4 octobre. Peu de fois j'ai vu le Duce autant de bonne humeur et en forme qu'aujourd'hui au Brenner. La rencontre a été cordiale et l'entretien certainement le plus intéressant de tous ceux qui eurent lieu jusqu'à présent. [...] 8 octobre. Le Duce téléphone pour que l'on fasse une démarche auprès de la Roumanie et que l'on provoque une demande de troupes italiennes. Il est irrité que seules les forces allemandes soient présentes dans la zone pétrolifère. La démarche est délicate et difficile : je pense que Ghigi s'en tirera tout de même. [...] 10 octobre. Ribbentrop téléphone afin d'informer que le gouvernement hongrois a récemment sollicité la permission d'adhérer à l'alliance tripartite. Alors que dans un premier temps il y était opposé, il y est maintenant favorable car il ne faut pas repousser ceux qui veulent participer à la lutte contre l'Angleterre. Mussolini donne son accord mais il serre un peu les dents car il lui déplaît d'élargir la compagnie. Une fois les Hongrois admis, il conviendra d'ouvrir la porte aux Roumains. J'en informe Ribbentrop qui accueille la suggestion avec un enthousiasme très mesuré.
11 octobre. Rien de nouveau.
12 octobre. Le Duce revient. Il est très indigné contre Graziani car il a de nouveau répondu de manière dilatoire à l'ordre de procéder à l'offensive. Il parle de le remplacer et avance les noms des généraux Messe et Vercellino. Mais il est surtout indigné par l'occupation allemande de la Roumanie. Il dit que ceci a profondément et défavorablement impressionné l'opinion publique italienne car personne n'attendait ce résultat de l'arbitrage de Vienne. « Hitler me met toujours devant le fait accompli. Cette fois-ci, je vais lui rendre la monnaie de sa pièce : il apprendra que j'ai occupé la Grèce par les journaux. Ainsi, l'équilibre sera rétabli. » Je demande s'il s'est mis d'accord avec Badoglio : « Pas encore, répond-il. Mais je donne ma démission d'Italien si quelqu'un fait des difficultés pour se battre contre les Grecs. » Désormais, le Duce semble décidé à agir. En réalité, je crois l'opération utile et facile. [...] 18 octobre. Je vais trouver le Duce de bonne heure. Dans l'antichambre, je trouve Soddu qui a parlé avec Badoglio qui a déclaré que si l'action était déclenchée en Grèce, il démissionnerait. J'en réfère précisément au Duce qui est déjà de mauvaise humeur à cause de l'affaire Graziani. Il a un violent accès de colère et dit qu'il ira en personne en Grèce « pour assister à l'incroyable honte des Italiens qui ont peur des Grecs ». Il entend marcher à tout prix et si Badoglio donne sa démission, il l'acceptera séance tenante. Non seulement Badoglio ne la donne pas, mais il ne répète même pas à Mussolini ce qu'il m'a dit hier. En fait, le Duce explique que Badoglio a seulement insisté pour avoir quelques jours de délai : au moins deux. J'accompagne Manoilescu chez le Duce : une longue et triste récrimination contre les arrogances hongroises qui existent indubitablement mais que nous pouvons difficilement empêcher. D'autre part, après vingt années d'oppression roumaine, une réaction était inévitable, d'autant plus que les Magyars couvent en eux une nature sauvage et âpre. [...] 22 octobre. C'est un jour triste. Jamais comme aujourd'hui ne m'a manqué Maria, ma bonne soeur. Mussolini revient. Il a préparé une lettre pour Hitler sur la situation générale. Il fait également allusion à l'action imminente en Grèce mais ne précise ni la forme, ni la date car il craint qu'on ne lui demande de renoncer. Beaucoup de signes laissent comprendre qu'à Berlin, on n'est pas enthousiasmé par notre entrée à Athènes. La date est désormais fixée au 28 octobre. Pricolo rapporte que Badoglio a donné des ordres pour une action aérienne très limitée. Le Duce n'est pas d'accord. Il veut que l'on frappe très fort car il espère que tout partira en morceaux au premier choc. Si on laisse trop de temps pour réfléchir et respirer, les anglais arriveront, peut-être également les turcs, et les opérations deviendront longues et difficiles. Désormais, le Duce supporte mal Badoglio qu'il considère comme un écran entre lui et ses troupes. Je commence à rédiger l'ultimatum que Grazzi remettra à Metaxás le 28 à 2 heures. Naturellement, il s'agit d'un document sans issue : accepter l'occupation ou être attaqué.
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