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Message Publié : 02 Sep 2012 15:42 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 07 Sep 2008 16:55
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Il est généralement soutenu dans les milieux militaires que la constitution de la force de frappe dans les années 1960 et suivantes s'est effectuée au détriment de l'équipement des forces classiques qui auraient peu à peu été distancées par les armées alliées qui auraient été équipées de matériels innovants. Il aurait fallu attendre Giscard et Bigeard en 1975 face à l'ébranlement causé par les "comités de soldats" pour voir le budget se consolider (plus en fonctionnement qu'en équipement d'ailleurs).

Pierre Messmer qui fut ministre des armées de 1960 à 1969 s'élève vivement contre cette idée reçue dans ses mémoires ("après tant de batailles"). Il souligne au contraire que le général de Gaulle a pu financer de front la force de frappe et la modernisation des forces classiques jusqu'en 1968 grâce à la croissance naturelle de l'économie (5 à 6% par an) et aux économies de fonctionnement générées par la baisse des effectifs avec la fin des opérations d'Algérie.

Il donne quelques chiffres qui illustrent sa thèse : les dépenses militaires sont passées de 6,3% du PIB en 1960 (dont 2/3 de fonctionnement) à 4,91 en 1964 dont 54% de fonctionnement) puis 4,66% en 1968 dont 49% de fonctionnement. Autrement dit les dépenses d'équipement représentaient 2,1% du PIB en 1960 et 2,34% du PIB en 1968.

Le budget 1969 soumis à un sévère effort de rigueur après les dérives de 1968 a ramené les dépenses à 4,17% PIB (soit en recul d'1/2 point de PIB par rapport à 1968) dont seulement 49,6% d'équipement soit moins de 2,1% (soit retour au niveau de 1960 en proportion d'un PIB qui avait cru de son côté de plus de 50%).

Messmer complète sa démonstration chiffrée par l'énumération des programmes d'équipement lancés dans les années 1960 : chars AMX 30, avions Mirages III, frégates lance-missiles, sous-marins, etc ...

J'ajoute pour ma part que l'objectif français au sein de l'Alliance était de constribuer à la défense d'une fraction du territoire ouest-allemand avec 5 divisions (aux normes OTAN soit 15 brigades) alors que la Bundeswehr devait aligner 12 dévisions (soit 36 brigades).

Je propose les conclusions suivantes : la France avait tout à fait les moyens budgétaires jusqu'en 1968 de mener de front l'effort atomique (qui représentait 30 à 40% des dépenses d'équipement) et la modernisation de la Ière armée, de la FATAC et de la marine.

Je n'ai pas à portée de la main de chiffres concernant la présidence de G Pompidou mais j'ai le sentiment qu'il a conservé la rigueur adoptée en 1969 et que c'est à cette époque qu'un certain retard a été accusé vis-à-vis de nos alliés : mirage F1 par rapport au F15 ou au F16, AMX 30 par rapport au léopard 2 ou au M1, AMX10P par rapport au M2 ou au Marder, non modernisation des jaguars français par rapport à leurs cousins britanniques, etc ... Retard dont la gravité devait toutefois être relativisée par l'importance des divergences doctrinales : les alliés charchant à retarder le passage du seuil nucléaire tactique et donc à prolonger le combat classique.

Je suis preneur de tout commentaire ou complément sur ces éléments.


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Message Publié : 02 Sep 2012 16:19 
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Marc Bloch
Marc Bloch
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Inscription : 09 Août 2006 7:30
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A première vue , je crois votre analyse juste, mais pour discuter en profondeur, il faudrait voir les budgets annuels et savoir les lire avec l'oeuil du financier ce qui n'est pas donné à tout le monde. Une ligne que l'on ne retrouve plus est planquée qq. part sous une autre rubrique l'année suivante lol

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Message Publié : 02 Sep 2012 19:29 
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Georges Duby
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Inscription : 27 Juil 2007 16:02
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Localisation : Montrouge
Je crois me souvenir qu'à compter de mai 68, il y a eu une pression considérable des médias et de l'opinion pour réduire le budget militaire au profit du budget de l'éducation. La presse compare sans cesse les deux budgets, tous les ans. Ce qui était accepté sous de Gaulle ne l'est plus !

