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Message Publié : 15 Nov 2009 14:03 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Inscription : 26 Déc 2005 21:13
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Localisation : Metz
Faget a écrit :
J'avais lu, un jour , que le marxisme avait échoué, car Marx estimait que l'Homme est naturelment bon et rationnel. Ce qui est une aberration, si on regarde quotidiennement autour de soi.. En ce sens , je rejoins Tonnerre.


Entièrement d'accord avec cela!
C'est d'ailleurs, à mon avis, le propre des utopies. Je me souviens qu'il y a longtemps sur ce forum, je ne sais plus quel membre faisait l'apologie de l'ultra-libéralisme et de la disparition totale de l'État. Selon lui, ce serait à terme égalitaire, que les services "publics" seraient parfaitement assurés par le privés, notamment par des œuvres charitables non "forcées, car les plus riches lèguerait leur argent à des fondations et non à leurs enfants, ces derniers devant faire leurs preuves par leur seul mérite.
Là aussi, quelle utopie! Finalement pas si loin de celle de Marx, avec l'entraide et la disparition de l'État. Et, là aussi, c'est partir du postulat délirant que l'homme est bon et penserait au bien de tous plutôt qu'au sien ou celui de ses enfants.

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«L'humanité est comme un paysan ivre à cheval: quand on la relève d'un côté, elle tombe de l'autre.»
(Martin Luther)


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Message Publié : 15 Nov 2009 14:06 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Inscription : 23 Oct 2004 9:14
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Localisation : village des Pyrénées
Citer :
Marx est un penseur du XIXe et ses suiveurs (ou ceux qui ont trahi sa pensée selon l'axe où l'on se place) sont des penseurs du début XXe s. Il n'est pas très surprenant que, malgré l'originalité de leur pensée, ils raisonnent en terme national
Mais ses prédécesseurs (en tout cas certains) pensaient à des organisations autres que par la nation. Principalement :
- Pierre Leroux (précurseur, assez confus)
- Saint-Simon
- Prosper Enfantin
- Charles Fourier et ses phalanstères (puis familistères, voir les poëles)
- Owen (en Angleterre), Buchez (en France) théoriciens de la coopération ouvrière
- Etienne Cabet
- Puis bien sur Proudhon.

Ces socialistes se disent eux-même "utopiques", mot pas encore synonymes de "impossible à réaliser", mais inspiré de la République de Platon.

Le socialisme dit "scientifique" arrive plus tard, et s'intéresse alors à la prise de pouvoir au niveau national (Blanqui, puis Marx et Engels). Ils rejettent violemment les précédents.

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"La vie des hommes qui vont droit devant eux, renaitraient-ils dix fois en dix mondes meilleurs, serait toujours semblable à la première. Il n'y a qu'une façon d'aller droit devant soi." (Pierre Mac Orlan)


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Message Publié : 15 Nov 2009 14:13 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Inscription : 23 Oct 2004 9:14
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Localisation : village des Pyrénées
Citer :
Le communisme a-t-il réellement existé ?

Je crois qu'on s'est bien compris là-dessus, tous.
Juste un témoignage actuel, pour dire que "quelque chose" existe (son nom ? une utopie ?) :
Je suis coopérateur dans une organisation qui finance (pour des montants non négligeables) des créations d'entreprises, sur des critères éthiques (la notre, d'éthique, bien sur). Et bien notre investissement (personnel) dans cette structure est partiellement déductible de l'impôt sur le revenu ... et de l'impôt sur la fortune ! Tout ça pour dire que des gens qui paient l'impôt sur la fortune, donc pas des pauvres, participent à ces utopies. Et heureusement, du point de vue de l'efficacité financière :rool:

