Jerôme a écrit :
La situation a aujourd'hui bien changé. C'est peut-être pour cela qu'on parle moins des souffrances des déportés "politiques". Ils sont presque tous décédés !
De nombreux déportés politiques reconnaissent ou ont reconnu que globalement leur sort était moins pire que le sort des déportés raciaux. Sauf erreur de ma part, c'est aussi le cas du témoignage qui vous a servi à relancer le sujet. Les politiques avaient un peu plus de rations de nourriture ... Enfin, pas tous. Certains étaient même très bien traités.
En fait, dans le système concentrationnaire nazi l'arbitraire régnait en maître. Il est souvent très compliqué de comprendre pourquoi telle personne est tout à coup sortie de son baraquement pour être exécutée, alors qu’une autre jugée avec elle et qui partageait son sort pourra finir la guerre et être libérée.
Jerôme a écrit :
Il est impossible de soutenir que l'existence des camps de concentration a été niée ou sous-estimée après la guerre !
François Azouvi explique tout cela très bien dans "le mythe du Grand silence". Les déportés "politiques" étaient nombreux et très insérés au sein de la classe politique après la Guerre. Grâce au PCF, mais pas seulement, il y avait beaucoup d'anciens résistants déportés (ou tout simplement d'anciens Résistants solidaires de leurs camarades déportés) aux postes clefs de la société française d'après-guerre.
Ils ont donc largement diffusé l'information sur les camps de concentration dont le film "nuit et brouillard" est une illustration assez exacte. le film a été réalisé dix ans après la Libération des camps.
Après guerre, "on" a fait le choix de privilégier l'avenir. C'est un choix objectif fait par le gouvernement provisoire présidé par De Gaulle. Mais, c'est aussi le choix de la plupart des partis participants à la vie politique française. Et donc aussi de leurs membres qui avaient été internés par les allemands pour des raisons politiques ou raciales. En fait, quand ils sont rentrés des camps et qu'ils sont revenus aux affaires, ils ont décidé de ne pas remettre en cause ce qui avait été mis en place en leur absence. Bref, il s'est mis en place un espèce de mythe qui prétendait que s'il y avait eu très peu de résistants actifs, la plupart des français furent des résistants passifs. Les fonctionnaires qui étaient restés à leurs postes n'avaient fait qu'obéir aux ordres en essayant d'en limiter les effets ...
Donc, dans la plupart des partis on a écartés ceux qui s'étaient trop compromis, on a jugés quelques personnes, exclus quelques lampistes et les choses ont repris en continuation de ce qui était l'habitude avant guerre ... Et, on a reconstruit le pays. Les dommages étaient immenses. J'ai vu dans un livre sur l'histoire du rail une carte du "réseau" ferroviaire au printemps 1945 ... J'ai mis "réseau" entre guillemet, car justement, il n'y avait plus de réseau, juste des tronçons de lignes séparés par les coupures dus aux bombardements et aux actions de la Résistance. Et c'était comme cela pour les réseaux électriques, routiers et pour la plupart des infrastructures industrielles. Des machines avaient été saisies par les allemands et amenées en Allemagne, les autres avaient souvent été sabotées. J'ai connu un retraité d'EDF qui avait été embauché en 1945 dans une centrale thermique dans le Nord de la France. Les allemands avaient fait exploser des explosifs dans les chaudières... Bref, pendant des mois, son travail principal a été de déblayer le site. De temps en temps, ils recevaient des pièces neuves qui remplaçaient celles qui avaient été détruites. Ils ont mis des mois avant que la centrale soit de nouveau fonctionnelle ... Et là, ils tournaient quand ils recevaient du charbon, et s'ils n'en recevaient pas, ils ne produisaient pas d'électricité.
Le reconstruction de la France a bien été une priorité, et pour la faire, on a sacrifié la justice et le droit. On a mis sous l'étouffoir les peines des uns et des autres. On a fait une épuration a-minima. On n'a pas sacralisé les souffrances des uns et des autres, comme on avait fait en 1919 pour les souffrances des anciens combattants. Oui! il faut le reconnaitre, on a choisi de sacrifier la mémoire de certaines souffrances, on l'a remplacé par un mythe permettant au plus grand nombre de participer à la reconstruction de la France sans se poser trop de question. Et donc oui! il y a pût y avoir, dans certains cas, dans le même bureau, une personne qui avait été internée dans un camp de concentration pour faits de résistance, et le fonctionnaire, trop zélé, qui avait fait suivre son dossier vers les instances qui avaient jugé de son cas ... On peut trouver cela injuste, mais le résultat fût que l'on a reconstruit la France. Avec l'aide du plan Marshal, faut-il le souligner ?
Mais, il ne faut pas rejeter la faute de la construction de ce mythe sur De Gaulle et les membres du gouvernement provisoire. Les témoignages des déportés le montrent bien, en fait, ils ont très vite compris que peu de gens pouvaient comprendre ce qu'ils avaient subit. Mais, dans le même temps, tout le monde pensait avoir souffert plus que de raison. Donc, ils se sont tu, et ils ont participé à la reconstruction du pays. Et c'est aussi à mettre à leur actif.
Ils n'ont pas été inactifs pour autant. Les anciens résistants de tous bords ont souvent unis leurs efforts pour mettre sur la touche quelques personnes qui étaient trop impliqués dans l'administration vichyste. Ils ont aussi participé à l'arrestation de certaines personnes recherchées en surveillant les abords de certains lieux et en filant des renseignements à la justice.
Maintenant, il y a plusieurs sites qui recueillent les témoignages, il y a eu de nombreux livres pour présenter l'univers concentrationnaire nazi. Faut-il en faire plus ? Faut-il en faire moins ? Faut-il remettre les choses dans leur contexte ?