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 Sujet du message : Re: La santé d'Hitler
Message Publié : 25 Juil 2011 8:47 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 04 Juin 2006 12:47
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Donc la thèse de Binion et Lewis est que ce que décrit la partie du roman de Weiss située à l’hôpital de P. -- le comportement du personnage AH, ses symptômes, sa relation avec le docteur/narrateur, le diagnostic, le traitement mis en œuvre—tout cela correspond à ce qui s’est vraiment passé au véritable hôpital de Pasewalk parce que Weiss aurait tiré tous ces détails du dossier médical d’Hitler.

En fait, si l’on étudie la vie et l’œuvre romanesque de Weiss, bien plus qu'au véritable docteur Forster, ce qui concerne le médecin psychiatre de l'hopital de P. dans le roman de Weiss renvoie surtout à la biographie du romancier lui-même, ainsi qu’aux grands thèmes récurrents de son œuvre et à certains archétypes littéraires qu’il recycle, comme je l'ai déjà mentionné.

Comme Weiss, le médecin psychiatre qui soigne le patient nommé AH dans le roman est chirurgien de formation, mais acquiert des connaissances en psychiatrie et en psychanalyse qui l’amènent à s'orienter ensuite vers ce domaine. Alors que Forster n'était pas chirurgien, juste psychiatre/neurologue—et nullement psychanalyste.
Comme Weiss, son personnage est chirurgien militaire au front durant la PGM, et voit défiler entre ses mains des soldats atrocement blessés et mutilés qu'il s'efforce de réparer tant bien que mal, opérant à la chaîne sans dormir pendant des jours. Forster, étant psychiatre, a bien traité des soldats psychologiquement traumatisés mais n’a pas pratiqué la médecine d’urgence sur les champs de bataille.
Comme Weiss, le D/N du roman est passionné par la dissection anatomique, les mécanismes infiniment compliqués du corps humain , l'anatomie du cerveau et son rapport avec l’intelligence. Ce qui n'était pas la spécialisation de Forster (d’après ce qu’en dit Lewis), qui était connu pour ses travaux sur l’effet du tréponème pâle (vecteur de la syphilis) sur le cerveau et le système nerveux, ainsi que pour ses recherches sur les tumeurs cérébrales. Toujours d'après Lewis, sa théorie médicale de référence était plutôt organiciste (les (vrais) troubles mentaux ont une base organique), alors que l’approche du docteur du roman est plus moderne, plus psychologique car il s’intéresse au fonctionnement même de la pensée, et non pas tant à celui ses organes. Etc etc.
De nombreux détails biographiques et médicaux que Weiss prête à ce personnage sont donc tirés de propre sa vie et de sa pratique médicale.

Si l’on examine l’abondante production littéraire de Weiss, on observe que ses thèmes de prédilection sont l'analyse des ressorts cachés des comportements humains, de cette part obscure en nous qui est refoulée, occultée dans la vie sociale ordinaire--pulsions, désirs inavouables, instincts criminels, folie--, et qui surgit à l'occasion de crises et de circonstances exceptionnelles.
Weiss appelle cette part d'ombre notre "âme souterraine" (à peu près le id/ça
de Freud, par lequel il est très influencé) et elle émerge à certaines occasions sous la forme de comportements incompréhensibles, aberrants, brutaux, terrifiants, barbares. "Ce qui semble l'attirer par dessus tout,--dit l'introduction du roman,--c'est la description d'états de conscience , de situations psychologiques limites où l'unité de la personne, la raison, la morale semblent s'effondrer".
De pair avec ce thème des états psychologiques limites , ces crises morales où les barrières de la raison cèdent devant notre part de ténèbres, l’autre grand thème récurrent de son œuvre est celui du médecin "dominateur" , qui se prend pour Dieu, veut jouer le rôle du destin dans la vie de ses patients, et qui finalement n’est qu’un apprenti-sorcier, car par son intervention dans la vie de ses malades, il déclenche des conséquences imprévues et provoque des catastrophes .
Ce personnage de médecin-démiurge apparait dans plusieurs de ses romans, en particulier "Der Fall Vulkobrankovics" (1924) et "Männer in der Nacht" (1925), ainsi que dans un autre roman dont le titre est particulièrement parlant, puisqu’il s’intitule "Georg Letham, Artz un Mörder" (Georg Letham, médecin et meurtrier), de 1931.
Le personnage du médecin-démiurge est également au centre du ''Témoin oculaire", un autre de ces docteurs qui "avec leurs fioles ou leurs scalpels, maître de la douleur, de la vie comme de la mort,. ... veulent égaler Dieu".
Et donc, loin d’être uniquement inspiré par la personnalité du vrai docteur Forster comme le prétend Lewis, le docteur/narrateur du roman renvoie en fait à un leitmotiv thématique obsédant des romans de Weiss, déjà présent dans son œuvre depuis ses débuts de romancier dans les années 20.

Mais—et c’est ce qui est le plus surprenant—si d’après Mr Delpla la partie du roman de Weiss qui se déroule à P. correspond à ce qui s'est vraiment passé à Pasewalk, pourquoi certaines de ses affirmations sur ce qui s’y est passé contredisent-elles la version de Weiss?

Exemples:
Selon Mr Delpla, il y a à Pasewalk et suite au traitement, "métamorphose du rêveur solitaire en meneur d'hommes méthodique".
Le roman de Weiss dit exactement le contraire: d'après la description que fait le romancier d'AH à son arrivée à l'hopital de P. --et donc AVANT le traitement du
docteur/narrateur--A.H. n'est pas un solitaire, c'est un homme énergique et hyperactif, un meneur d'hommes à la volonté irrésistible doublé d’un orateur charismatique.
Je cite des extraits de cette partie du livre : "on me l' (AH) avait signalé comme un éternel perturbateur, un meneur, un éternel mécontent qu'il fallait sanctionner disciplinairement" .
A l’hôpital de P. ,écrit Weiss, le caporal AH "imposait sa volonté", "terrorisait les autres comme s'il n'y avait personne d'autre que lui", tyrannisait son entourage, exigeant de toujours
avoir quelqu'un à sa disposition pour le guider , l'aider à aller aux toilettes, manger etc.

