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 Sujet du message : Le putsch d'Alger
Message Publié : 15 Avr 2013 12:08 
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Il y a déjà quelques sujets qui abordent la chose, mais avec une orientation. C'est pourquoi j'ouvre un sujet plus général, car je ne saisis pas bien les enjeux et je ne trouve rien de synthétique et clair.

De ce que j'ai compris, c'est que le 13 mai 1958, Pfimlin dit qu'il pourrait négocier avec les "rebelles" algériens. En conséquence, manifestations monstres à Alger de la part de la population européenne pour appeler au maintien de l'Algérie française. Des généraux pensent à un coup d'Etat et Salan fait acclamer De Gaulle par la foule. C'est cela que je ne comprends pas. Pourquoi faire acclamer de Gaulle ? Les généraux pensent-ils à créer un nouveau gouvernement avec De Gaulle en président ? Quelle est la position de De Gaulle le 13 mai 1958 vis à vis de ces généraux, et comment évolue-t-elle par la suite ? Est-ce simplement une figure charismatique dans laquelle les Français d'Algérie peuvent facilement placer leur confiance ? A-t-il déjà pris position sur l'Algérie française ?

Merci pour votre aide.


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 Sujet du message : Re: Le putsch d'Alger
Message Publié : 15 Avr 2013 13:09 
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Georges Duby
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Pfiimlin a été plus prudent, c'est seulement parce qu'il avait la réputation d'être partisan d'une solution libérale en Algérie, qu'il y a eu manifestation à Alger, ce qui permet l'investiture de Pfimlin. Massu préside un comité de salut public à Alger. Des manifestations de la police parisienne contre le gouvernement se déroulent à Paris, la guerre civile menace ! Ni l'armée ni la police ne sont sures.
4 mai 1958, des commandos paras d'Alger "s'emparent de la Corse". Le bruit court que l'armée d'Algérie projette de faire un coup d'Etat à Paris.
C'est alors que de Gaulle annonce qu"il est prêt à assumer les pouvoirs de la République" et que se met en place une solution légale de faire appel à lui pour éviter une guerre civile qui semble en marche. Il y a accord de nombreux élus à ce sujet.
Le 29 Mai Coty PR annonce qu'il fait appel à de Gaulle pour former un gouvernement. Investiture du général le 1er juin 1958 comme président du Conseil par 323 voix contre 290. La moitié des socialistes a accepté ou permis le retour de de Gaulle ainsi que de nombreux radicaux.
On suppose que des gaullistes comme Soustelle, peut-être Chaban, ont pris contact avec Massu pour que le comité de salut public fasse appel à de Gaulle.
Celui ci passe pour être favorable à l'Algérie française. Il se tait et entretient l'ambiguité (je vous ai compris) puis prépare sa solution après avoir été élu légalement PR, avoir gagné les élections législatives et fait étudier diverses solutions qui lui paraissent inapplicables. il attend le moment favorable pour négocier avec le FLN et déclenche un référendum.
Ceci est un raccourci.

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 Sujet du message : Re: Le putsch d'Alger
Message Publié : 15 Avr 2013 14:40 
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calame a écrit :
De ce que j'ai compris, c'est que le 13 mai 1958, Pfimlin dit qu'il pourrait négocier avec les "rebelles" algériens. En conséquence, manifestations monstres à Alger de la part de la population européenne pour appeler au maintien de l'Algérie française.

Non Pfimlin n'a pas dit ce jour-là qu'il pourrait négocier avec les rebelles. Il l'avait évoqué quelques temps plus tôt, ce qui explique que les algérois décident de se mobiliser contre le "bradeur" potentiel de l'Algérie.

Citer :
Des généraux pensent à un coup d'Etat et Salan fait acclamer De Gaulle par la foule. C'est cela que je ne comprends pas. Pourquoi faire acclamer de Gaulle ? Les généraux pensent-ils à créer un nouveau gouvernement avec De Gaulle en président ?

