C'est un tout : notre stratégie était déséquilibrée parce qu'elle voulait tout préserver (mais "à vouloir tout défendre, on ne défend plus rien") et correspondait exactement à ce que les Allemands s'attendaient à ce qu'on fasse. Le haut commandement qui l'a assumé s'est donc trompé et peut être à ce titre jugé défaillant, médiocre, que sais-je encore ?
Cependant, cette stratégie correspondait à des impératifs qu'on ne peut nier : - vouloir protéger le nord de la France en combattant en Belgique, c'était éviter que notre principal bassin houiller soit l'objet de combats, lui avait déjà tant souffert de 1914-1918 ; - aller au secours des Belges n'est pas non plus choquant, puisque cela permet de rallier un potentiel militaire certes secondaire, mais réel, à l'instar de ce qui s'était passé en 1914 ; - quant à adopter une posture stratégique défensive, c'était une évidence vu que notre armée n'était pas capable d'offensive structurée (elle est insuffisamment rompue à la manoeuvre des grands ensembles comme le montrera la modeste opération "Sarre"), et d'autant plus que ce sont les Allemands qui disposent d'un potentiel humain et matériel supérieur (en septembre 1939, ils ont 105 divisions contre 88 pour la France dont seize divisions en AFN ou au Levant ; en mai 1940 ils ont 153 divisions alors que nous n'en comptons que 114 dont une dizaine dans les colonies - même les dix divisions britanniques, qui n'arrivent qu'en octobre 1939, et les grandes unités belges et néerlandaises ne compensent pas ce déséquilibre) qui leur permet d'envisager l'offensive. Avec les ressources métropolitaines et impériales de la France et du Royaume-Uni, combiné au blocus partiel de l'Allemagne, on pouvait espérer rattraper ce déséquilibre à terme, en 1941 ou 1942. D'ici là, défendre sur le théâtre d'opérations principal et multiplier les actions périphériques était l'attitude la plus rationnelle.
Le problème vient donc d'un déséquilibre de potentiel entre les deux ennemis ; d'une stratégie défaillante car trop ambitieuse (volet "Breda" qui, s'il n'engage que des forces réduites, amène à la funeste ponction de la VIIe Armée sur l'aile gauche au lieu qu'elle demeure en réserve au centre) et laissant le débouché des Ardennes insuffisamment protégé ; d'un état psychologique qui ne correspond pas à celui d'une armée luttant pour la victoire (je répète l'existence d'une "phobie du panzer" dès septembre 1939, alors qu'on ne les a jamais combattu ! Et plus largement l'effet du pacifisme ambiant des années 1930, l'influence sournoise de Moscou, etc, etc.). Bien plus que du matériel ou du niveau général des combattants.
Sur ce dernier sujet, ce n'est pas tant que les soldats français étaient mauvais, même si l'hétérogénéité des unités obligent à reconnaître que quelques unités étaient en-dessous de tout (pourquoi se sont-elles retrouvées positionnées sur le point d'application de l'offensive allemande, c'est une excellente question), ni que le matériel était médiocre (au contraire, bien qu'il souffre de tares importantes : les chars de l'infanterie, B1 bis et R35/40, ont une autonomie ridicule ; l'environnement des blindés - radio, optique, service général de l'engin - est inférieur à celui des chars allemands bien que tant en termes de protection que de puissance de feu, nos chars soient assez nettement supérieurs à leurs adversaires ; etc, etc.). C'est aussi parce qu'en face de nous, il y a une armée qui, bien qu'hétérogène elle aussi, place à l'endroit adéquat des unités de très grande qualité (au point d'application de l'effort, il n'y a que des unités mécanisées qui constituent déjà une élite, appuyées par des divisions d'infanterie d'active d'un excellent niveau), et que cette qualité, outre la valeur de l'encadrement, la jeunesse des conscrits, les performances de l'équipement individuel et collectif, repose sur une conception tactique du combat qui nous échappe (perfectionnée de celle des Stosstruppen de 1918 qui, les seuls, réussissent à perforer le front occidental en mars puis en mai 1918).
CNE EMB
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