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Message Publié : 15 Nov 2009 14:14 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 04 Juin 2006 12:47
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Localisation : Centre
"A chacun selon ses besoins" ...
Sur le plan juridique, le besoin ne saurait constituer un droit. Qu'est ce qui distingue le besoin, ce qui est vraiment indispensable à la survie d'un individu, du superflu? Qu'est-ce qui empêche, si l'on pose que le besoin donne des droits, de poser un droit à la possession d'un téléphone portable, d'un ordinateur ou d'un 4/4? Et même le droit à la satisfaction des besoins sexuels, de tous les besoins sexuels y compris criminels tant qu'affaire? Et si le besoin est un droit, comment ne pas tolérer les violences, délits ou crimes qui sont commis pour satisfaire ce droit? (voler les biens auxquels on estime avoir droit, violer, etc).
Sur le plan économique, dans une économie de type "à chacun selon ses besoins", chaque individu transfère la responsabilité de sa maintenance économique sur la collectivité (responsabilité qui, en système libéral incombe à chaque individu adulte et apte, selon le principe (théorique) "à chacun selon son travail et ses capacités").
C'est à dire en fin finale qu'il compte sur d'autres individus pour assurer sa subsistance, individus qui comptent identiquement sur d'autres individus pour les prendre en charge. Ainsi, en poussant ce système à ses ultimes conséquences, plus personne ne s'assume économiquement, on se repasse la responsabilité économique comme un mistigri; indéfiniment reportée, elle n'est plus nulle part et se dissout dans le collectif.
Il est suicidaire économiquement de poser en principe que des individus capables de travailler mais non-productifs puissent se faire prendre en charge économiquement sur la base de leurs seuls besoins par ceux qui travaillent. Dans son principe même, le marxisme voue ainsi les sociétés qui l'adoptent à l'échec économique et à la ruine en posant qu'un individu stupide et paresseux doit recevoir de la société la même rétribution (ou presque) que celle que d'autres individus obtiendront par leur intelligence et par leur travail. Dans l'absolu, cette postulation dévalorise et décourage le travail, l'étude, l'initiative individuelle et l'esprit d'entreprise; individuellement elle promeut la dépendance économique et l'assistanat et globalement elle conduit à la régression économique.
Enfin, sur le plan éthique, il est parfaitement immoral de rétribuer au même niveau un individu intelligent, entreprenant et travailleur et un individu stupide et flemmard sous prétexte qu'ils ont les mêmes besoins. Le marxisme serait donc dans son principe même un encouragement au vice :mrgreen: , en tout cas à l'irresponsabilité, à la paresse et à la passivité.
Ceci n'est pas une déviation par rapport au sujet, ces considérations visent à mettre en lumière que le marxisme est surtout inappliqué parce qu'inapplicable. Et que Karl Marx a deux visages: pénétrant analyste des réalités économiques d'une part et visionnaire chimérique et marchand de "pie in the sky" de l'autre.


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Message Publié : 15 Nov 2009 14:15 
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Fustel de Coulanges
Fustel de Coulanges
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Localisation : Lorrain en exil à Paris
Je connais très mal la plupart de ces penseurs. Proposent-ils un système global?

La vertu de Marx est qu'il est une boîte à outils formidable pour penser l'histoire, la société. Il analyse, explique, fourni des clefs et envisage des solutions. Quoi demander de plus? Et sa diffusion s'explique justement du fait qu'il envisage fortement le cadre national.

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"[Il] conpissa tous mes louviaus"

"Les bijoux du tanuki se balancent
Pourtant il n'y a pas le moindre vent."


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Message Publié : 15 Nov 2009 14:26 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Inscription : 23 Oct 2004 9:14
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Localisation : village des Pyrénées
Citer :
Proposent-ils un système global?

Non, justement.
Ils écrivent (en résumé, avec des variantes et des contradictions entre eux) que le système politique global est largement inefficace, et accompagne la réalité (sociale, économique) plutôt que l'organiser. Ils ne contestent même pas ce niveau (politique)(Fourrier est royaliste), ils ne s'y intéressent pas. Ils proposent des organisations sociales dans des collectivités humaines naturelles (la famille, l'école, l'entreprise, le commerce), chaque individu pouvant appartenir à plusieurs en même temps. Exemple : je peux être (ou pas) coopérateur de production (entreprise), être (ou pas) coopérateur de consommation (magasins coopératifs), dans le domaine de l'épargne (très fort en Euskadi), etc.
D'ailleurs, historiens, sociologues et autres politologues, n'êtes vous pas trop attachés à l'étude de ce cadre global (national), et ignorants de réalités plus locales ? (et plus pragmatiques)
Sondage (sans utiliser Google SVP) : Tout le monde connait l'Espagne. Tout le monde connait l'ETA. Mais qui connait Mondragon ? (indice : Fagor)