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Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.


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Message Publié : 11 Déc 2012 12:09 
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Inscription : 04 Déc 2011 23:26
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Localisation : Paris
Quelques éléments de réponse.

Dominique Mongin a écrit :
Au mois de novembre 1958, il [Charles de Gaulle] charge l’armée de l’Air de piloter le premier vecteur de la « force de frappe », et le vol du premier prototype de bombardier supersonique Mirage IV a lieu dès juin 1959. Parallèlement, la Société pour l’étude et la réalisation d’engins balistiques (SEREB) est créée en septembre 1959 et l’étude d’un missile balistique sol-sol est lancée. L’engin qui explose le 13 février 1960 préfigure la charge qui allait équiper les Mirage IV à partir de 1964, mais il restait encore à diviser sa masse par un facteur de l’ordre de 10. Ce succès – technique et politique – permet de programmer sur la longue durée l’effort à accomplir. C’est ainsi qu’une première loi de programme, couvrant la période 1960-1964, est présentée au Parlement en juillet 1960 ; elle concerne la réalisation de la composante aérienne de la Force nucléaire stratégique (FNS), le lancement des composantes terrestre et océanique (1er SNLE et prototype à terre), ainsi que la construction à Pierrelatte d’une usine de séparation isotopique.

Source : Mongin Dominique, "Genèse de l'armement nucléaire français", in Revue historique des armées, 262, 2011 (http://rha.revues.org/index7187.html).

Pour approfondir la question de la place du nucléaire dans le budget militaire français à l'époque des premières décisions du régime gaullien (1958-1960) : Megret Maurice, "Questions et réflexions sur le programme français de force nucléaire", in Politique étrangère, Vol. XXV, Numéro1, 1960, pp. 15-32.

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« But thought's the slave of life, and life's time fool. » (William Shakespeare)


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Message Publié : 10 Nov 2013 9:57 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 07 Sep 2008 16:55
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Je vous propose un petit complément fondé sur la lecture des mémoires de Bernard Tricot qui occupa deux fonctions sensibles : secrétaire général du ministère des armées de 1962 à 1967 puis de la présidence de 1967 à 1969.

Il souligne la double volonté du général de Gaulle d'attribuer plus de la moitié des dépenses à l'investissement. Et plus de la moitié des investissements aux forces atomiques.


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Message Publié : 10 Nov 2013 10:22 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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Localisation : Lyon-Vénissieux
Citer :
mirage F1 par rapport au F15 ou au F16, AMX 30 par rapport au léopard 2 ou au M1, AMX10P par rapport au M2 ou au Marder, non modernisation des jaguars français par rapport à leurs cousins britanniques, etc ...


Cela ne nous a pas empêché de brillamment participer à la guerre du golfe en 1991....
Et les "moutontribuables" ont fait de substantielles économies ;)

_________________
Le souvenir ne disparait pas, il s'endort seulement.
Epitaphe trouvée dans un cimetière des Alpes

La science de l'histoire est une digue qui s'oppose au torrent du temps.
Anne Comnène, princesse byzantine (1083-1148)

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Message Publié : 10 Nov 2013 14:24 
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Inscription : 10 Fév 2009 1:12
Message(s) : 9070
Pouzet a écrit :
Cela ne nous a pas empêché de brillamment participer à la guerre du golfe en 1991....

Vous le dites sérieusement ou ironiquement ?

La participation française a été très symbolique. On s'est aperçu à cette occasion que l'armée avait le plus grand mal à "projeter" une malheureuse division, faite de bric et de broc, et ne dépassant pas 12000 hommes.

Une consolation : les Français étant les seuls à disposer de blindés à roues, plus efficaces dans le sable, ils se sont vus affecter l'extrême sud du front allié, où ils ont fait bonne figure.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Op%C3%A9ration_Daguet#La_division_Daguet

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Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu. (Chamfort)


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