Bonjour,
Je crée un fil au sujet de la "solution finale".
Pendant la seconde guerre mondiale, les Allemands savaient-ils que les Juifs étaient exterminés ?
La conférence de Wannsee était certainement une conférence secrète. A quel moment les Allemands ont-ils su (ou deviné) que les Juifs étaient systématiquement tués ? Etait-ce en 1942 ou bien plus tard ?
La population avait-elle connaissance de "Auschwitz" et "Treblinka" ?

Vaste question. En fait, les nazis ne se sont pas trop cachés. Donc oui, ceux qui le voulaient, le savaient. D'autres se sont voilé la face.


En fait, malgré le fait qu'on présente souvent la conférence de Wannsee comme le point initial de la Shoah, en fait, il s'agit juste d'une réunion de concertation entre hauts responsables de divers ministères en vue de les mouiller dans la réalisation de l'extermination. Les grandes décisions ont été prises bien avant. Si on part des nominations des responsables des camps de l'Aktion Reinhart, c'est au moins à la fin de l'été 41 que la décision est prise.
Lors de l'opération Barbarossa, il y avait en arrière du front des commandos spéciaux dont le but était de tuer des juifs. Donc, une grande partie des allemands appartenant à l'armée allemande savait la réalité des choses.

Les populations aux alentours étaient au courant de ce qu'il se passait à Auschwitz. Pour Treblinka c'est plus compliqué car on avait choisi un coin assez discret. Mais, un tas de monde voyait les trains passer pleins de déportés dans un sens, et à vide dans l'autre.

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Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable.
Appelez-moi Charlie

Je crois que l'essentiel est là. Vu le nombre de personnes et de moyens impliqués, une bonne part des allemands pouvaient savoir. Tout savoir avec précision, non. Mais savoir que le régime était criminel et massacrait des juifs, oui.

A titre d'exemples:

-L'activité de la Rose Blanche commence en été 1942. Je ne sais pas si leurs tracts évoquaient le génocide juif, mais ils condamnaient la nature criminelle du régime.

-En août 1942, Kurt Gerstein (officier SS) raconte au baron Von Otter (diplomate suèdois) ce qu'il a vu à Belzec et Tréblinka; il fera de même avec d'autres connaissances. Il souhaite forcer les allemands à ouvrir les yeux sur ce qui se passe. Pour cela, il demande aux alliés de "bombarder" l'Allemagne avec des tracts racontant tout.

Sans être un expert je crois avoir lu que le III e Reich était un régime totalitaire. Il était dangereux de parler de sujets que le régime taisait.

En outre les camps d'extermination étant situés en Pologne les Allemands étaient moins facilement au courant
- éventuellement ils pouvaient les confondre avec les camps de concentration de type Dachau.

Évidemment il y avait la shoah par balles. Mais là encore les soldats de la Wehrmacht devaient être prudents dans les récits qu'ils racontaient !

Dans leurs tracts, la Rose Blanche évoque bien le sort des juifs. Et ce qu'un étudiant allemand envoyé au front pouvait savoir, pouvait être connu d'une grande partie de la population allemande.

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Certes mais les soldats racontaient ils facilement à leurs proches ce qu ils voyaient ?

Plusieurs témoignages montrent que des soldats allemands ont rendu compte à certains de leurs proches. Ils furent nombreux à le dire à leurs confesseurs. Mais aussi à d'autres personnes.

Je dirait que qui voulait savoir, savait.

