Que de messages écrits depuis hier...
Dans l'ordre tout de même et pour recentrer un peu les choses sans forcément tomber sur l'éternel militarisme prussien, Iéna ou Frédéric II (on tente Arioviste ?
).
Citer :
Pardon, je ne comprends pas de quoi vous voulez parler. Je ne vois pas de déterminisme dans les études de Chapoutot, et encore moins de "Sonderweg", puisque précisément il dit que l'épisode nazi s'inscrit pleinement dans une filiation idéologique européenne et ne constitue pas une pathologie strictement allemande.
Cependant, il n'est pas clair : d'un côté, dans cet écrit, il veut replacer l'idéologie nazie dans son contexte européen, occidental, et d'une certaine manière le "normaliser" - je crois que c'est une escroquerie intellectuelle que de sortir, ainsi, que nous avons tous quelque de chose de Tenn... euh non, de nazi -, mais je suis persuadé de l'avoir entendu sur France Culture défendre le
Sonderweg, qui est une tentative d'explication du nazisme aussi stupide que la première.
Je vais vérifier tout de même comment il a manipulé le terme, j'ai peut-être mal compris...
Le nazisme ne constitue ni une
voie - ou un chemin - allemande, ni une issue de certaines spécificités culturelles du monde occidental de la fin du "long XIXème siècl"e - le darwinisime social n'explique en rien les rouages de l'Etat nazi, ni sa prise de pouvoir, ni la particularité humaine du
Führer, encore moins de son aura sur les masses, sans Versailles et la crise de 1929, qui affectent spécifiquement l'Allemagne. Pour moi le nazisme est un accident de l'Histoire, un accident dont l'Humanité n'a pas encore fini d'en expliquer les causes (encore que cela a déjà été bien fait, je ne vois pas trop ce qu'il faudrait ajouter).
Là, les ficelles sont tellement grosses, que les bras m'en tombent...
Chapoutot est ici cité par Liber censualis :
Citer :
Le nazisme n’est pas un phénomène hors sol ou une aberration inexplicable. Il est de notre temps et de notre lieu (l’Occident des années 1850-1940), et il en exprime des caractères, il en réalise des potentialités, et il révèle des traits. Le plus saillant, à mes yeux, c’est le désastreux darwinisme social qui arme l’occident capitaliste et colonialiste depuis les années 1860 en lui livrant la théorie de sa pratique et en naturalisant sa domination. Ce social-darwinisme lui préexiste et lui survit, plutôt bien quand on constate à quel point il est triomphant aujourd’hui, dans une société dont on veut faire une simple juxtaposition d’individus évoluant dans un contexte concurrentiel et marchand, où il faut "se vendre", "se battre", "scorer", "réseauter", etc…Le nazisme a montré l’abomination de cette manière, très désenchantée, de voir les hommes et le monde. Il a illustré et incarné, par ses bourreaux et par leurs crimes, une manière paroxystique d’être exploiteur, dominateur et dévastateur. On ferait bien de mieux méditer ce qu’il révèle de nous, de notre culture et de notre univers mental au lieu de nous en défausser en estimant, un peu vite tout de même, qu’il fut le prurit pathologique d’une bande de fous.
C'est très sympathique tout cela, on en oublierait presque que l'Europe - et l'Allemagne surtout - se trouve dans une situation de guerre totale à partir de 1942 et que les objectifs de l'économie de guerre allemande n'ont jamais repris dans les usines - employant juifs, Polonais, Français et autres Hongrois à tour de bras - les préceptes énoncés par Höhn et repris par Chapoutot.
La rentabilité doit être au rendez-vous, même si on doit exploiter des travailleurs étrangers, voire même des juifs, pour remporter la guerre. Je n'ai jamais vu dans ces lieux de travail - témoignages, photographies, règlements - ce que Reinhard Höhn aurait souhaité ou préconisé. Ce n'est pas parce que "
Arbeit macht frei" se trouvait inscrit sur les camps de travail juifs que c'est ce qu'il se passait dans la réalité : les travailleurs n'avaient pas de salles de repos, de sport ou encore une piscine à leur disposition et les autorités ne recherchaient nullement leur consentement.
Les Français - déplacés arbitrairement et de force - qui se retrouvaient avec d'autres Européens - et même des Allemands - dans les usines allemandes n'avaient pas des conditions de ce genre et ne devaient pas se vendre, "réseauter" (
) ou je ne sais quelle autre fadaise. Les journées de travail étaient longues et difficiles, il fallait abattre l'objectif fixé par les autorités. Bref, du dirigisme à l'état pur.
Quant à la seconde escroquerie intellectuelle qui est de dire qu'après 1945 Reinhard Höhn s'est reconverti dans l'économie allemande en créant les préceptes du "managérat contemporain" et de faire un aussi grossier raccourci avec
France Telecom, c'est tout simplement du grand n'importe quoi. C'est en cela que la théorie de Chapoutot est déterministe, car elle compare l'incomparable et réalise des raccourcis incroyables.Il est naturel que l'esprit humain se mette à comparer, cherche des similitudes et se questionne, mais si on regarde de près les éléments factuels cela ne tient tout simplement pas la route. C'est une vue de l'esprit, rien qui puisse résister à l'épreuve d'une démarche scientifique.
A ce titre, comme Höhn, d'autres nazis ont été "reconvertis" dans l'effort anticommuniste après 1945, donc les fusées d'un von Braun sont des fusées nazies et le programme spatial américain est une odieuse construction d'inspiration nazie.
On peut poursuivre ce sophisme puéril au niveau de tous les grands domaines socio-culturels, où d'ex-nazis se retrouvaient après 1945 dans ce contexte de guerre froide.
En poursuivant dans cette logique, la théorie agitée par Goebbels - et d'autres - en 1945 lui aurait donc survécu et il l'aurait emporté : le monde occidental s'est construit en reprenant des préceptes national-socialistes après 1945 pour lutter contre le communisme. En 1991 il l'a finalement emporté, en terrassant l'hydre soviétique, grâce aux germes nazis qu'il comportait.
Sieg !Ouais...
Ainsi, à force de vouloir "normaliser" le nazisme, Chapoutot, dans cet exercice d'esprit, pourrait le trouver à l'origine de
tout et on en oublie, finalement, ses vraies spécificités, ce que comporte le nazisme de particulier.
Qu'on aille plutôt lire certains économistes classiques, comme Ricardo et sa théorie des avantages comparatifs, ou Smith et le fonctionnement de sa manufacture d'épingles, voire les préconisations autour des cités-jardins ouvrières du XIXème, on tombe également sur les germes idéologiques du libre-échange actuel, de la
mondialisation et, en partie, sur le fonctionnement du managérat contemporain avec la recherche du "bien-être" chez les travailleurs.
Inutile d'exhumer un ex-SS, et le spectre des forces du mal, pour cela.