Mr Delpla affirme que : "il (Hitler) discourait beaucoup mais il était très isolé".
Tout à l'opposé, Weiss le décrit comme déjà entouré de supporters dont quelques uns sont fanatiques:
"Parfois l'envie le prenait de donner l'ordre à quelques amis (il y en avait un petit nombre qui lui étaient attachés de manière fanatique) de venir au milieu de la nuit auprès
de son lit (malgré son rang peu élevé, il les avait bien en main) et il leur tenait des discours sans fin sur ses convictions politiques et ce avec un tel feu qu'après ils ne pouvaient pas plus dormir que lui. ..." .

IL a donc déjà attiré autour de lui un groupe d'admirateurs qui lui obéissent au doigt et à
l'oeil: "il ne manquait de rien, avait même beaucoup de compagnie".

Sa force de conviction absolue, qui est un des ressorts de l'emprise qu'il établira plus tard sur les foules, est déjà présente:
"Il avait des idées simples mais convaincantes et il en était tellement pénétré que son cercle grandissait constamment"; "il ne doute jamais, n'apprend jamais".

C'était déjà "un homme supérieur, cultivé, ...", "un homme qui comprenait vite, il était intelligent. Quand il mentait, il croyait dire la vérité". Il devinait les hommes et sa volonté était déjà extraordinairement forte; en fait, c'est la force de sa volonté qui l'avait rendu aveugle: il n'avait pas VOULU voir la défaite de l'Allemagne. Et il souffrait déjà de "mégalomanie", il était "dangereux".

Son caractère est donc déjà très "hitlérien", extrêmement affirmé, fixé, psychorigidifié. Et le D/N déclare: "j'ai soigné des malades de son genre, sans toutefois les changer fondamentalement. Car le fond de ces hommes, leur instabilité, leur fausseté, leur insatiabilité, leur ignorance d'eux mêmes, leur incapacité à se mettre dans la peau d'un autre , et même de comprendre ne serait-ce que le simple droit de vivre d'un autre, leur ingratitude, leur feu égocentrique, tout cela seul un Dieu aurait pu le changer de fond en comble".
Mais ajoute t'il, "nous autres médecins, nous nous estimons semblable à Dieu..."
Ce que dit le docteur/narrateur en fait, c'est qu'il a essayé de changer AH, mais qu'il a échoué dans cette entreprise hubristique.
A l’hopital de P , il n’y a donc pas eu métamorphose au sens où Mr Delpla l’entend : parce que Weiss, fondamentalement pessimiste, estime que c’est impossible.
Le maître et mentor en psychiatrie du D/N, « le Kaiser des fous » a d’ailleurs tenté l’expérience avant lui, croyant qu’ en greffant des morceaux de thyroide à un idiot, il pouvait le rendre intelligent. Il a aussi lamentablement échoué : après une amélioration passagère, l’idiot est retombé dans son abrutissement : les médecins de Weiss se PRENNENT pour Dieu mais ce que dit Weiss, c’est qu’ils surestiment leur pouvoir et qu’ils ne peuvent changer la Nature.
C'est-à-dire exactement le contraire de ce qu’affirme F. Delpla au sujet du traitement d’Hitler par Forster.

Je cite de nouveau Mr Delpla sur l'antisémitisme d'Hitler:
"il devient homme d'action, et obsessionnellement antisémite , en un temps très court, au lendemain de la guerre"; "brusque surgissement de son antisémitisme en 1919",
précise t'il.
Le AH du roman est déjà un antisémite virulent lorsqu'il arrive à P; je cite Weiss:

"La haine des juifs était si forte chez lui qu'il refusait de manger à une table où mangeaient des juifs. Il les évitait et affirmait les reconnaître à l'odeur". "Il hurlait... chuchotait comme dans un délire,.. "Dot Judt" (le youtre dit avec l'accent autrichien ndlr) était la cause de tout. (...) Des centaines de milliers de jeunes filles sont séduites par de répugnants bâtards juifs aux jambes torses". "Il en revenait toujours aux juifs"...".

Le récit de la séance d'hypnose est captivant, Weiss est un conteur habile et sait ménager ses effets: selon le docteur/narrateur, AH étant devenu aveugle parce qu'il n'a pas voulu voir la défaite de l'Allemagne, il suffit donc qu'il veuille guérir pour qu'il le puisse.
C'est un bras de fer entre deux volontés, "esprit contre esprit"; comme dit plus haut, le D/N affirme à AH qu'un homme ordinaire ayant le même problème de cécité que
lui ne pourrait jamais guérir, mais " un élu", "un homme possédant une volonté particulière, de l'énergie spirituelle", peut guérir. Et que "l'Allemagne maintenant a besoin
d'hommes ayant de l'énergie et une foi aveugle en eux mêmes". Le psychiatre allume une bougie, demande à son patient de la fixer, AH distingue d'abord des formes
vagues, puis de plus en plus distinctes etc. Et le docteur/narrateur conclut : « J’avais joué au destin, à Dieu et j’avais rendu à un aveugle la vue et le sommeil ».

Donc le docteur/narrateur ne dit pas du tout qu'il a transformé AH, dont le caractère était déjà essentiellement fixé avant le traitement. Ce qu'il dit avoir fait pour lui, c'est :
- lui rendre la santé, le guérir de sa cécité, handicap rédhibitoire qui l'aurait empêché de faire quoi que ce soit politiquement ; c’est dans ce sens, en rendant possible la carrière politique d’Hitler, qu’il a joué au Destin.
- lui donner confiance dans le pouvoir de sa volonté, soi-disant capable de subjuguer même les forces naturelles (le D/N a fait croire à AH que sa cécité est physiologique, causée par le gaz moutarde).
Volonté qui était déjà despotique, simplement le D/N lui confère une sorte de validation finale et irréfutable: AH se voyait depuis longtemps comme messianique et élu, mais le D/H lui en fournit la preuve par neuf puisque qu'il lui fait croire qu'il peut faire des miracles, en fait qu'il peut s'automiraculer:
"j'étais le premier à avoir fait des miracles sur cet être miraculeux" écrit Weiss. Donc selon Weiss, AH est déjà "miraculeux" avant l'intervention du D/N, ce dernier ne fait que le lui confirmer "officiellement", il le consacre en tant que messie en quelque sorte. Loin de le changer, il booste au contraire ses pires défauts, l'autorise à donner libre cours à une mégalomanie et à une tyrannie sans limites.

