Comme le rapport des Allemands de l’Est à l’administration fédérale et leurs réactions face au consumérisme ont été évoqués dans ce sujet (ou dans celui qui est consacré à l’Ostalgie) je porte à votre connaissance des témoignages extraits du livre Kristel Le Pollotec, Allemagne de l’Est, la frontière invisible paru en 2004 (éd. Bartillat).
Bien sûr, d’une part j’ai sélectionné les extraits (d’autres personnes sont moins réticentes vis-à-vis du capitalisme), d’autre part, il s’agit d’un livre basé sur quelques témoignages et non d’une étude.
Page 71 : « Heike, 35 ans, metteur en scène et comédienne, a le sentiment d’avoir eu à l’époque beaucoup plus de temps pour les autres. « on était pas sans cesse préoccupés par notre carrière, par l’argent. Bien sûr, certains faisaient une carrière professionnelle, mais ce n’était pas omniprésent. Et puis, nous n’étions pas sans cesse sollicités comme aujourd’hui. Les rues étaient beaucoup plus calmes, il y avait beaucoup moins de voitures, et ces espaces vides laissaient l’esprit libre ; on était pas parasités par des affiches de publicité, ni par ces choses qu’il faudrait absolument acheter, on en éprouvait, un sentiment de bien-être. Aujourd’hui, le monde est si proche, on dirait qu’il te colle à la peau, parfois c’est agréable, d’autres fois, beaucoup moins. »
Page 77 : « « la première fois que j’ai reçu une facture, avec l’enveloppe découpée pour faire apparaître l’adresse, après la chute du mur, se souvient Klemens, je ne savais même pas ce que c’était. A l’Est, tout était débité automatiquement, et de toute façon, le gaz, l’électricité, le téléphone, tout était tellement peu cher que même si tu ne payais pas, ça n’avait pas d’importance. On n’était pas habitué à s’en occuper. Les aides sociales, les bourses d’étudiants, la retraite, on n’avait pas à s’en soucier. J’en ai parlé ensuite avec d’autres gens de ma génération, et je me suis rendu compte qu’on était nombreux a voir eu des problèmes avec l’argent dans ce nouveau système. » Ce sentiment d’étrangeté vis-à-vis de l’argent se retrouve également dans le rapport à la consommation. « On a découvert la « vie à crédit » et on a au début dépensé beaucoup d’argent : des vêtements, des voitures, des choses pour l’appartement. Et puis, on s’est aperçu que ça n’avait pas de sens, dit Angelika. On a pas besoin de posséder autant de choses matérielles. C’était la pub aussi, on voulait tout essayer. Mais maintenant, cette consommation est devenue comme une agression. Avant il n’y avait que six sortes de shampoings, mais cela suffisait bien. A présent, quand je vais au supermarché, j’achète toujours les mêmes marques, comme je faisais avant. »
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