fifi51 a écrit :
Pour revenir à la question posée.
Il y a plusieurs explications: la qualité de l'encadrement intermédiaire allemand (en gros du sergent au capitaine).
Pour résumer très schématiquement, tu te bats parce que tu ne laisses pas tomber ton voisin de tranchée.
Vous faites bien de préciser que c'est pour schématiser parce que 1) pour ce qui est de la cohésion et camaraderie développé en tranchées c'est plus en 14-18 qu'en 39-45 que ça se passe et 2) que cet esprit de solidarité (voire de sacrifice) envers ses camarades de combat était aussi largement développé et partagé parmi les autres armées de ce conflit (comme pratiquement dans tous les conflits puisque ce sont les souffrances et épreuves endurées ensemble qui créent cette fraternité et cohésion non une quelconque formation ou tactique particulière).
En ce qui concerne l'encadrement intermédiaire de la Heer, vous avez toutefois raison de dire qu'il est était qualitatif puisque celui-ci (tout comme celui des officiers supérieurs) avait été conçu dans le contexte drastique des limitations en matière de forces armées fixées à l'Allemagne par le traité de Versailles. Ainsi dès le début des années 30 (avant même l'arrivée d'Hitler au pouvoir en 33) les gouvernements successifs de la république de Weimar, afin de contourner les limitations en nombre et matériels stipulées par le traité et se doter d'un outil militaire apte à redonner à l'Allemagne la place, que de larges pans de la population allemande, estimaient devoir lui revenir, vont mettre sur pied un programme dissimulé de réarmement et préparer une armée qui soit l'égale de celles des autres puissances dominantes (et particulièrement celle de la France) lui ayant fixé ce "Diktat". Dans cette optique de constitution d'une future Wehrmacht, tous les cadres (officiers supérieurs ou subalternes) et même soldats de la limitée Reichswehr furent formés en termes de compétences à occuper des fonctions allant jusqu'à deux échelons au dessus de leurs grades respectifs. C'est ainsi qu'à l'orée de l'entrée en guerre en 39 l'Allemagne possédait probablement une des armées les plus modernes (vu qu'elle ne comptait quasiment que des matériels de conceptions récentes) et, une fois la conscription rétablie, des cadres particulièrement formés et/ou performants. En 44 toutefois, il ne reste plus que des bribes de tout ce bel ordonnancement, les 5 années de conflit écoulées ayant plus que largement érodé cet édifice et prélevé son compte en vétérans (cadres ou simples combattants) formés lors des premiers temps d'avant-guerre, et vers la fin de l'année (après le débarquement en Normandie et la retraite des forces allemandes en direction du territoire du Reich) c'est une toute autre armée qui se constitue et livrera les derniers combats.
Il y a peut-être toutefois une explication "technique" souvent oubliée (provenant des leçons et conceptualisations effectuées et appliquées par les allemands lors des combats des derniers temps de la première guerre) pouvant mieux éclairer les "performances" (du moins celles des premières années du conflit) de la Whermacht sur les différents théâtres d'opérations où elle fut engagée: cela tenait à l'organisation et souplesse tactique qu'avaient voulu lui donner ses concepteurs, liberté quasi portée sur le soldat de base de façon à que celui-ci puisse même hors de son unité ou cellule de combat, rejoindre tout autre groupe et continuer à sa battre sans inconvénient majeur (ce qui était loin de constituer la règle parmi les autres armées de cette époque).
Je me permets à ce sujet de re-poster le commentaire de CEN_EMB, nous expliquant cela mieux que je serais à même de le faire sur au autre fil, de la façon suivante:
CEN_EMB a écrit :
Les allemands ont essayé des sections (Züge) comprenant des groupes de combat (Gruppen) à plus d'une arme automatique (Maschinengewehr) afin d'accroître leur puissance de feu, et également de lance-flammes (Flammenwerfer) mis en oeuvre par des sapeurs du Garde-Reserve-Pionier Regiment. En sus, ils inséraient dans la section des capacités d'appui indirect (Minenwerfer légers) voire de tirs directs (Infanteriegeschütze ou Sturmkanonen). Ils modifiaient l'articulation en créant des détachements de grenadiers (Handgranatentrupp), ou en générant ex nihilo, par prélèvement, une quatrième section au sein d'une compagnie usuellement ternaire. Il y avait également des observateurs d'artillerie avancés (Beobachter), des estafettes (Melder), etc.