Après cet épisode, le D/N enterre dans une cassette les notes qu'il a prises durant le traitement, fuit en Suisse par peur des nazis, met le dossier dans le coffre d'une banque mais sa femme, qui est juive, le remet aux nazis en échange de l'immunité pour elle et sa famille. A la fin, le D/N s'engage en Espagne aux côtés des troupes républicaines.

Et sur la base de ces divergences radicales entre lui et Weiss, on peut se poser la question : Mr Delpla a-t-il lu le livre considéré , par les auteurs mêmes dont il soutient les thèses, comme le témoignage le plus complet sur Hitler à Pasewalk ?


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 Sujet du message : Re: La santé d'Hitler
Message Publié : 26 Juil 2011 6:58 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

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Autant votre post précédent était éclairant, autant celui-là régresse vers une polémique inintéressante et a-historique.

Il ne s'agit pas de se fier plus ou moins à des livres et à des auteurs, mais de tracer son chemin aujourd'hui, en prenant en compte l'ensemble des sources.

Concernant Weiss, j'ai dit à plusieurs reprises dans les échanges internautiques récents que les parts respectives de l'invention romanesque et du dossier de Forster étaient impossibles à délimiter. Ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut pas essayer. De ce point de vue, la présence d'une phrase merveilleusement apte à résumer le nazisme, "Croyez en vous aveuglément et vous cesserez d'être aveugle", est un indice à prendre au sérieux.

Par ailleurs, puisque nous débattons, il faudrait essayer de monologuer le moins possible, c'est-à-dire de se répondre. Ainsi, j'aimerais savoir si je vous ai convaincu sur la très faible pertinence de l'objection : "pourquoi Forster aurait-il gardé le dossier ?"

Je voudrais en revanche, pour finir, relever dans votre argumentaire une objection de poids : le fait qu'Ernst Weiss n'ait pas parlé du dossier dans sa correspondance, notamment avec Stefan Zweig. Je propose une piste : ces émigrés se méfient de tout, et notamment de la poste. Même si en définitive ils n'ont pas su tirer parti de ce dossier en temps utile, ils savaient bien que c'était de la dynamite, mettant en jeu et leur droit de séjourner dans la France de Blum ou de Daladier, et leur sécurité vis-à-vis des émissaires de la Gestapo. Donc, prudence, et le moins possible de traces écrites. Encore une fois cela ne veut pas dire que l'historien soit autorisé à imaginer pour combler les vides : je dis cela ici uniquement pour répondre à votre objection sur le manque de traces, dont vous vous autorisez pour mettre en doute le fait même que Weiss ait eu vent de ce dossier.


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 Sujet du message : Re: La santé d'Hitler
Message Publié : 28 Juil 2011 12:43 
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Jean Mabillon
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Inscription : 04 Juin 2006 12:47
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Citer :
Autant votre post précédent était éclairant, autant celui-là régresse vers une polémique inintéressante et a-historique
.

La discussion du roman de Weiss n'est évidemment pas a-historique puisque le problème est justement que Binion, Lewis & co ont conféré à ce livre (du moins à la partie qui concerne Pasewalk) le statut de document historique (car basé sur ce fameux dossier médical).
Or, après quelques recherches (que je continue), je pense de plus en plus que ce roman est essentiellement une fiction basée sur des éléments historiques, et que cette histoire de remise de dossier, qui repose sur UN SEUL témoignage , celui de Mehring, est une légende.
Et le meilleur moyen de le prouver, c'est de faire apparaître tout ce qui relève de la littérature et non du document historique dans ce livre, à savoir la thématique propre de
l'auteur, les archétypes littéraires qu'il recycle, ce qui est tiré de sa propre biographie et les emprunts qu'il fait à des textes préexistants comme la biographie d’Hitler de son ami Olden .

Citer :
Par ailleurs, puisque nous débattons, il faudrait essayer de monologuer le moins possible, c'est-à-dire de se répondre.


Il me parait difficile par définition de polémiquer en monologuant. Si je monologue, c'est justement pour éviter de polémiquer .
.
Citer :
Ainsi, j'aimerais savoir si je vous ai convaincu sur la très faible pertinence de l'objection : "pourquoi Forster aurait-il gardé le dossier ?"

Vous me répondez que Forster POUVAIT avoir gardé le dossier car il écrivait des articles en se basant éventuellement sur des dossiers. De même qu'il POURRAIT l'avoir remis à Schwartzschild, qui POURRAIT l'avoir remis à Weiss, qui POURRAIT l'avoir copié textuellement pour son livre ...

Cette histoire d’articles ne change rien au fond du problème.
Qu'est ce que le cas d'un soldat anonyme parmi des centaines d'autres traités pour "shellshock" pouvait avoir de particulièrement intéressant pour mériter spécialement un article? Et que Forster ait mis de côté son dossier médical à cet effet ? Et qu’il ait gardé ce dossier pendant 15 ans, alors que l’hôpital de Pasewalk a fermé en 19 ?
Oui, Forster écrivait des articles , sa spécialisation étant les effets du tréponème pâle sur le cerveau et le système nerveux et les tumeurs cérébrales. Ces articles étaient publiés dans des revues scientifiques/médicales allemandes, et ils ont été lus comme documents essentiels à connaître par ceux qui s'intéressent à cette histoire de Pasewalk, dont Lewis, qui cite plusieurs articles de Forster dans les notes de son livre.
Est-ce que Forster a publié un article qui pourrait évoquer, même de loin, le cas d’Hitler ?
Evidemment non, vous pensez bien que si Lewis avait rencontré quoi que soit, dans les articles de Forster (sur qui il semble avoir fait de sérieuses recherches) , qui aurait pu étayer sa thèse, il en aurait fait état.

Citer :
vous voulez absolument tenir à distance et Forster, et Binion. Or le premier a bel et bien soigné Hitler, et l'affaire a bel et bien trouvé une conclusion tragique en 1933,
après un voyage de Forster à Paris qui avait bien des chances d'être lié à cette affaire, et Binion a bel et bien recueilli des informations corroborant la chose.


