François Delpla a écrit :
(...) télégramme "Lequio" du 14 mars 1941, révélant d'indubitable façon un piège churchillien en direction de Hitler
Pour répondre à la question "Est-ce que RH est tombé dans un piège tendu par les Britanniques" on ne doit surtout pas mentionner ce document puisqu'il semble presque certain que la conversation Hoare-Hohenlohe était tout simplement une volonté sincère de faire comprendre qu'une paix anglo-allemande était possible sous certaines conditions. Même si on suppose que Hitler a été informé de la conversation Hoare-Hohenlohe, on n’a aucune preuve que Hitler réagisse à cette information en demandant à un de ses ministres de partir vers l'Ecosse en avion.
Est-ce que vous croyez sérieusement que Hoare est téléguidé par Churchill quand il rencontre Hohenlohe le 14 mars ? Je suppose que vous ne l’êtes pas. Relisez mes posts précédents.
Martin Allen a mal interprété le "Lequio". Cette mauvaise interprétation n'est pas inutile puisqu'elle lui permet de renforcer la théorie selon laquelle les Britanniques ont tendu un piège à Hess et Hitler.
Imaginons que Kershaw décide aujourd'hui de publier un nouvel article sur l'affaire Hess. Dans cet article il est hors de question d'évoquer le "Lequio" sauf à croire que les paroles de Hoare à Hohenlohe résultent d'un stratagème churchillien. Espérons que Kershaw n'ose pas croire ça. Personne ne lui pardonnerait un tel amateurisme.
http://www.aerostories.org/~aeroforums/ ... mmsg=40437François Delpla a écrit :
La datation de mars convient beaucoup mieux pour faire le lien avec le vol de Hess et la préparation de Barbarossa.
Le 6 mars 1941 Hoare rencontre Hohenlohe.
Dans son télégramme du 14 mars, Francesco Lequio restitue les paroles prononcées par Hoare devant Hohenlohe quelques jours plus tôt.
Barbarossa est prévu initialement pour le 15 mai 1941. A la fin du mois de mars, Hitler décide de repousser la date au 22 juin. Si Hitler souhaite envoyer un ministre en Ecosse, il doit prendre une décision rapidement. Quelques jours de réflexions suffisent. Il est hors de question de tergiverser pendant plusieurs semaines. Cela risquerait d'avoir des conséquences fâcheuses sur l'opération Barbarossa. Si des négociations sont lancées, personne ne peut garantir qu'elles seront rapides. Le calendrier de l'attaque contre la Russie ne laissait aucune place à des manoeuvres diplomatiques. La dernière chose que Hitler souhaita était bien un retard dû à des complications diplomatiques.
Si Hohenlohe informe Hitler dans les plus brefs délais, pourquoi celui-ci a-t-il tergiversé ?
Même si on peut on peut imaginer toutes sortes de raisons pour justifier les tergiversations du Führer, il n'en demeure pas moins que Hitler prend un risque énorme en retardant le voyage de Hess. D'où mon inclination à croire que ce retard n'a jamais existé. Hitler n'a jamais envisagé ce voyage. C'est probablement une initiative personnelle de Hess.
Selon Kershaw (2000, p. 561) :
En tout état de cause, on a du mal à saisir la raison qu'aurait eue Hitler d'envisager une mission secrète du type de celle que tenta Hess. Depuis des mois, Hitler se préparait obstinément à attaquer et à détruire l'Union soviétique, précisément afin de forcer la Grande Bretagne à cesser les hostilités. Ses généraux et lui étaient certains de la défaite sans appel de l'Union soviétique à l'automne. Le calendrier de l'attaque ne laissait aucune place à des manoeuvres. La dernière chose que Hitler souhaita était bien un arrêt dû à des complications diplomatiques résultant de l'intervention de Hess, et ce quelques semaines avant le lancement de l'invasion.Je ne mets pas en doute la probité de Hohenlohe. Je veux bien admettre qu'il a informé Hitler dans la première décade du mois de mars 1941.
Rappelons brièvement la thèse de Martin Allen. Hitler aurait été victime d'une intox soigneusement préparée par les Britanniques. Pour duper Hitler, Churchill aurait demandé à Hoare de transmettre des informations trompeuses à Hohenlohe.
L'essayiste Martin Allen est persuadé que la rencontre Hoare / Hohenlohe était spécialement conçue pour duper Hitler et l'inciter à envoyer un émissaire vers la Grande Bretagne. Mais Allen n'apporte aucune preuve de ce qu'il dit.
Je ne vois aucune raison de croire que la rencontre Hoare / Hohenlohe était un subterfuge visant à duper Hitler.