Les généraux sont déjà de fait en situation de coup d'état, dans la mesure où ils refusent désormais l'autorité du pouvoir en Algérie et entendent en régler eux-même le sort.
L'idée de faire appel à De Gaulle est mise en avant par une cellule de 4 hommes qui ont très activement participé à la préparation du 13 mai et qui sont omniprésents dans ces journées. Il s'agissait d'une cellule "d'observation" financée par le ministre la défense, un certain... Chaban-Delmas, donc gaulliste. Elle comprenait notamment Léon Delbecque et Jean pouget, un commandant de paras légendaire parmi les paras, qui eux permettent et encadrent les événements. C'est l'un de ces 4 hommes qui réussira à faire crier "vive De Gaulle" par Massu, puis plus difficilement par Salan.
A noter que dans ce putsch du 13 mai en Algérie, ce sont davantage les colonels paras qui mènent la danse que les généraux.
Les généraux sont très embarrassés. (Le premier mouvement de Massu est de "mettre fin à ce bordel" mais les colonels lui démontrent que c'est impossible.) Du coup ils cherchent une solution pour en sortir et De Gaulle apparaît comme le seul homme capable de résoudre le problème, d'autant qu'il dispose à cette époque d'une image Algérie Française, notamment du fait des prises de position incendiaires de Debré en ce sens.

Citer :
Quelle est la position de De Gaulle le 13 mai 1958 vis à vis de ces généraux, et comment évolue-t-elle par la suite ? Est-ce simplement une figure charismatique dans laquelle les Français d'Algérie peuvent facilement placer leur confiance ? A-t-il déjà pris position sur l'Algérie française ?

De Gaulle est en contact avec les putchistes et les généraux ne déclencheront pas l'opération Résurrection (débarquement parachutiste sur Paris pour y prendre le pouvoir) sans son accord. - ce qui en dit long sur sa légitimité réelle : "on ne peut tout de même pas déclencher ça sans avoir son accord." Il considère que son moment est venu, et va réussir une opération politique magistrale pour être appelé comme président du Conseil.

Pour autant, par tempérament, De Gaulle ne supporte pas le désordre. Ses premiers ordres donnés au cours de son voyage en Algérie, 3 ou 4 jours après sa prise du pouvoir sont que les militaires doivent quitter les Comités de Salut Public qui ont fleuri un peu partout, et retourner à leur métier : la guerre. (au passage, il avait traité en 44 les résistants de la même façon.) Il mettra également en place un gouverneur civil de l'Algérie, avec autorité effective sur le commandant en chef militaire. Il annonce d'ailleurs à Salan qu'il va le remplacer. De Gaulle n'aime pas les putchistes maintenant qu'ils ne lui sont plus d'aucune utilité. Pour lui c'est l'autorité du gouvernement qui doit s'imposer aux militaires. (C'est une constante de sa pensée politique.) Il n'aura de cesse de sortir les militaires de tous les pouvoirs civils qu'ils ont occupé de fait en Algérie, par la mise en place d'une administration civile effective et bénéficiant de son autorité.

Etait-il Algérie française ? Non, De Gaulle pensait depuis son séjour en Algérie en 43-44 que "c'est par l'indépendance que ça finirait." Depuis que la guerre a commencé, il n'a fait aucune déclaration explicite en faveur de l'Algérie française. Pour autant il sait qu'il va devoir composer avec l'opinion, l'armée et les civils algériens. (des "braillards" bons à rien, pour lui.)
Et puis par tempérament De Gaulle rechigne à brader l'empire français, et recherche une solution qui soit la plus favorable possible à la France. Il veut bien négocier, mais en situation de force et à condition que ce soit lui qui dicte les termes de l'accord, en quelque sorte. C'est la raison pour laquelle il va d'abord lancer un appel à la "paix des braves", puis relancer la guerre pour écraser le FLN sur le terrain. C'est pour cette raison - la relance victorieuse de la guerre - que ses adversaires de l'OAS décriront sa politique comme une monumentale et patiente duperie, alors que dans les faits De Gaulle est resté longtemps très partagé.

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 Sujet du message : Re: Le putsch d'Alger
Message Publié : 15 Avr 2013 16:46 
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Merci à vous deux pour ces précisions très utiles !


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 Sujet du message : Re: Le putsch d'Alger
Message Publié : 15 Avr 2013 17:02 
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Pierre de L'Estoile
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Merci pour le topo...