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Message Publié : 15 Nov 2009 14:33 
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Fustel de Coulanges
Fustel de Coulanges
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Inscription : 15 Nov 2006 17:43
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Localisation : Lorrain en exil à Paris
Dédé a écrit :
D'ailleurs, historiens, sociologues et autres politologues, n'êtes vous pas trop attachés à l'étude de ce cadre global (national), et ignorants de réalités plus locales ? (et plus pragmatiques)


Vaste question qui déborde largement les thématiques communistes. A mon avis, la nation est le facteur commun qui draine l'histoire globale de l'humanité depuis la fin du XVIIIe s. jusqu'à notre époque; et je crois sincèrement que cette époque que nous appelons "contemporaine" est en réalité "l'époque nationale". Je ne crois pas que nous soyons prisonniers de ce cadre de pensée, qui trouve souvent sa justification.

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Message Publié : 15 Nov 2009 14:35 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Inscription : 23 Oct 2004 9:14
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Localisation : village des Pyrénées
Citer :
"A chacun selon ses besoins"
etc.

Tonnerre,
Votre raisonnement est très juste et irréfutable.
Comme tout raisonnement si on se base sur une phrase comme ça, sans nuance.
A chacun selon ses besoins, ça peut être le (mauvais) résumé rapide d'une tendance, qui fait qu'on attribue par exemple une part (non négligeable mais non majoritaire) de salaire en fonction du nombre d'enfants à charge (je connais plusieurs entreprises où ça marche). Que chaque enfant en achète ensuite un téléphone portable ou un ballon de rugby, ou que son père l'utilise pour aller voir les filles, c'est tout simplement hors sujet.

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Message Publié : 15 Nov 2009 15:46 
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Marc Bloch
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Localisation : Allemagne
Encore un souvenir de lecture lointaine. Quand le communisme sera réalisé, "chacun puisera dans le tas". Cette image pour décrire une société de pléthore, est-elle dans les textes de Marx :?: En tout cas ce n'est pas ce qu'avaient connu l'URSS et les Pays de l'est . Mais bien sûr, on n'en était pas à la phase du communisme réalisé. ;)

Pour faire un retour en arrière sur les propos de Dédé, dans ma jeunesse, le principe des coopératives ouvrières m'avait enthousiasmé par son côté généreux et rationnel. En avançant en âge j'avais lu et j'ai vu qu'elles ne tenaient pas la distance car elles n'avaient pas la trésorerie, comparé à des entreprises capitalistes classiques, en cas de coup dur.Vrai ? Faux ?

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Message Publié : 15 Nov 2009 21:07 
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Philippe de Commines
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Inscription : 21 Sep 2008 23:29
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Localisation : Belgique
Re: Message du 15 Novembre 13 Novembre 13h00

Tonnerre a écrit :
Citer :
nature humaine, tristement humaine ...

En effet, et la faiblesse essentielle du marxisme est qu'il fonde son projet socio-économique sur une révolution morale, sur la postulation de la possibilité d'un changement radical dans la psychologie humaine: la disparition de l'intérêt personnel, de la volonté de puissance et même du sadisme comme motivations essentielles des comportements individuels. Nous avons accumulé d'énormes progrès techniques mais arguer que l'humanité ait avancé du même pas sur la voie du progrès éthique, ou même qu'elle puisse le faire sauf prise de psychotropes >:) , n'est évidemment guère soutenable--d'où la justification de l'argument du caractère utopique du marxisme.
Pour que l'économie de type "à chacun selon ses besoins" puisse fonctionner, il faudrait que l'homme (re)devienne juste et bon. >:)
En ce sens, en postulant une "bonne nature" fondamentale de l'être humain qui aurait été altérée/corrompue historiquement par des événements socio-économiques tels que l'apparition du droit de propriété et autres lois d'airain de l'économie, Marx est un héritier de Rousseau.


Tonnerre,

excusez moi d'abord pour n'avoir pas répondu dans d'autres fils à des répliques érudites de vous concernantes mes messages. J'ai un horrible manque de temps pour consacrer à mes fora les derniers jours.

