Walsingham a écrit :
Pourquoi l’Espagne n'a-t-elle pas essayé de rejoindre les nations unies avant 55 ?...je ne vois pas quelles raisons auraient été spécifiquement problématiques pour l’Espagne.
Jerôme a écrit :
En 1945, NU est synonyme d'allié. L'Espagne n'étant pas une alliée n'est pas une des NU et n'est pas invitée à San Francisco !...Je pense que pour beaucoup de monde, à commencer par l'URSS, l'Espagne est tenue pour un membre occulte de l'Axe.
Sir Peter a écrit :
Il me semble que l'Espagne était "non belligérante".
Au commencement de la IIe guerre mondiale, début septembre 39, le régime franquiste proclame dans un premier temps (en raison essentiellement de l´épouvantable situation économique du pays au sortir de sa guerre civile) que l´Espagne se maintiendra neutre dans ce conflit. Toutefois, l´évolution des évènements en faveur de l´Allemagne en juin 1940 face á la France, et suivant le 10 juin la déclaration de guerre de l´Italie à cette dernière, amènent Franco à abandonner sa "stricte neutralité" pour passer le 13 juin à une position de "non-belligérance" (position qui était celle de l'Italie avant sa déclaration de guerre). Le 14 juin les troupes espagnoles occupent Tanger (dont le statut était celui de "cité Internationale") et l¨incorporent au protectorat espagnol du Maroc. Mais en novembre 1942 le débarquement des troupes alliées en Afrique du nord, puis en juin 1943 la chute de Mussolini et le débarquement allié en Sicile font revenir Franco vers une politique de stricte neutralité¨ l´amenant particulièrement, en novembre de cette année, à opérer le retrait de la "division Azul" du front russe.
Ces différentes attitudes ou positions politico-diplomatiques avaient de tout temps été perçues et ressenties par les gouvernements alliés, si ce n´est comme de l´appui actif et factuel aux puissances de l´axe à tout le moins comme de très claires sympathies envers celles-ci, et ce sont ces inclinaisons fautives aux yeux des alliés durant le conflit qui amèneront les futurs vainqueurs (bien avant que la victoire soit en vue) à la décision d´exclure l´Espagne de toute participation au nouvel ordonnencement du monde qui se mettrait en place à l´issue des combats. La question espagnole fut concrètement débattue, à l´initiative des délégations australienne et mexicaine, lors de la conférence de San Francisco en avril 45 (conférence réunissant les 50 pays alliés) et commencée à être réglée par l´adoption d´une première motion qui sans mentionner explicitement l¨Espagne stipulait : "qu'aucun Etat ne pourrait se voir intégrer aux "nations unies" s'il est établi que son régime a été instauré avec l´aide des forces militaires de pays ayant lutté contre les "nations unies" et tant que ces régimes resteront en place". Puis, c'est surtout à l'issue de la conférence de Postdam (se tenant mi juillet 45 en Allemagne où un Staline particulièrement avide de revanche sur l´Espagne franquiste pour sa défaite lors de la guerre civile puis l´envoi de troupes en Russie poussa à la fermeté) que les 3 grandes puissances finalement proclamèrent : "qu'íls n´accepteraient aucune demande d´intégration à l´ONU de la part du gouvernement espagnol, celui-ci ayant été établi avec l´appui des puissances de l´axe et ne possède en raison de ses origines, sa nature, son histoire et son étroite association avec les pays agresseurs, les qualités nécessaires pour justifier d´une telle intégration".
Barbetorte a écrit :
Seuls les Alliés, à quelques exceptions, ont adhéré à l'ONU dès 1945. Les autres ont attendu plus ou moins longtemps....Le cas de l'Espagne n'a semble-t-il donc rien d'exceptionnel. C'était un non-belligérant favorable à l'Allemagne tandis que le Portugal était, par exemple, un non-belligérant favorable aux alliés. Ils ont adhéré à l'ONU la même année. L'Espagne n'a pas été particulièrement punie.