De nouveau des hypothèses présentées comme des certitudes, des affirmations péremptoires que n’étaye aucun fait précis et vérifié.
Lewis écrit lui-même que Forster est allé à Paris non pas pour remettre un soi-disant dossier mais pour assister à la présentation faite par un collaborateur de son équipe médicale nommé Zador à l'occasion d'un colloque médical, présentation qui portait sur un nouvel appareil très contesté, une plate-forme basculante ("tilting platform") , une invention de Zador, pour la mise au point de laquelle Forster avait autorisé des sommes importantes sur le budget de l'hôpital.
Cette plate-forme permettait soi-disant d’étudier les réactions nerveuses des malades qui y étaient placés et de diagnostiquer les tumeurs cérébrales, sujet d’étude cher à Forster.
Ce qui est intéressant, c’est que Lewis, tout en soutenant la thèse du meurtre de Forster par les nazis, met en évidence, dans son livre, une série d'éléments qui font en fait pencher la balance du côté du suicide:
- Forster avait fait deux tentatives de suicide, une le 31 août par pendaison, l’autre le 4 septembre par empoisonnement (rapporté par sa femme Mila) avant la dernière, qui fut la bonne, le 12 septembre
- il était très mal vu par ses collègues, par les autorités de l'université et par les nazis pour les raisons suivantes: en 1933, alors que les administrations allemandes étaient « déjuivées » (c’est le mot qui était utilisé, signifiant que ces administrations devaient mettre à la porte leurs employés juifs), il n'avait pas voulu se débarrasser de ses collaborateurs médecins juifs.
Zador avait été ainsi licencié par l’université mais Forster avait continué à financer ses (bizarres) recherches sur les fonds de l’hôpital.
- il avait scandalisé ses collègues en prenant une maitresse juive qu’il partageait avec un autre collaborateur juif, Zucker (ce n'était pas une calomnie, lui même l'a reconnu), qu’il avait aussi défendu et refusé de licencier.
- il avait dépensé beaucoup d'argent de l'hôpital en rénovations et aménagements considérés comme dispendieux; qui plus est, il avait fait décorer les lieux en faisant acheter les toiles d'artistes juifs plus tard inscrits sur la liste des auteurs d'art dégénéré.

Forster, selon Lewis lui-même, avait accumulé les imprudences et s'était fait beaucoup d'ennemis , il était vu comme "enjuivé", adonné aux "excentricités", dépensier, obstiné, trop familier avec le petit personnel, les infirmières en particulier, de mœurs relâchées, fréquentant des bohèmes et des gens peu recommandables, et mauvais gestionnaire.
Binion a interviewé plusieurs personnes qui ont connu Forster, plusieurs d’entre elles ont déclaré que « Forster était fou », un excentrique, un imprudent.
Et bien sûr, la calomnie s'est greffée sur ces imprudences: brodant sur la situation de ménage à trois avec Zucker et la familiarité excessive avec les infirmières , il a été la cible de dénonciations: des lettres adressées au Ministère de l'Education l’accusaient d'organiser des orgies à l'hopital—les fausses accusations de dépravation sexuelle étaient utilisées fréquemment par les nazis pour se débarrasser de ceux qui ne leur convenaient pas, dans ce cas particulier un haut responsable qui refusait d'appliquer les consignes de déjudaisation du parti. Donc Forster a bien eu maille à partir avec les nazis, mais pas pour la raison alléguée.
Car Forster n’était pas antinazi : plusieurs de ses confrères (cf les docteurs Krisch et Kroll) , tout en admettant que sa conduite était parfois bizarre, ont nié que celui-ci ait jamais exprimé des critiques envers Hitler et les nationaux-socialistes ; il était bien trop apolitique pour ça, selon eux.
Bien qu’il ait été blanchi des accusations de débauche et de malversations, le ministère de l’Education lui réclama néanmoins sa démission. Initialement, Forster accepta et envoya une lettre au ministère. Puis il se rétracta, sous l’influence de sa femme. Qui le trouva mort dans son bain d’une balle dans la tête peu après.
La théorie de Lewis est que les nazis ont tué Forster parce qu’il avait soigné Hitler et qu’il refusait de démissionner. Théorie absurde : s’il détenait en effet des informations compromettantes sur la santé mentale d’Hitler, le fait que Forster démissionne ne changeait rien au danger qu’il représentait à cause de ces informations.
Au contraire, les nazis pouvaient « tenir » bien plus facilement un homme occupant une position importante et craignant de la perdre qu’un homme qui l’avait perdue. Les hypothèses de Lewis relèvent d’ailleurs constamment de ce genre de logique fautive.


Citer :
Je voudrais en revanche, pour finir, relever dans votre argumentaire une objection de poids : le fait qu'Ernst Weiss n'ait pas parlé du dossier dans sa correspondance,
notamment avec Stefan Zweig. Je propose une piste : ces émigrés se méfient de tout, et notamment de la poste. Même si en définitive ils n'ont pas su tirer parti de ce
dossier en temps utile, ils savaient bien que c'était de la dynamite, mettant en jeu et leur droit de séjourner dans la France de Blum ou de Daladier, et leur sécurité vis-à-vis des


Et pourquoi les personnes impliquées ayant survécu comme Schwartzschild n'en ont pas davantage parlé après la guerre, alors qu'elles ne risquaient plus rien?
Cette remise du dossier médical d'Hitler—si elle avait vraiment eu lieu—était un événement peu oubliable et suffisamment sensationnel pour mériter d’être raconté après coup.
Et ce n'est pas seulement que Weiss ne parle pas du dossier dans sa correspondance, il ne parle pas même de la rencontre avec Forster, ce qui n'avait pourtant rien de très compromettant à révéler par lettre.
En fait, c'était nettement moins compromettant aux yeux de la police et du gouvernement français que de fréquenter des exilés allemands ouvertement antinazis voire même communistes, ce que Weiss n'avait pourtant pas peur de faire.


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 Sujet du message : Re: La santé d'Hitler
Message Publié : 29 Juil 2011 7:37 
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Grégoire de Tours
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Tonnerre a écrit :
.
Citer :
Ainsi, j'aimerais savoir si je vous ai convaincu sur la très faible pertinence de l'objection : "pourquoi Forster aurait-il gardé le dossier ?"

Vous me répondez que Forster POUVAIT avoir gardé le dossier car il écrivait des articles en se basant éventuellement sur des dossiers. De même qu'il POURRAIT l'avoir remis à Schwartzschild, qui POURRAIT l'avoir remis à Weiss, qui POURRAIT l'avoir copié textuellement pour son livre ...