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Un homme d'origine alsacienne qui avait de la famille des deux côtés de la frontière m'avait raconté des choses intéressantes.
Les camps de concentration étaient de notoriété publique bien avant le début de la guerre. Il ne s'agissait pas encore de camps d'extermination. D'ailleurs, il suffit d'aller sur Gallica pour trouver des journaux français qui en parlent.
Je tombe ici sur un entrefilet du Figaro du 20 octobre 1938 indiquant : AUTRICHE. Un camp de concentration, spécialement destine à recevoir des prisonniers juifs, vient d'être construit à Mautenhaugen, en Haute-Autriche[j'ai l'impression que c'est Mauthausen].
En revanche, de nombreuses personnes y sont enfermées et en reviennent, du moins au début. Ce sont les condamnés de droit commun et des opposants politiques, pour des faits d'opposition qui on le devine sont bien loin de la résistance armée. Mais tous reviennent avec un seul message : "si on se met à raconter ce qui se passe dans les camps, ils sauront que c'est moi et ils m'y renverront !".
Le "non dit" des camps de concentration était donc bien en place dans la population allemande bien avant la guerre et bien avant que la politique criminelle ne passe à la vitesse supérieure. Je suis persuadé que cela relevait du système de gouvernement totalitaire d'imprimer dans l'esprit des gens qu'il y a des "Endroits-dont-on-ne-parle-pas", comme la salle 101 d'Orwell, tellement effrayants parce qu'inconnus, qu'ils annihilent toute velléité de réflexion et donc de résistance.

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Qui contrôle le passé contrôle l'avenir.
George Orwell

En 1942, Sophie Scholl a connaissance de ce que nous appelons aujourd'hui la "shoah par balle". Si elle n'était pas la soeur de Hans, elle n'aurait peut-être pas saisi cette vérité effroyable.

Le frère de Sophie Scholl savait-il que la "shoah par balle" en URSS n'était qu'un volet de la endlösung der Judenfrage ? Car la volonté de Himmler (en accord avec Hitler) était d'exterminer l'ensemble des Juifs d'Europe.

Le premier tract de la Rose blanche ne fait pas allusion à la persécution des Juifs. En revanche, le second est explicite :



Le texte évoque uniquement les Juifs que les SS ont capturés en Pologne. En découvrant ce tract diffusé en juillet 1942, les lecteurs peuvent-ils deviner que les Nazis ont décidé d'exterminer l'ensemble des Juifs d'Europe ? La réponse à cette question est probablement positive à condition que les lecteurs possèdent d'autres informations pour compléter les faits qui sont relatés par le tract.

Quand on songe qu'au delà des 3000 hommes des Einsatzgruppen, il y'aurait eu de l'ordre, de mémoire, de 300 000 soldats impliqués et/ou témoins directs de la Shoah dés 1941, même jusqu'à certaine unité logistique de réparation divisionnaire participant à la tuerie, donc bien loin d'avoir tous le rouge au front, pour ne pas dire convaincus du bien fondé de l'action et n'ayant à ce titre aucun motif à le taire, et que tout ce beau monde naturellement irrigue des réseaux de sociabilité avec la famille et les amis en Allemagne, on est bien loin du petit cercle d'initiés en vase clos sans interaction avec la société allemande

une société nageant dans les rumeurs de massacre de juifs (...) beaucoup voyaient en 1938 le début de la guerre allemande contre les juifs qui avait enclenché une escalade de représailles mutuelles
l'incendie de Hambourg (...) il était évident que le pouvoir de vengeance était aux mains des Juifs et des Alliés (...) cette défaite catastrophique anéantit l'espoir placé un mois plus tôt dans des représailles allemandes, le transformant en peur de "représailles juives".
Parlant ainsi à travers le Reich les gens divulguèrent involontairement ce qui était à moitié caché auparavant :
la rhétorique abstraite des nazis sur l'extermination des Juifs s'était réalisée à la lettre, et ils le savaient.
En 1941-1942 à l'apogée des déportations, quand de nombreuses personnes enchérirent à Hambourg et dans d'autres villes pour acquérir des meubles et des équipements ayant appartenu aux Juifs, quand un grand nombre de témoins rapportèrent des détails sur les fosses communes et les exécutions de masse à l'Est, et quand surtout, une opposition généralisée des Allemands au meurtre aurait pu sauver des vies juives, les gens avaient parlé du génocide en cours autrement : par bribes, derrière des portes fermées, au travers des rumeurs et en lien avec des tueries spécifiques.
Désormais au 3e trimestre 1943 tout cela appartenait au passé «ce que nous avons fait aux juifs» valait reconnaissance publique de ce qui avait été dissimulé auparavant

La Guerre allemande
Portrait d'un peuple en guerre 1939-1945
Nicholas Stargardt