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 Sujet du message : Re: Le putsch d'Alger
Message Publié : 15 Avr 2013 21:27 
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Le terme de "putsch" fait plutôt référence à celui du 22 avril 1961 qu'à l'épisode du 13 mai 1958, qui - certes un peu hypocritement - est plus souvent désigné comme étant un "coup de pression militaire", un "coup de force" ou un "pronunciamento". Effectivement, le fait que les institutions légales de la IVe République - en la personne du président de la République René Coty - aient entériné, comme porte de sortie, la désignation de Charles de Gaulle comme président du conseil, souligne qu'il n'y a pas eu discontinuité dans la légalité républicaine. Il n'y a donc techniquement pas eu putsch, bien que des militaires se soient opposés aux ordres qu'ils recevaient, constitués en un comité de salut public sans aucune légalité institutionnelle, bref aient refusé de se soumettre sans usage de la force - c'est l'impossibilité du pouvoir légal à les contraindre par la force, non l'usage de la leur propre, qui est à souligner - au pouvoir civil institutionnellement donneur d'ordres aux militaires.

La légalité a été brisée par la suite, lorsque Charles de Gaulle a reçu pour mandat de générer une nouvelle constitution sans que le peuple ait été consulté ab initio, ni que les institutions de la IVe République aient eu constitutionnellement le mandat de lui déléguer un tel pouvoir. La légalité a été rétablie avec le référendum triomphal du 28 septembre 1958 (82,60% de oui à la nouvelle constitution), mais techniquement, du 1er juin au 4 octobre 1958, le gouvernement de de Gaulle, avec l'aval du garant des institutions, René Coty, travaille dans l'illégalité la plus complète.
Je m'égare, puisque ça n'en fait pas plus un putsch pour autant (c'est-à-dire un "coup d'Etat effectué par un groupe armé dans l'objectif de prendre le pouvoir" --> il n'y a jamais eu de coup d'Etat en 1958).

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 Sujet du message : Re: Le putsch d'Alger
Message Publié : 15 Avr 2013 23:06 
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Eginhard
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Citer :
Est-ce simplement une figure charismatique dans laquelle les Français d'Algérie peuvent facilement placer leur confiance ?


Les Français d'Algérie voient effectivement De Gaulle comme l'homme de la situation, ils pensent réellement que celui-ci peut faire en sorte que l'Algérie reste française, or ce n'est qu'une illusion (le "je vous ai compris" est à ce titre assez révélateur, dans le fond on ne sait pas où ils veut en venir). Les Pieds-noirs auront par la suite une grande rancœur, pour eux De Gaulle a trompé les Français d'Algérie.


Citer :
A-t-il déjà pris position sur l'Algérie française ?


De Gaulle était conscient que l'Algérie deviendrait indépendante et ce pour plusieurs raisons : la guerre coûtait cher à la France, en outre la pression internationale et la vague de décolonisation venait confirmer la position lucide de De Gaulle. Pour lui, l'histoire était en marche.


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 Sujet du message : Re: Le putsch d'Alger
Message Publié : 15 Avr 2013 23:31 
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De Gaulle à propos de l'Afrique :" Je sais bien qu'on a décolonisé 30 ans trop tôt. Qu'est-ce que vous voulez que j'y fasse ! Un vent de folie souffle sur le monde."

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 Sujet du message : Re: Le putsch d'Alger
Message Publié : 15 Avr 2013 23:42 
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pierma a écrit :
De Gaulle à propos de l'Afrique :" Je sais bien qu'on a décolonisé 30 ans trop tôt. Qu'est-ce que vous voulez que j'y fasse ! Un vent de folie souffle sur le monde."


Sauf erreur de ma part, cette citation était plus en rapport avec l'Afrique noire.

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 Sujet du message : Re: Le putsch d'Alger
Message Publié : 16 Avr 2013 0:09 
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Narduccio a écrit :
pierma a écrit :
De Gaulle à propos de l'Afrique :" Je sais bien qu'on a décolonisé 30 ans trop tôt. Qu'est-ce que vous voulez que j'y fasse ! Un vent de folie souffle sur le monde."


Sauf erreur de ma part, cette citation était plus en rapport avec l'Afrique noire.