Pas clean, cela.
Ce n'est pas moi qui affirmais quelque chose sur les faits, mais vous et des gens que vous citiez. Ces personnes trouvaient très difficile à croire que Forster ait gardé le dossier. L'argument ne vaut rien, s'agissant d'un homme connu pour garder force paperasses. Le reconnaissez-vous enfin ?


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 Sujet du message : Re: La santé d'Hitler
Message Publié : 06 Août 2011 12:10 
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Jean Mabillon
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Inscription : 04 Juin 2006 12:47
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Citer :
it gardé le dossier. L'argument ne vaut rien, s'agissant d'un homme connu pour garder force paperasses.


Connu par qui? Je n'ai lu ça nulle part. Ni dans Binion, ni dans les notes du livre de Weiss, ni dans Lewis. De nouveau, des opinions assénées d’un ton sans réplique, jamais de preuves, pas de références, pas de sources.
.
Citer :
Le reconnaissez-vous enfin ?

Croyez vous vraiment que ce genre d'impérieuse mise en demeure , faite sur ce ton comminatoire, est susceptible de rallier vos interlocuteurs à vos hypothèses farfelues?
Un minimum de psychologie devrait vous faire comprendre qu'elles ont l'effet inverse.

Sur la base d'un seul élément douteux,--le témoignage oral de Mehring--, un château de cartes d'hypothèses a été échafaudé, chacun des partisans de la thèse du dossier d'Hitler soi-disant base du roman de Weiss, rajoutant de nouvelles hypothèses aux anciennes.
Ainsi, la thèse d'un changement psychologique radical de Hitler qui serait survenu à Pasewalk suite à la thérapie mise en oeuvre par Forster est une thèse qui ne figure nullement--au contraire, voir plus haut-- dans le roman de Weiss, pourtant soi-disant transcrit du fameux dossier médical.
Elle repose également sur un seul élément, aussi incertain que le témoignage de Mehring : un adjudant au 16ème régiment bavarois d’infanterie de réserve nommé Wiedemann a connu Hitler dans cette capacité pendant la guerre.
Après la guerre, interrogé à ce sujet par les autorités américaines, il aurait fait la déclaration suivante : « Hitler était un excellent soldat, un homme courageux, fiable, calme et modeste. Mais nous n’avons pas trouvé de raison de le promouvoir parce qu’il n’avait pas les qualités requises pour être un leader ».
Lewis rapporte cette déclaration dans son style journalistique/fictionnalisé habituel, un des éléments qui laisse le lecteur dubitatif quand à son sérieux en tant qu'historien. On apprend ainsi que « Kempner (le juriste américain qui a interrogé Wiedemann) sourit fugacement et caressa ses cheveux rares et grisonnants en reposant la question : « diriez-vous que Hitler n’avait pas la personnalité pour devenir un leader ? »--le texte de Lewis est ponctué de telles notations style roman de gare.
La conclusion que Lewis tire de cette anecdote, c’est que Forster a miraculeusement transformé Hitler en leader à Pasewalk.

Pas que l’adjudant Wiedemann et les autres sous-offs du 16ème d’infanterie aient pu faire une erreur d’appréciation, disons carrément être trop bêtes pour discerner les qualités d’Hitler, ou même qu’Hitler ait pu manquer des qualités nécessaires pour devenir un simple adjudant, mais posséder celles, très différentes et nettement plus rares, pour conduire un parti politique— ce ne sont pas exactement les mêmes.
Non, pour Lewis, l’adjudant Wiedemann ne saurait s’être trompé, et ses paroles sont à prendre au pied de la lettre.
En fait, toute cette histoire repose sur deux déclarations douteuses prises au pied de la lettre, sans aucune évaluation critique, gobées avec une crédulité consternante et sur lesquelles l’imagination de Binion Lewis etc a rajouté des hypothèses rocambolesques dont aucun indice ne permet même d’envisager la simple possibilité.
Au moins, Alexandre Dumas ne prétendait pas être un historien >:( .


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 Sujet du message : Re: La santé d'Hitler
Message Publié : 07 Août 2011 2:39 
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Grégoire de Tours
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Je salue à peu près un message de vous sur deux mais apparemment ce n'est pas symétrique et ne prend pas le chemin de l'être : vous me dénigrez en bloc pour délit d'opinion.

Le problème récurrent, c'est que ce n'est pas la mienne. Je n'adhère ni à tout Lewis, ni à tout Binion et n'ai rien dit pour ma part du témoignage de Wiedemann. Dont, soit dit en passant, vous semblez ignorer que ce n'est pas un simple adjudant de la PGM mais, de 1935 à 1939, l'un des plus proches collaborateurs de Hitler doublé d'un mari adultère sur ordre, poussé par son maître dans les bras de la "princesse" Stephanie von Hohenlohe (sans rapport apparent avec le Max qui nous occupe ailleurs un max) puis envoyé comme diplomate (et comme faux résistant) aux Etats-Unis et en Chine.

J'ai toujours, comme Binion après avoir interrogé ses proches, trouvé vraisemblable que Forster se soit suicidé et l'ai dit ici. Alors, quand, dans un post censé me répondre, vous en faites des tonnes pour contredire Lewis qui, lui, penche pour le meurtre, cela s'appelle du remplissage et de la diversion.

Sur le point précis auquel vous avez fini par répondre après deux relances en m'engueulant comme du poisson pour icelles, j'ai simplement dit que l'argument "pourquoi Forster aurait-il conservé ce dossier?", dont vous vous étiez abondamment servi, ne valait pas grand chose puisque, écrivant des articles sur ses patients, il conservait force dossiers.

Je le maintiens mais je me garderai bien de vous redemander si vous persistez.

Je vous donne raison sur un point : je serais un parfait abruti si je prétendais que ce psy a transformé par hypnose un raté en leader. Je vous rappelle que je n'ai parlé de rien d'autre que d'un déclenchement de psychose.


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 Sujet du message : Re: La santé d'Hitler
Message Publié : 10 Août 2011 8:59 
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Jean Mabillon
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Dont, soit dit en passant, vous semblez ignorer que ce n'est pas un simple adjudant de la PGM mais, de 1935 à 1939, l'un des plus proches collaborateurs de Hitler doublé d'un mari adultère sur ordre, poussé par son maître dans les bras de la "princesse" Stephanie von Hohenlohe (sans rapport apparent avec le Max qui nous occupe ailleurs un max) puis envoyé comme diplomate (et comme faux résistant) aux Etats-Unis et en Chine.


