Je crois que dans le
Quid 1982, entre les pages 1358 et 1394, le sujet était évoqué MAIS dans l'exemplaire que j'ai entre les mains, lesdites pages ont été perdues à cause de manipulations trop fréquentes (
), dooonc je n'ai rien d'autre.
Alexandre de Marenches avait sorti un atlas de géostratégie vers la fin des années 1980, avec, crois-je encore me souvenir, les axes d'attaques du pacte de Varsovie. MAIS comme il ne m'appartenait pas, j'ai dû le rendre comme de juste à son légitime propriétaire, lequel vit désormais au Japon.
Il y avait aussi un roman d'anticipation anglo-saxon narrant (et intitulé, je crois, la troisième guerre mondiale,
The Third World War) l'attaque du bloc soviétique en 1979 ou 1980. Ecrit par un général anglo-saxon, donc, il reprenait tout ce que j'avais pu recouper ici et là en matière de plan d'attaque soviétique.
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Dans l'ensemble et d'après mes souvenirs, le plan d'attaque soviétique excluait l'échange de tirs nucléaires, tant de leur part que de celle des Occidentaux. La France était sanctuarisée par sa force de frappe mais le doute subsista quant à l'extension de son parapluie nucléaire à la RFA. Ce qui est clair, c'est que les bombardements nucléaires annulaient l'intérêt des scénarios basés sur l'emploi d'armes conventionnelles puisqu'alors la "destruction mutuelle assurée", incluant ou non la RFA via la France, devenait l'issue de tous les scénarios.
Quant aux armes et combats conventionnels, l'URSS prévoyait de submerger la RFA (puis le Danemark et le Benelux) par des dizaines de divisions blindées et mécanisées. La résistance des armes occidentales pouvait bien supprimer des milliers de chars, il en restait encore des milliers d'autres derrière. Les premières vagues de chars, censées essuyer les pires pertes, étaient constituées de chars d'avant-dernière génération (T-68 à l'époque) ou plus anciens (T-54/55), accompagnés d'infanterie mécanisée pour nettoyer les résistances armées et civiles derrières les lignes enfoncées. Le tout précédé d'une innombrable artillerie et d'une aviation censée équilibrer par le nombre la qualité et l'entraînement des aviations occidentales.
Les tanks les plus modernes (T-72 puis T-80), suivis des tanks les plus anciens et du gros des forces mécanisées, donnaient le coup de grâce et prenaient le contrôle des populations occupées.
Se posait alors le problème de l'occupation. Qui se résume encore à ceci : pourquoi les Roumains flattaient-ils l'orgueil français en apprenant le français à l'école ? Réponse cynique : chaque pays du pacte de Varsovie était chargé d'occuper un grand pays de l'Europe occidentale. Les enfants roumains apprenaient le français à l'école (ça s'est subitement arrêté après la déposition des Ceausescu)
parce que des stratèges soviétiques avaient projeté que des troupes roumaines se spécialiseraient dans l'occupation de la France. La RDA devait s'occuper de la RFA et cherchez quel pays apprenait l'anglais (la Pologne, je crois) ou l'italien à l'école pour occuper vous-savez-qui.
Bien sûr, il y avait les alliés locaux, les cinquièmes colonnes, les "traîtres". En France, il s'agissait du vivier du PCF et de la CGT. Un ancien espion soviétique interviewé dans un
Point à la fin des années 1980 expliquait que les troupes parachutistes soviétiques avaient un carnet d'adresses de cadres du PCF censés les cacher aux autorités françaises le temps de reconstituer des unités plus importantes pour frapper les troupes de l'Otan par derrière. (Marie-George, si tu m'entends, tu répondras sûrement qu'il s'agit d'histoires anciennes...)
Et ces cinquièmes colonnes (tels ces membres affiliés au PCF et à la CGT) massaient des armes, anticipaient des sabotages, grèves, manifs, émeutes, soulèvements opportuns pour neutraliser médias, exécutifs, industries, etc. dans les pays occidentaux conquis ou en voie de l'être.
Ca pouvait toujours servir de plan B pour neutraliser la France et sa force de frappe MAIS l'indépendance et la sûreté de la force de frappe nucléaire française a toujours constitué une douloureuse inconnue dans le plan d'invasion soviétique, qui n'a en fait jamais été lancé.
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Dans le reste du monde :
Théâtre européen : accrochages en Scandinavie (Norvège), éviction des pays neutres par ailleurs montagneux (Finlande, Suède, Suisse, Autriche, Yougoslavie) avec, peut-être, invasion quand même de l'Autriche pour aller chatouiller les Italiens, haro sur la Grèce et la Thrace via la Bulgarie et la mer Noire, déboulement sur l'Iran (avant la chute du shah), la Turquie et Israël avec les fidèles alliés syriens et irakiens qui mettraient, cette fois, un bémol sur leurs inimitiés réciproques. Après, si possible, réduction de l'Egypte et des pétromonarchies.
Asie du Sud-Est : regain d'accrochages entre l'Inde et le Pakistan, accrochages entre la Thaïlande et le Vietnam mais pas trop pour ne pas dégarnir le Vietnam face à la Chine.
Extrême-Orient : divisions soviétiques et mongoles pour dissuader une attaque de la Chine par derrière, + théâtre afghan à relier avec le Pakistan après 1979, reprise de la guerre de Corée, bombardement du Japon.
Océans : des nuées de sous-marins soviétiques quadrillent les océans pour couper toutes les voies commerciales entre l'Amérique du Nord et le reste du monde. Les marines occidentales se partagent en missions de convoi, de lutte anti-sous-marine et de traque des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins soviétiques.
Amérique latine : invasion ou neutralisation plus probable car suffisante par blocus de Cuba, polarisation des guérillas marxistes (Nicaragua, Colombie, Pérou).
Afrique : amplification des guerres dans la Corne africaine (Soudan, Ethiopie, Somalie) et l'Afrique australe (Angola, Namibie, Afrique du Sud, Mozambique). Renversement ou soumission des régimes pro-soviétiques algériens et libyens à l'aide des alliés marocains et égyptiens.
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L'axe principal de l'effort soviétique est l'invasion de l'Europe du Nord et la main mise sur son appareil industriel et sa technologie. Je pense qu'une invasion de la France, de l'Angleterre, de l'Europe du Sud et du reste du monde aurait souffert une pause de prise en main.
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Un des documents cités plus haut (le
Quid 1982 ou l'ouvrage de De Marenches) précisait que les bouches d'artilleries occidentales et pro-soviétiques en Europe étaient si nombreuses et leurs munitions, pas en nombre suffisant, de sorte qu'en tirant toutes en même temps à pleine cadences elles se trouveraient à court de munitions au bout de quelques minutes. (Possible que des géniaux géostratèges aient snobé ce point de détail...)
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Tout ceci est devenu un vieux cauchemar virtuel et pourtant réellement planifié par des gens malveillants. Je n'y pense plus qu'en revoyant la tête des cadres du PCF ayant adhéré
avant 1989...