La question espagnole a été l´une des premières à être traitée à l´ONU par demande de la délégation de Pologne. Entre mai et juin 1946 le Conseil de Sécurité fit faire une étude sur la situation politique en Espagne qui arriva aux conclusions que le régime franquiste était de nature fasciste, établi avec le concours du régime nazi allemand et du régime fasciste italien, que malgré les protestations alliées Franco avait aidé les puissances de l´axe en s´emparant de Tanger en 1940 et en envoyant la "Division Azul", la "Légion de Volontaires Espagnols" et l`escadrille aérienne "Salvador" pour combattre l´Union Soviétique en Russie. Et pour finir que Franco, à l'instar d'Hitler et Mussolini, était également coupable de la conspiration ayant entrainé la deuxième guerre mondiale de par sa collusion avec ces derniers et le fait que sa belligérance ait été prévue devenir active à un moment donné du conflit.
Le 12 décembre 1946, l´Assemblée Générale de l´ONU, "convaincue que le régime franquiste fut imposé par la force au peuple espagnol avec l'aide des puissances de l'axe (qu'il avait lui-même aidé durant la guerre), ne représente pas le-dit peuple espagnol et rend impossible sa participation aux affaires internationales avec les Nations-Unies", adopta sa "Résolution n°39" par laquelle elle excluait le gouvernement espagnol des organismes internationaux et conférences tenues par les Nations-Unies. De plus, la résolution recommandait au Conseil de Sécurité de prendre les mesures nécessaires si dans un "délais raisonnable" il n'était pas établi en Espagne un gouvernement dont l'autorité émanerait du consentement de ses co-gouvernés. Recommandation était également faite à tous les membres participants, de pourvoir au retrait immédiat de leurs ambassadeurs et ministres plénipotentiaires accrédités auprès du gouvernement espagnol. La résolution fut approuvée par 34 voix pour, 6 voix contre, 13 abstentions et une absence.
Ces sanctions ne réussirent guère à affaiblir le régime franquiste qui, en politique intérieure réagit avec une campagne de propagande le renforçant en agitant le spectre "des ingérences extérieures" et à l'international de simplement le marquer du symbole de l'ostracisme. Quelques pays (comme par exemple l'Argentine) ne suivirent pas la recommandation de retrait de leurs ambassades et la plupart y continueront de maintenir des délégations d'affaires. De plus, la dictature franquiste à ce moment instaura des politiques dites "de substitutions" en renforçant ses liens et échanges avec les républiques latino-américaines et les pays arabes en attendant que les pays occidentaux, aiguillonnés par la situation de "Guerre Froide" rectifient leurs visions et attitudes envers l'Espagne.
C'est ce qu'il advint dès la fin de la décennie, avec le gouvernement des Etats-Unis qui, reconsidérant sa position à l'aune de la nouvelle donne géo-politique et estimant que la situation géographique de l'Espagne ainsi que son gouvernement clairement anti-communiste seraient utiles aux visées du-dit "monde libre" , le fît savoir par la voie d'une lettre au New-Yok Times de son Sécrétaire d'Etat Dean Acheson où celui-ci avançait que la "Résolution n° 39" avait été un échec et que le gouvernement américain était disposé à appuyer une nouvelle résolution qui mettrait fin aux différentes dispositions de la précédente, reconnaissant que sa politique menée jusqu'à alors à son égard (exclusion de l'Espagne du Plan Marshall et refus de l'adjoindre à l'OTAN) avait été une erreur sans que, toutefois, la condamnation morale du régime franquiste ne soit à renier.
Le 4 novembre 1950 l'assemblée générale de l'ONU adoptait la "Résolution n°386" par laquelle se trouvaient révoquées les recommandations de retrait des ambassadeurs et ministres accrédités auprès du gouvernement espagnol ainsi que celle qui empêchait l'Espagne de devenir membre des organismes internationaux établis ou en relation avec les Nations-Unies. La résolution fût approuvée par 38 voix pour, 10 contre, 12 abstentions et aucune absence.