Comment Churchill a-t-il été assez naïf pour croire qu'une banale rencontre entre Hoare et Hohenlohe allait inciter Hitler à envoyer un émissaire vers la Grande Bretagne ? Est-ce que Churchill a vraiment cru que Hitler allait agir en ce sens ?
En mars 1941 Hoare rencontre Hohenlohe. Est-ce un subterfuge churchillien ? Dans ce cas, comment expliquer que le projet de Hess remonte à l'été 1940 ?Lorsque Hess est officiellement désavoué, les nazis parlent d'une trahison dont la préparation commençait au mois d'août 1940 (cf. journal de Halder). Si cette information est bien vraie, c'est le signe que Hess avait conçu le projet de s'envoler en Angleterre dès l'été 1940, donc sans y avoir été poussé par un quelconque piège britannique.
Hess quitte l'Allemagne le 10 mai 1941. Mais nous savons qu'il a fait plusieurs tentatives avant mars 1941. Nous parlons ici de tentatives sérieuses, et non pas de simples entraînements. Tout cela est décrit soigneusement par Hess dans les lettres qu'il écrira à sa famille durant sa captivité. Il se pourrait même que cela soit noté dans un document rédigé avant le voyage du 10 mai 1941. A vérifier. Quelqu'un a-t-il l'info ? Je fais référence à la lettre de Hess à Hitler, cette fameuse lettre qui a mis Hitler en colère le dimanche au Berghof.
Plusieurs tentatives ont été faites. Rochus Misch souligne qu'un premier vol fut tenté durant l'hiver 1940-41, mais que celui-ci échoua. Une autre tentative échoua encore, en février. Même en faisant abstraction de ce témoignage, on doit prendre au sérieux les autres documents : journal de Halder, correspondance de Hess à sa famille, lettre de Hess à Hitler. A cela s'ajoute les propos tenus par Hess dés qu'il parle à Hamilton dans la nuit du 10 au 11 mai. Il lui dit qu'il avait fait plusieurs tentatives, mais que la météo l'avait obligé à renoncer. N'oublions pas non plus les confidences de Hess à Eugène Bird, le directeur américain de la prison de Spandau :
« Le Führer aspirait à mettre fin à la guerre contre l'Angleterre en signant avec elle un accord. J'ai décollé d'Augsbourg, à bord d'un Messerschmitt, à deux ou trois reprises, et à chaque fois de mauvaises conditions météorologiques m'ont obligé à revenir me poser. »En 1970, Hess était le seul prisonnier encore détenu à Spandau. Entre Hess et le commandant américain s'était établit un climat de confiance propice aux confidences. Hess aurait-il menti à Bird ?
Les révélations de Hess sur les tentatives précoces ne sont-elles pas un obstacle à la thèse de Allen ?
Pourquoi Allen est-il persuadé que Hohenlohe accepte le rendez-vous sollicité par Hoare ? Pourquoi ne pas faire l'hypothèse inverse ? A savoir, Hoare accepte le rendez-vous sollicité par Hohenlohe. Attention, je ne dis pas que Hohenlohe suggère à Hoare d'envisager la paix. Je dis simplement que Hohenlohe souhaite rencontrer Hoare en espérant que cet ambassadeur britannique se découvre. Ou bien il espère simplement qu'une rencontre peut-être utile pour maintenir le dialogue. Il n'est peut-être pas souhaitable que le dialogue soit rompu... contrairement à Allen, je ne me limite pas à une seule hypothèse.
Pourquoi Allen veut-il absolument privilégier une hypothèse plutôt qu'une autre ?
Une chose me semble quasiment certaine : Churchill n'imagine pas une seule seconde qu'un chef nazi va faire un voyage en avion vers l'Angleterre ou l'Ecosse.
Nous n'avons aucune preuve que les services secrets ont voulu attirer Hess ou un autre chef nazi dans un piège. En revanche nous avons des indices que les autorités britanniques sont complètement prises au dépourvu dans la nuit du 10 au 11 mai. Tout porte à croire qu'elles n'ont pas anticipé la venue d'un chef nazi.
Selon l'historien Gabriel Gorodetsky, la manière dont Hess a été traité dans les heures qui ont suivi son arrivée est totalement incongrue. GG y voit un signe évident que l’arrivée de Hess n’a pas été prévue par le SIS.
L’auteur explique en détail le déroulement des évènements dans la nuit du 10 au 11 mai. Il montre que la capture de Hess est absolument dénuée de toute coordination.
En outre, il insiste bien sur le fait qu’aucun document n’a été trouvé sur lui, hormis la photographie de son fils à ses côtés, et la carte de visite du professeur Karl Haushofer. Il est arrivé en Ecosse sans aucune proposition formelle de paix.