Oui, c'est bien le cas. Mais je pensais simplement que si pour De Gaulle l'Algérie finirait par obtenir l'indépendance, il ne souhaitait pas forcément que ça se fasse tout de suite. Il pensait sans doute à une solution temporaire d'état associé pendant une certaine période.

Difficile de dire ce qui se passait dans sa tête, on sait simplement qu'il a fini par accepter de négocier l'indépendance immédiate parce que l'armée ne pouvait rester éternellement en Algérie, et qu'en plus ça coûtait une fortune. "Il faut en finir avec cette boite à chagrin ! "

Du côté FLN les résistants à l'origine du FLN ne souhaitaient pas non plus un divorce violent. Ils pensaient en particulier que les pieds-noirs devaient pouvoir rester, l'Algérie ayant besoin de spécialistes pour son développement. C'est au fil des événements que les positions se sont durcies. Côté européen avec l'OAS, côté algérien avec la surenchère de Boumédienne, chef d'état-major de l'ALN, qui lui souhaitait une orientation socialiste avec le soutien de l'URSS.

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 Sujet du message : Re: Le putsch d'Alger
Message Publié : 16 Avr 2013 9:58 
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Georges Duby
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CNE503 a écrit :
sans que le peuple ait été consulté ab initio, ni que les institutions de la IVe République aient eu constitutionnellement le mandat de lui déléguer un tel pouvoir.
Il n'y a pas dans l'historie constitutionnelle du pays, une obligation de consulter le peuple avant de préparer une nouvelle constitution. Les changements de régime ont eu lieu à la suite d'un évènement, sans passer par une révision de l'ancienne constitution, une nouvelle légitimité permettant le changement de régime.
C'est la IVè République qui innove en faisant abolir par référendum les lois constitutionnelles de la IIIème. Rien n'imposait cette procédure pour la Vè dans les principes généraux du droit constitutionnel français. Chaque nouveau régime invente en effet une procédure et en reçoit une légitimité, le référendum n'étant pas une obligation préalable.
Compte tenu d'un contexte de guerre civile provoqué par "le cancer algérien" et le coup de force en Corse, la menace sur Paris, L 'Assemblée Nationale investit le 1er Juin 1958 le général de Gaulle et confie le 3 Juin à son gouvernement les pleins pouvoirs pour six mois et pour préparer une nouvelle constitution.
Ce vote du 3 Juin met fin de facto à la IV République. Il a un caractère constituant.
La procédure de 1946 avait permis une révision par le Parlement ou par décision du peuple. La Vè reprend donc cette faculté que le Parlement puisse entamer une procédure de nouvelle constitution.
La seule différence est que le gouvernement est chargé d'établir un projet, mais un référendum d'approbation est nécessaire, ce qui a donné une légitimité à la nouvelle constitution.

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 Sujet du message : Re: Le putsch d'Alger
Message Publié : 16 Avr 2013 10:13 
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Souvenir de cours de droit constit' à Sciences Po. Il est daté, puisqu'il date de 2001 ou de 2002. Faudrait que je me replonge dans le Duhamel.

La légalité de la Ve tient dans le référendum du 28 septembre 1958, plus que dans la manière dont de Gaulle est nommé président du conseil - mais ça à la rigueur c'est une prérogative du président de la République - ni dans le fait qu'il est missionné pour produire une nouvelle constitution.
Jusqu'à preuve du contraire, la constitution de la IVe République avait reçu la sanction populaire ; en produire une autre sans consultation populaire, c'est donc bien un acte contraire à la légalité démocratique exprimée en 1946. Il faut attendre le 28 septembre 1958 pour que le peuple, qui est tout de même souverain, exprime sa validité. Entre le moment où le cours des institutions de la IVe République est altéré et où cette nouvelle légalité s'exprime, on est donc dans l'illégalité. Mais - et c'est toute la beauté du droit constitutionnel - la légalité de l'action de de Gaulle est rétablie, a posteriori, par le résultat du référendum du 28 septembre 1958.

Bref, ce référendum rétablissant la légalité de l'action de de Gaulle a posteriori, difficile de parler d'un putsch en mai 1958, puisque le peuple lui-même a sanctionné cette action comme légale.

