Rob1 a écrit :
Si ces deux tonnes d'archives ont été confiées à une commission, ce ne sont peut-être pas les mêmes que le fichier Paillole ?
Oui, je pense que ces deux tonnes d'archives n'ont rien à voir avec le fichier Paillole.(qui de toute façon ne peut pas faire deux tonnes.)
A mon avis voila de quoi il s'agit : Pierre Nord a raconté que la première armée française - l'armée De Lattre - dans sa course vers le Danube, a mis la main sur un jeu complet des archives du RSHA, soit plusieurs camions.
Il s'agit des archives berlinoises du siège du RSHA (Office Central de Sécurité du Reich, l'organe nazi de répression et d'espionnage, qui comprend la Gestapo, mais pas seulement : on y trouvait le Sicherheitdienst Ausland, donc le service d'espionnage nazi, et d'autres services, comme celui d'Eichmann. (Le terme "archives de la Gestapo" est réducteur, mais plus simple pour le grand public.)
https://fr.wikipedia.org/wiki/ReichssicherheitshauptamtCes archives étaient évacuées de Berlin - les Russes approchaient - en direction de l'hypothétique "réduit alpin" nazi dans les Alpes bavaroises, et dans le foutoir ambiant, les camions avaient fini abandonnés au bord d'une route perdue.
Pour les services français, un trésor ! On n'a pas souvent l'occasion de lire à livre ouvert dans les papiers d'un service secret ennemi. Par exemple, Pierre Nord raconte avoir travaillé sur la façon dont le service secret nazi avait avalé - ou pas - des informations fausses fournies par diverses filières d'intoxication, de façon à améliorer les méthodes en ce domaine.
En prime, le registre matricule de tous les agents du SD et de la Gestapo.
J'ignore quelle exploitation et quelle diffusion a été faite de ces archives. (J'ai des infos contradictoires.)
Contenaient-elles les noms de résistants français informant les Allemands ? A mon avis, très peu, sinon aucun qu'on ne connaisse déjà. Les résistants français devenus des traîtres au service de la Gestapo ont fait des dégâts considérables dans leurs réseaux, mais au moins ils étaient connus par ces réseaux.
Bon, pour être complet, il y a eu le cas du chef bordelais de l'OCM qui a conclu un accord de non-agression avec la Gestapo, ce qui a déclenché un foutoir épouvantable dans la région, de sorte qu'il pouvait y en avoir qui soient restés inaperçus. Et sans doute quelques uns ailleurs, passés inaperçus parce qu'ils avaient dénoncé peu de monde.
Mais tous ces gens, s'il y en avait, avaient été ramassés et fusillés depuis belle lurette lorsque De Marenches, nommé en 70, a affirmé avoir des noms. Je suis très perplexe. En fait je pense que De Marenches utilisait le fichier Paillole, et donc ciblait des collabos, pas des traîtres ayant du sang sur les mains. Un moyen de pression, comme je l'ai dit.
Ces archives pouvaient contenir aussi les noms de Français laissés en arrière par l'espionnage nazi (les "intergelassene Agenten", munis de postes émetteurs pour fournir des renseignements militaires) c'est un des liens que je vois avec le fichier Paillole. Mais les services français les avaient pour la plupart arrêtés et retournés, et s'il en restait, ils étaient à fusiller d'office.
Autre lien avec le fichier Paillole : celui-ci a dû y prendre tous les noms de collaborateurs cités par les rapports allemands comme ayant fourni des informations.
Donc ces 10 tonnes d'archives ont pu servir à alimenter en partie le fichier Paillole, mais pour l'essentiel il était assez facile, en 1945, de savoir qui avait collaboré. C'était de notoriété publique. Et la résistance savait tout. Au printemps 44 les collabos parisiens, qui recevaient des cercueils par courrier, on tenu par bravade un "banquet des fusillés", c'est dire. Alors les traîtres qu'on découvre 25 ans après, j'en doute.