Oui, c'est juste ça ce que je voulais dire déja tout le temps. "Une révolution morale" Hmm on doit se demander si c'est possible d'infléchir un trait fondamental de la constitution humaine? Dans les documentaires dans le temps après la chute du mur j'ai vu à l'ARD, si je me souviens bien, un réportage d'une ancienne équipe d'une usine de l'ex-DDR, qui se ressemblait encore dans leur vieux local. Ils disaient qu'ils ont dans leur "bloc d'habitation?" essayé un certain temps de vivre selon des principes "marxistes??" en mettant en commun tout les moyens et tous gages pour les redistribuer en parts égales...le premier temps ça marchait par la volonté des membres...mais au bout du temps...

Ce n'était peut-être pas un message de vous, Tonnerre, mais quelqu'un a référé à un relation exploiteur/ exploité dans le cadre d'une usine? Mais qu'est qu'on fait d'un emploi fondé sur les "mérites" (une méritocratie :wink: ). Chacun sa place selon ses mèrites. Chacun sa salaire selon ses mérites. Dans ce système tout dépend naturellement des gens qui jugent les mérites...au bout du temps avec les syndicats...et des rélations entre les juges...on devait même faire un bilan de son propre travail...et c'était une usine américaine sur le continent européen...Tout pour dire que quelconque que soit l'utopie, c'est par ses résultats dans la vie réelle qu'on peut évaluer les mèrites d'une telle ou telle utopie.

Une utopie est peut-être aussi mieux servie par des petits pas l'un aprés l'autre et pas une révolution qui fait tabula rasa et il est peut-être normal que l'application d'une utopie doit s'adapter à la vie réelle. Avec "trial and error" ("essai et erreur" je ne trouve pas la traduction exacte. Même pas dans mon dictionaire Néerlandais-Français de plus de deux kilos où on donne pas une traduction correcte de "vallen en opstaan" (tomber et remonter). On dit en effet "avec des hauts et des bas".

Je n'ai lu rien de Marx et c'est peut-être alors difficile pour le commenter et en quoi l'adaption réelle de son oeuvre diffère de ses idées, mais si je me souviens bien des commentaires de son oeuvre, il voulait une révolution mondiale. Et je pense que là il avait raison, parce que dans la vie réelle quand un état est converti il y a tant d'autres qui "travaillent" avec un autre "systéme" et qui cherchent pour "rémédier" au dissident. Alors on doit d'abord agir pour un consensus mondiale? :wink:

Cordialement,

Paul.


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Message Publié : 16 Nov 2009 7:57 
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Philippe de Commines
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Inscription : 23 Oct 2004 9:14
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Localisation : village des Pyrénées
Citer :
[les scop] j'ai vu qu'elles ne tenaient pas la distance car elles n'avaient pas la trésorerie, comparé à des entreprises capitalistes classiques, en cas de coup dur.Vrai ? Faux ?

Ni l'un ni l'autre.
C'est tout simplement un des éléments du cadre de référence, dont il faut tenir compte. C'est un élément de risque, compensé (ou pas) par des éléments de chance. Ne prendre qu'une des dimensions de la question (la faiblesse des capacités financières) est toujours réducteur.
ça dépend :
- des métiers (et des niveaux d'investissement nécessaires)
- des organisations autour de la SCOP, en particulier financières : à Mondragon, la "Caixa" recueille l'épargne d'une immense majorité des familles basques, et cette puissance financière est au service exclusif de l'investissement dans le groupe coopératif. http://www.mondragon-corporation.com/FR ... ative.aspx
Mais je ne suis pas forcément le mieux placé pour en parler, puisque je n'ai que travaillé 20 ans en Scop (et ai été élu administrateur, donc avec le souci permanent des fins de mois pour 50 familles). Et que depuis, je participe à une coopérative de collecte d'épargne ... pour le financement des Scop. (mon ancienne coopérative existe encore, sans moi et quelques autres, et c'est très bien)

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Message Publié : 18 Nov 2009 8:27 
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Un papier sur le sujet, publié par le CVUH:

Citer :
A défaut d’autoriser un bilan mémoriel et historique de la fin du bloc soviétique (entreprise trop ambitieuse !), les 20 ans de la chute du mur de Berlin donnent l’occasion de réfléchir au processus commémoratif lui-même et à la vision de l’histoire qu’il véhicule, notamment auprès des générations nées post festum.