Il ne s'agit pas d'un mode d'action tactique, mais bel et bien d'une adaptation des structures pour accomplir la mission en décentralisant les appuis au niveau le plus bas (jusqu'au niveau du groupe de combat pour les Minenwerfer légers et surtout les lance-flammes), ce qui met le chef de groupe (Gruppenführer), normalement un sergent (Unteroffizier) mais fréquemment un simple caporal (Gefreiter) au coeur du système de la Stosstrupptaktik au même titre que le chef de section (Zugführer, habituellement un sous-lieutenant ou lieutenant Leutnant/Oberleutnant, mais la fonction fut souvent occupée par des "adjudants-lieutenants" Feldwebelleutnante, grade valable uniquement pour la durée de la guerre, voire des sous-officiers).
fifi51 a écrit :
Pour revenir à la question posée.
La "toute relative" faiblesse des adversaires.
Les russes à partir de 1944(1943?) commencent à être au bout du rouleau.
Les anglo-américains parce qu'ils ont une doctrine de préservation de leurs effectifs.
- Les russes au bout du rouleau en 43 ou 44 !!!???...
là, je crois que vous confondez passablement
Les seuls à être "au bout du rouleau" à ces dates là et que ce soit militairement, économiquement, démographiquement, psychologiquement... ce sont les allemands ! surtout après la bataille (perdue) de Koursk en 43, que aussi bien Hitler que le Haut-Commandement militaire allemand, voulurent concevoir comme le choc inversant le sort des armes et dans laquelle ils engagèrent le plein de leur potentiel en ressources militaires dont ils disposaient. Les Soviétiques, de leur côté, disposaient de la profondeur stratégique de leur territoire (49 fois celui de l'Allemagne), d'une population et potentiel humain inégalables et estimés à plus de 200 millions d'habitants (comparativement aux 64 millions d'allemands), de ressources en matières premières et naturelles à profusion (majorées de plus par les approvisionnements du crédit-bail anglo-americain), d'un complexe militaro-industriel qui une fois évacué dans l'Oural lors des mois suivant le déclenchement de Barbarossa, à partir de 42 commencera à donner sa pleine mesure au fur et au mesure des mois passants, dépassera en termes de production globale, dès l'année suivante, celle de l'Allemagne dans des rapports de 1 pour 10 à minima, et ne cessera par la suite de croitre exponentiellement et creuser l'écart toujours en faveur de l'armée rouge.
En résumé, l'Allemagne nazie en 44 et 45 n'a point un adversaire à bout de ressources en face de lui mais au contraire voit déferler sur elle un véritable rouleau compresseur rouge.
- les anglo-americains ont une doctrine de préservation de leurs effectifs !!!???...
Là encore, je me demande bien d'où vous tirez une affirmation pareille ?...croyez vous vraiment, que ne serait-ce qu'Overlord par exemple, s'inscrive dans une stratégie ou doctrine de préservation d'effectifs ?...mais probablement confondez-vous l'emploi précautionneux et particulièrement soucieux des pertes humaines évitables fait par les états majors de démocraties telles que le Royaume-Uni ou les USA avec celui nettement plus déshumanisé et oublieux des vies de leurs populations effectué par les régimes totalitaires que furent aussi bien le nazisme que le stalinisme.
fifi51 a écrit :
Sinon, il est logique que le pic de production allemand soit en 1944, vu qu'ils passent en économie de guerre en 1943.
Pas mieux que ce qui a déjà été commenté plus haut: l'Allemagne hitlérienne est dès 1939 en économie de guerre. La production industrielle et les ressources sont prioritairement affectées dès cette époque à un emploi militaire et ne laissant déjà que la part congrue aux néccéssités civiles. Ce qui pêche dans les premiers temps ce n'est pas la production en tant que telle mais un arbitrage et des répartitions incohérents des ressources (extrêmement ténues en réserves ou approvisionnements au regard des plannifications et commandes effectuées) entre les différents commanditaires civils et militaires. A partir de 42 c'est effectivement sous la direction de Speer que toute cette organisation va trouver une nette amélioration jusqu'à atteindre des performances de fabrication et livraison assez remarquables malgré des conditions de production et approvisionnement de plus en plus précaires. Le discours de Goebbels (ministre de la propagande) du 18 février 43 appelant les allemands à la guerre totale, est plus à resituer et comprendre comme une exhorte à la galvanisation et radicalisation de l'esprit du peuple allemand que comme l'appel à une intensification de la production industrielle (qui de toutes façons tourne déjà à quasi plein régime depuis un moment...).
Je vous invite quoi qu'il en soit, sur ce sujet un peu complexe de l'économie de guerre nazie, à consulter ou lire l'excellent ouvrage d'Adam Tooze "Le salaire de la destruction".