Borsig a écrit :
Vous raisonnez comme si la France et l'Allemagne se craignait mutuellement. Il n'en est rien. L'Allemagne n'est pas un pays vaincu. C'est la France qui a été vaincu en juin 1940.
Je raisonne en prenant en compte tous les éléments qui sont la victoire de l’Allemagne d’une part mais aussi le fait que l’Allemagne n’avait encore vaincu ni le Royaume-Uni ni l’URSS, qu’elle était en train de se faire battre en Afrique, que les Etats-Unis étaient entrés dans le conflit et que les forces américaines étaient en train de s’emparer de l’Afrique du nord française.
La France au lendemain de l’armistice était un pays affaibli, mais qui avait encore une réelle existence et dont la souveraineté restait reconnue par l’Allemagne. L’idée de Pétain et de Weygand, de Weygand surtout, était qu’il fallait se retirer du conflit et continuer à exister en restant neutre, avec une partie du territoire non occupée, en conservant l’empire colonial, une petite armée de 100 000 hommes et la flotte basée à Toulon. La ligne de conduite de Weygand était : « L’armistice, rien que l’armistice. »
Le 11 novembre 1942, la situation vue de Vichy était : le territoire métropolitain entièrement occupé par l’Allemagne et l’Afrique du nord française sous contrôle américain. « L’armistice, rien que l’armistice » devenait un non-sens. Il y avait trois solutions possibles :
1. Ne rien faire, la France cessant d’exister en tant qu’Etat indépendant, partagée entre l’Allemagne et l’alliance anglo-américaine ;
2. Se déclarer officiellement alliée de l’Allemagne et continuer à exister comme un Etat satellite de l’Allemagne à l’instar de la Roumanie ;
3. Se déclarer officiellement alliée du Royaume-Uni et des USA et se battre contre l’Allemagne.
Pétain et Laval ont choisi la première solution et ont fini piteusement à Sigmaringen.
Darlan, après un moment d’hésitation, a finalement opté pour la troisième solution, donnant ainsi raison à de Gaulle plus de deux ans après.
Pétain et Laval n’ont pas voulu comprendre qu'en restant à Vichy ils n’étaient plus rien et qu’ils ne représentaient plus rien. Ils n’ont rien empêché. L’occupation a été de plus en plus dure : doublement des indemnités, institution du STO, maintien des prisonniers en Allemagne, législation sous censure allemande.
Borsig a écrit :
Avec ou sans la Milice, les représailles auraient été importantes si Vichy avait essayé de jouer au plus malin avec le Reich. Je suppose que Pétain voulait éviter ça.
C'est le raisonnement tenu par Pétain. Ce qui aurait été malin aurait été de faire le bon choix. Darlan, qui avait une vision du monde moins étroite que Pétain et Weygand et qui connaissait un peu les Etas-Unis a fini par comprendre de quel côté la balance allait pencher. En pensant que par sa présence il limiterait les exactions des forces d'occupation Pétain se berçait d'illusions. Fin 1942, il n'était plus rien. Laval détenait tous les pouvoirs, non seulement en fait mais encore en droit. Pétain n'était plus qu'une marionnette. S'il avait été mis fin à la fiction de l'Etat Français en novembre 1942, Laval aurait été remplacé par un gauleiter, ce qui n'aurait absolument rien changé. Dire qu'il y aurait eu plus de représailles sans Pétain est un déni de réalité : le régime a lui-même intensifié les représailles sur la population en laissant faire un fanatique comme Darnand, les exactions de la Gestapo ne suffisant apparemment pas.