Voir les images de 1989, c’est remarquer le grain particulier de la vidéo, être étonné par les couleurs et les coupes de vêtements. Si l’incessant recyclage des modes passées par la mode présente permet d’imaginer qu’on ait pu écouter Scorpion et se laisser pousser les cheveux dans le dos, comment comprendre aujourd’hui la réalité d’avant ? Les journalistes la décrivent sur le ton de l’explorateur de retour d’une contrée primitive. Mon Quotidien explique aux 10-14 ans : « Le communisme est un système politique très dur. Tout appartient à l’État, les gens ne possèdent rien ou presque. Ils ne sont pas libres et dépendent entièrement des gens qui les dirigent » (1). Il est loisible de moquer cette présentation caricaturale. Mais, au-delà d’un parti-pris critiquable, quiconque doit enseigner l’histoire du communisme en collège ou lycée connaît la difficulté de l’entreprise.

Alors que tout le monde s’accorde sur la mort du communisme, plus personne ne sait ce que c’était. Presque tous les historiens utilisent un terme, LE communisme, dont le singulier est trop général (2). « Socialisme réel », « communisme bureaucratique », « stalinisme » : les nuances se sont perdues avec les euphémismes, en même temps que disparaissait la capacité à faire discerner au public les origines et les modalités d’un phénomène historique. Le communisme générique et anhistorique servi pour la commémoration médiatique est en conséquence un attelage paradoxal de totalitarisme et d’ostalgie. Surveillance de la population et protection sociale, centralisation absurde et underground dissident, atomisation sociale et micro-solidarités, dictature et utopie : ces notions semblent nécessairement aller de pair (3).

De telles associations prennent valeur d’avertissement. Mais il faut sans doute y voir l’expression d’un regret enfantin tempéré de gros bon sens (dans l’esprit de Good bye Lenin) plutôt qu’une opération de propagande délibérée. En effet, partant de l’évidence de la « mort du communisme », le discours était généralement retenu, comme s’il était malséant de frapper un cadavre. La journée spéciale « Radio France fait le mur » était exemplaire à cet égard. Les spots de la France mutualiste, qui s’ouvraient par l’injonction « Place au devoir de mémoire ! », mettaient doublement à distance la politique en s’en tenant à des histoires du Mur et en les mettant dans la bouche de « jeunes [pour qui] c’est de l’histoire » (4). Sur le plateau du « 7h/9h », il y avait un équilibre parfait : l’ancien opposant Rainer Eppelmann et l’ancien premier ministre de RDA Hans Modrow ; Bernard-Henri Lévy et Charles Fiterman. Si les échanges étaient parfois vifs, le jeu restait correct.

Le choix des invités de Radio France était à l’imitation de la commémoration officielle, pluraliste dans la rencontre des icônes du soviétisme et de l’anti-soviétisme, Gorbatchev et Walesa. L’ancien syndicaliste polonais a conçu quelque amertume de l’hommage appuyé d’Angela Merkel à l’ex-premier secrétaire du PC soviétique. Peut-être n’avait-il pas compris le véritable objet de la commémoration : la réunion des grands de monde célébrait leur propre action et, partant, leur pouvoir sur l’histoire (5). Derrière l’unanimisme consensuel de la cérémonie, derrière son apologie de la liberté et du peuple, on trouve la séparation achevée entre la masse et ses dirigeants.

Écornant pour une fois la vulgate libéral (6), François Furet notait qu’il est « inexact que de baptiser du terme de « révolution » la série d’évènements qui a conduit en URSS et dans l’Empire à la fin des régimes communistes » (7). Dans ce cas, l’absence du peuple là où se décide son sort était bien à la racine de l’événement et donne son sens à la « fin de l’histoire » diagnostiquée par Fukuyama. Les castes dirigeantes s’étaient désagrégées, d’abord à Moscou, puis dans le bloc, ouvrant les brèches par où les gens du commun s’échappèrent de la dictature. Le risque d’une déstabilisation profonde du pouvoir ayant été durablement écarté grâce aux efforts conjoints des gouvernements occidentaux, des opposants les plus en vue et des bureaucrates les plus éclairés, on pouvait, vingt ans après, donner une fête et y convier le bon peuple.