Comment pourrais-je l’ignorer ? Ne serait ce que parce que Lewis consacre environ une page et demie à détailler la carrière de Weidemann dans son livre.
Vous par contre, n'avez manifestement pas lu le livre de Lewis, sinon vous ne m'accuseriez pas d'ignorer qui est Weidemann.
Un seul autre point de la carrière nazie de Weidemann—qui est un second rôle du nazisme-- me parait justifier d’être versé au débat, parce qu’il confirme les doutes sur la solidité de son jugement : le fait que lorsqu’il était consul à San Francisco (jusqu’à son renvoi par les autorités américaines en 41), il ait fait étalage de façon flamboyante et provocatrice de ses convictions nazies.
Enfin, il est intéressant de souligner que l’hypothèse de Lewis sur la métamorphose d'Hitler en leader à Pasewalk repose en fait sur une version tronquée du témoignage de Weidemann et des autres officiers de son régiment sur Hitler: la raison principale de la surprenante non-promotion d’Hitler a un grade supérieur, bien qu’il ait été considéré comme un excellent soldat, est surtout due au fait qu'il était vu par ses supérieurs comme un « bohémien », un artiste fantasque et non comme un vrai militaire.
Ce n'est donc pas le fait qu'il ait manqué de leadership qui était en cause, plutôt qu'il n'était pas considéré comme suffisamment sérieux et stable pour qu'on lui confie certaines responsabilités.

Citer :
Je vous donne raison sur un point : je serais un parfait abruti si je prétendais que ce psy a transformé par hypnose un raté en leader. Je vous rappelle que je n'ai parlé de rien d'autre que d'un déclenchement de psychose.


Pas exactement, vous minorez habilement votre thèse maintenant mais je me permets de de vous rappeler ce que vous avez posté plus haut :

Citer :
Et comme je suis patient je renouvelle ma demande : quelle est votre explication de la métamorphose du rêveur solitaire en meneur d'hommes méthodique ?


« meneur d’hommes méthodique » et « psychotique » , c’est tout de même un peu différent :mrgreen: .

Citer :
Le problème récurrent, c'est que ce n'est pas la mienne. Je n'adhère ni à tout Lewis, ni à tout Binion et n'ai rien dit pour ma part du témoignage de Wiedemann.


Vous n'êtes pas au centre de mes préoccupations Mr Delpla. La plupart du temps, j'interviens sur ce fil non pas pour vous répondre mais --comme vous l'avez vous même souligné--en monologuant, simplement pour verser au débat les informations que j'ai glanées dans les quelques livres que je viens de lire qui sont les références essentielles sur l'affaire de Pasewalk.


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 Sujet du message : Re: La santé d'Hitler
Message Publié : 10 Août 2011 10:26 
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Grégoire de Tours
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Non, je ne me suis contredit à aucun moment sur ce coup. Et quand je change une de mes opinions, je le dis, le repli élastique n'est pas mon genre. Ce que vous décrétez contradictoire ne l'est nullement.

L'intérêt de la brèche ouverte par Binion, c'est avant tout de poser (après Deuerlein cependant) le diagnostic d'une métamorphose, et d'en esquisser l'explication. Une énorme quantité d'ouvrages voient le "devenir soi-même" de Hitler comme un processus progressif, commencé bien avant la guerre et au plus tard dans les débuts de son installation à Vienne. La cure de Forster joue d'après lui un rôle de déclencheur, et c'est une caricature que de prétendre qu'il présente cela comme une mue instantanée et complète. Et d'ailleurs, quand bien même : s'il prétendait cela il aurait simplement tort, comme il a tort sur le docteur Bloch, et il faudrait simplement laisser de côté cela dans son apport. Dont l'essentiel est de documenter, encore une fois, ce moment déclencheur.

Il ne s'agit pas d'une source unique... puisqu'il y a Mein Kampf, où Hitler dit lui-même que le moment "Pasewalk" a été décisif. Mais comme il dit aussi qu'il était antisémite vers 1910 (de façon assez confuse puisqu'il parle aussi d'un long combat intérieur pour le devenir vraiment... dont le dénouement nous ramène vers Pasewalk) nous ne ferons pas l'économie d'une réflexion sur ce qu'on doit prendre et laisser dans Mein Kampf.

Personnellement, avec l'aide de Binion, je résous la chose ainsi : Hitler n'est pas du tout antisémite avant la guerre et le devient vraiment dans le contrecoup de la défaite et de son séjour à Pasewalk. Ses lectures antérieures (Wagner, Lueger, Schopenhauer...) l'avaient familiarisé avec la question et expliquent la rapidité et la sûreté de sa conversion. Mais le fait qu'elle se déroule dans le cadre d'un déclenchement psychotique donne à son antisémitisme des couleurs tout à fait inédites, qu'on réduit ordinairement (quand on se pose la question, ce qui est assez rare) à une "plus grande radicalité". Mais c'est très insuffisant. Il y a vraiment quelque chose de personnel entre lui et les Juifs et, par projection, entre l'Allemagne et les Juifs, qu'on ne retrouve chez aucun précurseur.


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 Sujet du message : Re: La santé d'Hitler
Message Publié : 10 Août 2011 13:52 
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Grégoire de Tours
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Inscription : 09 Jan 2005 18:30
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J'ignorais que Binion était mort en mai dernier. Sa nécrologie sur le site de son université est entièrement muette sur Hitler !
http://www.brandeis.edu/now/2011/may/binion.html


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 Sujet du message : Re: La santé d'Hitler
Message Publié : 13 Août 2011 16:50 
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Plutarque
Plutarque

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Je ne sais pas si le sujet a déjà été traiter ici, car je vois surtout que vous aviez parlé de l'état psychologique de Hitler, mais j'aimerais savoir une chose sur la santé de Hitler, avait il la maladie de Parkinson ? J'en ai souvent entendu parler car son bras gauche tremblait beaucoup vers la fin, mais est ce vraiment la maladie de Parkinson ? Car ça à commencer il me semble quand l'Allemagne a connu ses premières défaites, de plus à mon avis l'état de Hitler ne devait pas être génial, il devait être fatigué, les nerfs sur le vif, les cocktails de cocaïne que lui donnait Theodor Morell n'ont rien aidé, tous ses facteurs on peut être provoqué ses signes.