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 Sujet du message : Re: Le putsch d'Alger
Message Publié : 16 Avr 2013 11:46 
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Georges Duby
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CNE503 a écrit :
Jusqu'à preuve du contraire, la constitution de la IVe République avait reçu la sanction populaire ; en produire une autre sans consultation populaire, c'est donc bien un acte contraire à la légalité démocratique exprimée en 1946.
Assez calé sur le droit constitutionnel, j'en ai fait toute ma vie et appliqué, je puis vous dire que votre argument ne s'appuye pas sur un texte ou principe de droit. En aucune manière le respect le respect de la constitution de 1946 ne s'impose au constituant de 1958.
Le Parlement a toujours été un organe constituant de référence dans toute l'histoire constitutionnelle française. Il l'était d'ailleurs aussi pour les constituants de 1946 en concurrence avec le référendum, lisez l'article 89:
" ARTICLE 89.
L'initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au Président de la République sur proposition du Premier ministre et aux membres du Parlement.
Le projet ou la proposition de révision doit être examiné dans les conditions de délai fixées au troisième alinéa de l'article 42 et voté par les deux assemblées en termes identiques. La révision est définitive après avoir été approuvée par référendum.
Toutefois, le projet de révision n'est pas présenté au référendum lorsque le Président de la République décide de le soumettre au Parlement convoqué en Congrès ; dans ce cas, le projet de révision n'est approuvé que s'il réunit la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. Le bureau du Congrès est celui de l'Assemblée nationale. "
J'ajoute que cet article 89 a été abrogé par la décision du parlement de confier à de Gaulle le 3 juin 1958, mandat de préparer une nouvelle constitution, qui reconnaitra à son tour au parlement la possibilité de réformer la constitution, ce qu'il fera, alternativement avec le référendum.
En France, le parlement a un pouvoir constitutionnel permanent.

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 Sujet du message : Re: Le putsch d'Alger
Message Publié : 16 Avr 2013 12:46 
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Il me semble que personne - sauf peut-être Miterrand - n'a fait à l'époque de reproche d'inconstitutionnalité au projet de De Gaulle. Il faut dire que la procédure suivie permettait à un groupe sélectionné par l'Assemblée (groupe auquel appartenait notamment Guy Mollet) de faire des remarques sur les ébauches successives du projet de Constitution. Jean lacouture signale que la participation de ce groupe, voix de l'assemblée, n'a pas été de pure forme et que certaines de ses suggestions ont été retenues.

Je crois que le plus gros reproche contre De Gaulle et son opération de retour au pouvoir est celui d'avoir profité de la menace que les paras faisaient poser sur Paris et les institutions. Au cours de sa séance d'investiture, quelqu'un lui reproche "de marcher sous l'aile de la sédition". (Je crois que c'est Mendès, qui pourtant ne s'oppose pas à l'investiture, allez comprendre...)

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 Sujet du message : Re: Le putsch d'Alger
Message Publié : 16 Avr 2013 13:45 
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Il faudrait que je retrouve mon Duhamel - je le rappelle professeur de droit constitutionnel à l'IEP de Paris - mais je suis certain qu'il faisait un parallèle sur l'illégalité a posteriori du régime de Pétain en 1940 et ab initio de la procédure suivie pour la mise en place de la Ve République en 1958. Le premier cas était légal le 10 juillet 1940 mais ne l'a plus été par la suite puisqu'il n'a pas satisfait aux exigences des parlementaires lorsque ceux-ci lui ont dévolu un pouvoir afin de doter la France d'une nouvelle constitution (ce qu'il n'avait pas latitude de faire, "un pouvoir délégué ne pouvant être délégué à son tour"), ce que Pétain n'a pas fait ; le second cas était initialement illégal car une telle procédure n'avait pas été constitutionnellement anticipée, et la délégation du pouvoir constituant à un gouvernement rentrait également dans le cadre précité, mais l'est devenu par la suite grâce à la sanction populaire.

Etant donné que le peuple est le souverain, ce référendum rend la Ve République absolument légale et légitime à mes yeux, je le précise, mais la question de droit s'est posée (ne serait-ce que par des opposants comme F. Mitterrand, qui a dénoncé cette nouvelle république comme un "coup d'Etat permanent" avant d'en adopter certaines des pratiques les plus gaulliennes).

Par contre, l'assimiler à un putsch me paraît hasardeux et erroné.

CNE503

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