Il n’y avait rien à cacher. Les ouvriers des chantiers de Gdansk et les « manifestants du lundi » de RDA ont depuis longtemps disparu de la scène, sans doute pour aller pointer au chômage. Seuls restent les hommes du pouvoir passé et présent, se légitimant les uns les autres. Un Berlinois l’avait écrit dès 1928 :

« Tout est bien qui finit bien,
Tout le monde est satisfait.

(...) Hinz a menacé Kunz,
Mais à la fin ils se retrouvent à table
Et mangent le pain des pauvres gens

Car les uns sont dans l’ombre
Et les autres dans la lumière » (8).

L’amertume de Bertold Brecht se comprend à la lumière d’un autre 9 novembre, dix ans plus tôt.

Le 9 novembre 1918, le Reich wilhelminien s’effondrait. Les mutineries dans l’armée couvraient le pays de conseils d’ouvriers et de soldats, de Königsberg à Strasbourg. À Berlin, Karl Liebknecht proclamait la « République socialiste » pour « construire l’ordre nouveau du prolétariat, un ordre de paix et de bonheur, avec la liberté pour tous nos frères du monde entier ». Rosa Luxemburg et lui étaient communistes, d’un communisme qui devenait une perspective réelle au rythme de la liberté allemande qui se construisait alors. Dès janvier 1919, ils étaient assassinés. « L’ordre règne à Berlin », titrait le dernier article de Rosa Luxemburg. Cet ordre avait été rétabli par les soudards des corps francs au service d’une coalition hétéroclite de socialistes gouvernementaux et de bourgeois conservateurs (9).

Force armée, gauche en trompe-l’oeil et pouvoir de l’argent : en différentes configurations et sous divers visages, on les retrouve aux tournants dramatiques de l’histoire allemande, étouffant puis effaçant les traces des rares explosions populaires vers la liberté.

Éric AUNOBLE

Source : http://cvuh.free.fr/spip.php?article234

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"Il est plus beau d'éclairer que de briller" (Thomas d'Aquin).


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Message Publié : 18 Nov 2009 8:44 
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Philippe de Commines
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Inscription : 23 Oct 2004 9:14
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Localisation : village des Pyrénées
Tellement lucide, et ...
Citer :
Les ouvriers des chantiers de Gdansk et les « manifestants du lundi » de RDA ont depuis longtemps disparu de la scène, sans doute pour aller pointer au chômage.

Tellement désespérant : si on écoute les désirs de ceux qui crient "victoire" depuis 20 ans, on aura bientôt le chômage ... sans le pointage :mrgreen:

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Message Publié : 18 Nov 2009 15:09 
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Georges Duby
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Inscription : 27 Juil 2007 15:02
Message(s) : 7445
Localisation : Montrouge
Ce qui frappe beaucoup d'observateurs de la vie politique, est qu'on n' entend plus guère de monde se réclamer du communisme même idéal, en dehors de quelques milliers d'intellectuels français, une spécialité.
La demande d'une autre société s'est reportée sur l'alter-mondialisme, l'anti-capitalisme et l'écologie. L'électorat communiste est là maintenant presqu' en entier pour les classes moyennes et supérieures. L'ouvrier communiste par contre serait FN ou l'était il y a peu de temps.
J'ai bien connu les dirigeants écologistes d' Auvergne il y a 10 ans, ils parlaient comme les communistes: sans papiers, injustices, social, services publics et un peu d'écologie! Giscard d' Estaing disait alors que les conseillers régionaux écologistes reflétaient en fait l'ancien communisme. Il était bien plus facile de s'entendre avec les quelques conseillers communistes du Puy de Dome ou de l' Allier, qu' avec eux, intransigeants.

_________________
Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.


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Message Publié : 19 Nov 2009 17:03 
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Philippe de Commines
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Inscription : 23 Oct 2004 9:14
Message(s) : 1903
Localisation : village des Pyrénées
Citer :
sans papiers, injustices, social, services publics et un peu d'écologie

Parce que, selon vous, ces sujets relèvent de l'utopie ?
Désolé, j'ai attendu un jour, me disant que je n'allais pas entre dans ce qui ressemble à un débat politique. Mais comme "qui ne dit mot consent", et que je ne consens pas ...
Quand au mot "intellectuel" teinté d'ironie, j'en rirais : vous préférez des abrutis ?

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