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 Sujet du message : Re: La santé d'Hitler
Message Publié : 21 Août 2011 18:42 
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Grégoire de Tours
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Le diagnostic de son Parkinson est au moins aussi indirect que celui de sa folie.

Pour en revenir à ce dernier, je m'inscris décidément en faux contre la façon dont certains traitent les travaux de Rudolph Binion.

Pour ma part, je fais une distinction radicale entre ses découvertes sur le séjour de Hitler à Pasewalk et le reste de ses écrits sur le nazisme ou de ses écrits tout court.

Le fait que sa nécrologie, élaborée par ses collègues de l'université Brandeis, ne comporte pas le nom de Hitler en dit long. Pour lui, le nazisme était non un objet central d'études, mais un exemple des possibilités de l'instrument, voire de la science, qu'il pensait avoir inventée, à savoir la psycho-histoire.

Il semble bien avoir considéré sa "découverte" concernant le traitement de Klara Hitler par l'iodoforme, pratiqué par le dr Bloch -un traitement douloureux, dégageant une forte odeur de gaz- et surtout les conséquences de ce traitement sur le psychisme de Hitler (comme source originelle de sa haine des Juifs, puis de leur gazage) comme aussi importante que ce qu'il a trouvé sur la cure de Forster à Pasewalk. Tel n'est certes pas mon cas.

Parmi les qualités qu'il ne faut pas lui marchander, se trouve la capacité de réunir sur tout sujet qu'il étudie une documentation impressionnante, à la fois sous forme de documents inconnus et de bribes significatives dans des documents connus. Son annexe 1 (dans le livre de 1976) sur les différentes façons dont Hitler a raconté Pasewalk est de ce point de vue exemplaire et fort intéressante. Elle ne laisse rien debout de l'affirmation suivant laquelle il aurait "tout déduit" du témoignage de Mehring.

Concernant Weiss, il y a effectivement une erreur dans ce témoignage puisque l'écrivain tchèque est censé avoir été présent à Paris en 1933 alors qu'il n'y est arrivé que l'année suivante. Pense-t-on vraiment que ce genre d'erreur invalide ce qu'il dit sur l'apport par Forster d'un dossier médical dans un cercle d'émigrés ?

Donc, oui, tout bien pesé, je trouve ce récit crédible, et de nature à accréditer l'hypothèse d'une cure administrée par Forster, consistant à créer ou au moins à renforcer chez Hitler l'idée d'une mission de sauveur de l'Allemagne. Et surtout, de nature à expliquer, ce qui n'avait jamais été fait avant et n'a guère avancé depuis, son entrée en politique par un déclenchement de psychose, lui donnant à la fois une assurance toute nouvelle et une croyance indestructible dans le principe "Ce sera les Juifs ou nous".


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 Sujet du message : Re: La santé d'Hitler
Message Publié : 21 Août 2011 20:21 
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Grégoire de Tours
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PS.- Plusieurs d'entre nous, dont moi, ont écrit ou laissé entendre que Binion n'avait pas au départ une formation d'historien. Je pensais sans doute pour ma part, sans avoir trop approfondi, à une formation dans le domaine de la psy, l'un de nous avait parlé d'une profession de juriste... En fait, il a eu un départ on ne peut plus classique, faisant même une sorte de thèse sur des politiciens français (Caillaux et Tardieu notamment), séjour parisien à la clé, puis il s'est souvenu qu'il avait un père autrichien et tourné vers le monde germanique en écrivant sur Lou Andreas-Salomé, ce qui l'a amené à Freud.


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 Sujet du message : Re: La santé d'Hitler
Message Publié : 28 Août 2011 12:06 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

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Binion était bien professeur d'histoire à Brandeis, et il a écrit de nombreux livres d'histoire, touchant à des sujets très divers et des périodes très différentes.
J'ai terminé depuis quelque temps son livre "Hitler Among the Germans", qui est une des références dans l'histoire de Pasewalk.
En fait, l'histoire de Pasewalk tient très peu de place dans ce livre, qui par ailleurs n'est pas entièrement inintéressant ;
mais d’une part il est écrit dans un anglais souvent alambiqué, jargoneux, lourd et peu élégant.
Et surtout sa méthode historique suscite d’importantes réserves.
C'est la caractéristique de la psychanalyse de proposer des interprétations de comportements humains, décodés à partir de postulats théoriques préétablis—d’ailleurs contestables et contestés.
C’est ce qu'est censé faire un psychanalyste, mais ce qui lui est demandé avant tout, c'est un résultat thérapeutique, autrement dit une amélioration de l'état psychologique du patient ; le résultat thérapeutique est en quelque sorte la preuve par neuf qui le dispense de prouver l’exactitude de ses hypothèses de travail—qui sont improuvables la plupart du temps de toute façon .
IL n’en va pas de même avec l’historien qui , lui, est tenu d'étayer ses hypothèses.
Or le problème est que Binion fait de la psycho-histoire et donc utilise une approche psychanalytique dans son travail d'historien. Cette dimension interprétative est l’axe de son travail, aux dépens de l’établissement de la véracité des faits, ce qui fait que son livre comporte plusieurs erreurs factuelles de taille, ce qui est gênant.
Un exemple parmi d’autres de ces erreurs : le fait qu’il reprenne la légende de Weiss élève de Freud à Vienne ; Weiss est très influencé par Freud mais n’a jamais été son élève. Mais cette légende cadre avec la thèse de Binion, donc il ne se pose pas la question de son exactitude--et ce n’est pas la seule de ses hypothèses basée sur des erreurs factuelles.
Il a aussi une facheuse tendance à ne retenir des éléments de la biographie d'Hitler que ceux qui cadrent avec ses interprétations.
Et surtout, dans ses analyses, il confère à de pures spéculations interprétatives, souvent bizarres et saugrenues, le même statut qu’à des faits avérés et se contente d’affirmer avec autorité les thèses assez délirantes qu'il propose, dont Mr. Delpla donne un exemple assez typique ci-dessus: que Hitler a fait gazer les juifs parce que le traitement à l'iodoforme utilisé par le docteur juif, Bloch, qui a soigné sa mère, répandait une forte odeur—d’où l’association entre gaz et juifs : avec les chambres à gaz, Hitler leur rend la monnaie de leur pièce.
Or Binion n’a pas l’air de savoir que l’iodoforme, dans la médecine d’il y a un siècle, était l’antibiotique par excellence, encore plus répandu que la pénicilline de nos jours, celui qu’on utilisait constamment pour désinfecter les blessures et les cicatrices dans les hopitaux, les dispensaires, les cabinets médicaux.
Tous ces endroits sentaient habituellement l’iodoforme, et en toute probabilité Hitler l’avait déjà senti avant que sa mère ne soit traitée à l’iodoforme par le docteur Bloch pour le cancer dont elle souffrait et suite à son opération (le cancer était généralement vu comme une maladie infectieuse à l’époque).
Cette association iodoforme/juifs/chambres à gaz est donc plutôt capillotractée
Pour vous donner une idée du caractère souvent hautement fantaisiste des thèses de Binion, le mieux est de citer des extraits de son livre :

