la France Libre.
il faudra pourtant attendre octobre 44 pour que Washington, sous la pression d'une presse anglo-saxonne déchaînée qui proclamait que la plaisanterie avait assez duré, accepte de reconnaître officiellement le gouvernement provisoire, ce qui sera fait conjointement par les trois puissances (Angleterre, Russie et Etats-Unis) une fois les préventions de Roosevelt vaincues. Les démocraties ont ceci de bon que l'opinion y compte et sait reconnaître les siens.
A un journaliste américain qui lui reprochait qu'on ait laissé la Pologne aux communistes, Robert Murphy, consul américain en AFN répondait :" oui, mais nous avons aussi laissé la France aux gaullistes ! " Ce qui situe l'ambiance. La participation militaire très réelle de la France aux côtés des alliés dès la Tunisie n'a pas empêché tous les obstacles que De Gaulle a dû vaincre pour faire entendre démocratiquement le droit de la France à sa souveraineté.
Du génie, c'est à chacun d'en juger, mais en tous cas un énorme travail et une intransigeance nationale sans faille, appuyée sur une position morale incontestable, celle de l'antériorité du 18 juin sur tous les prétendants vichystes ultérieurs.
Le premier gouvernement à reconnaître la France Libre comme représentant officiellement la France a été le gouvernement belge en exil, effaré par les magouilles algéroises des alliés. Il n'empêche : lorsque la France rentre chez elle à Paris en août 44, elle revient de loin. Ou de très bas, si on juge jusqu'où Vichy était tombé.