Jerôme a écrit :
Le magazine "Guerres et Histoire" à publié dans son dernier numéro un entretien avec Peter Longerich, historien allemand installé à Londres, qui développe une thèse assez novatrice selon moi. À ses yeux, la survie des Juifs serait essentiellement due à la capacité des États occupés à les protéger. Le taux de déportation (et de mortalité par conséquent car la quasi totalité des déportés étaient tués) aurait été une fonction du degré de survie des États. Par exemple en Pologne ou aux Pays Bas les Allemands ont agi sans entrave et ont pu déporter autant de Juifs qu'ils voulaient.
Au Danemark ou en France, en revanche, le taux à été bien inférieur car l'occupant devait négocier avec un gouvernement national qui n'avait aucune raison de lui faciliter la tâche. Longerich explique d'ailleurs cette attitude non par une quelconque forme de courage philosémite mais tout simplement par la prise de conscience croissante des chances de victoire alliées...et donc de châtiment des collaborateurs à la Libération ! Cet historien précise également que la propagande allemande expliquant que Roosevelt et Churchill étaient les marionnettes des Juifs fut contre productive car elle aurait intimidé Vichy !
En conclusion Longerich soutient qu'on ne peut écrire l'histoire de la Shoah du point de vue allemand ou européen mais d'un point de vue distinct pays par pays. Selon lui les Allemands auraient été très opportunistes et auraient organisé les déportations en fonction de la plus ou moins grande coopération des administrations et gouvernements nationaux.
Je l'ai lu. C'est une idée novatrice, en effet, et qui se défend. Elle montre assez que l’État est une bonne défense pour la plupart des individus. Mais, elle masque peut-être un autre fait. En fait, les nazis ont œuvré dans de nombreux pays pour exclure des citoyens de la société et donc de la couverture de la loi. En France, cela a donné une commission qui a retiré la nationalité française à un certain nombre de personnes d'origines étrangères qui avaient reçu la nationalité peu de temps auparavant. Et, par hasard ?; il semble que ces personnes soient essentiellement des juifs, avec quelques rares opposants.
Effectivement, plus la trame de l’État a survécu et plus la tâche des nazis concernant l'élimination a été ardue. Mais, peut-être n'était-ce qu'une histoire de temps. En France, l'administration avait réussi à mettre la main sur de nombreux juifs étrangers, moins protégés que les juifs français. Environ 90% des déportés correspondent effectivement à cette catégorie. Mais, il ne faudrait pas oublier que les arrestations de juifs "français" se sont multipliées les derniers mois de la guerre et que c'est la fin de celle-ci qui à mis un terme aux déportations. Si le débarquement de Normandie avait été un échec, si la guerre avait duré un an de plus, les chiffres auraient été tout autres. Donc, oui, l’État de droit, et sa permanence, a permit de sauver de nombreux juifs. Mais, ce n'était qu'une protection temporaire qui avait vocation a disparaitre et là où elle a disparu, les déportations furent massives