« Son antisémitisme (de Hitler) était une réaction à la culpabilité ressentie suite à l’agonie de sa mère en 1907 causée par le traitement administré par Bloch qu’il avait exigé. Cette réaction, longtemps réprimée, a ressurgi suite au gazage (au gaz moutarde NDLT) qui lui a rappelé l’agonie de sa mère—un rappel d’une intensité traumatique qui l’ a forcé à revivre l’expérience non assimilée qui le sous-tendait ».
Pourquoi son gazage lui rappelerait-il l’agonie de sa mère ? L’iodoforme a une odeur particulière mais ce n’est pas un gaz.

Variante sur ce thème : « le trauma qui le poussait contre les juifs découlait de sa violence aimante de 1907 contre la poitrine coupable de sa mère, ou plutôt contre ses excroissances cancéreuses ».

« Sa mère lui a donné le sein, et il l’a sucé de façon suffisamment prolongée et libidineuse pour développer une fixation sur les seins (de sa mère) au stade oral agressif qui succède à la poussée des dents ».D’où, selon Binion, un trauma aigu lié à une vive culpabilité lorsque sa mère est morte justement d’un cancer du sein.
« Son développement émotionnel (d’Hitler NDLT) a été essentiellement arrêté à la période où il était encore nourri au sein subséquente à la poussée de ses dents. De cette oralité agressive découlent ses tirades frénétiques, de même que ses envies de sucre, et ses phobies anti-tabac, anti-alcool et anti-viande plus tard. De là découle aussi sa soif de conquête et d’assimilation brutale, poussé qu’il était dans ces entreprises extérieures par le désir de retrouver le bonheur d’être nourri au sein ressenti par le nourisson et de se dissoudre dans le monde qu’il absorbe ».
« Universalisant son agressivité orale dans sa course conquérante vers l’Est, …il a projeté la conquête des territoires de l’Est au-delà d’elle-même, vers une conquête mondiale, bouclant ainsi le cercle le ramenant à l’état d’extase totale ressenti contre la poitrine de sa mère ».
Désolé, mais je ne vois pas pourquoi le projet de conquête mondiale attribué à Hitler est un retour au sein maternel.
Le cancer de Klara est lui-même une conséquence d’une « expérience de séparation majeure dans l’enfance », Klara a « perdu deux deux frères et une sœur successivement avant d’atteindre l’âge de 32 mois ».

Je pourrais multiplier les exemples. Il est possible que Binion ait été un historien décent à ses débuts, lorsqu’il a travaillé sur Tardieu. Malheureusement, sa rencontre avec la psychanalyse lui a été fatale—j’ai plusieurs fois constaté personnellement les ravages que pouvait causer la psychanalyse prise à la lettre sur des esprits influençables et mal structurés :mrgreen: .
Je reconnais à Binion (rétrospectivement) le droit absolu d’échafauder les hypothèses psychologiques les plus délirantes sur tel ou tel personnage historique. Simplement, si c’est de la psycho, ça n’est plus de l’histoire car par définition, l'historien ne cherche jamais à faire disparaître la frontière qui sépare ses hypothèses des faits.


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 Sujet du message : Re: La santé d'Hitler
Message Publié : 28 Août 2011 14:14 
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Grégoire de Tours
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Inscription : 09 Jan 2005 18:30
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Je suis largement d'accord avec ce qui précède mais nous ne sommes pas, je crois, dans un fil sur Binion : nous causons de la santé mentale de Hitler. D'une manière plus générale, il convient non pas d'argumenter à partir du talent ou de la valeur globale d'un historien, mais de considérer des questions et de prendre ici ou là ce qui convient pour instruire chacune.

En l'occurrence, les passages de Binion sur Pasewalk sont clairs et pertinents. Il montre de façon pionnière, mais en cohérence avec une documentation impressionnante, dont force textes hitlériens interprétés avec méthode, qu'il y a là une période fondatrice. Il ne parle pas de "psychose déclenchée", il a tort de voir là la résurgence d'un trauma adolescent (la mort de la mère) plutôt que d'une structuration beaucoup plus précoce, mais on peut prolonger sa découverte dans ce sens.

Sa démarche d'historien est également pertinente et prudente dans la collecte et l'utilisation des éléments permettant de relier le roman de Weiss aux agissements de Forster, tant en 1918 qu'en 1933. Il y a là tout autre chose qu'une foi aveugle dans le seul témoignage de Mehring, au demeurant double : d'abord ses mémoires, puis son interview directe par Binion, en 1975.


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 Sujet du message : Re: La santé d'Hitler
Message Publié : 28 Août 2011 15:03 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 04 Juin 2006 12:47
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Citer :
En l'occurrence, les passages de Binion sur Pasewalk sont clairs et pertinents. Il montre de façon pionnière, mais en cohérence avec une documentation impressionnante, dont force textes hitlériens interprétés avec méthode, qu'il y a là une période fondatrice. Il ne parle pas de "psychose déclenchée",


Pas vraiment, il est aussi fantaisiste sur Pasewalk qu'ailleurs--et pourquoi en serait il autrement? Sa méthodologie reste la même à travers le livre, et c'est cette méthodologie --qui est psychanalytique et non historique et qui en conséquence ne distingue pas fonctionnellement entre spéculation et information vérifiée/vérifiable, qui pose problème.
Je n'ai pas le temps d'y revenir aujourd'hui mais j'essaierai dès que j'aurai un moment.


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