Narduccio a écrit :
Dans les situations difficiles, et c'est peu dire qu'être confronté à l'univers concentrationnaire nazi est une situation difficile, plus on est "moteur", plus le taux de survie semble élevé. Quand on se laisse aller, on survit plus difficilement. Quand on écoute les nombreux témoignages des survivants, il sont été de 2 types, soit des gens qui ont tout fait pour survivre, soit des jeunes qui ont été aidés par des plus anciens qui estimaient injuste que ces jeunes ne survivent pas.
Je pense qu'il faut faire la distinction entre les déportés raciaux et les déportés politiques quant aux facteurs qui ont permis la survie, et par là les séquelles qui les ont poursuivis après leur libération.
Les conditions de "vie" étaient beaucoup plus dures pour les déportés raciaux, qui pouvaient souffrir en plus d'une certaine hostilité de la part des autres détenus. A cela s'ajoute pour beaucoup un affaiblissement moral et physique dû aux longs mois (voire années) de vie dans les ghettos, précédant leur arrivée dans les camps. Pour tous, l'incompréhension de leur détention et l’inquiétude du sort réservé à leur famille
Bien sûr je ne dis pas que les conditions pour les déportés politiques étaient bonnes, mais en général, ils savaient pourquoi ils étaient là.Ils n'avaient pas étés affaiblis psychologiquement par des années de vexations et de mise au ban de leur société. Ils pouvaient profiter de réseaux, de structures d'entraide déjà en place à leur arrivée au Lager. Ils pouvaient mieux profiter de l'aide des "plus anciens", parce que tout simplement "anciens" il y avait. Du coup ils connaissaient mieux les "combines" du camps
Pour Primo Levi , ce qui a permis à un tel ou un autre de survivre c'est la chance: la chance d'être sélectionné dans un kommando où le travail est moins pénible, la chance de se trouver à l'infirmerie lors de l'évacuation du camps... Mais cette "chance" ne tenait pas qu'au hasard.
Quasiment aucun "musulman" n'a survécut, certains déportés mourraient dans les jours suivant leur arrivée, alors que d'autres ont passé plusieurs années au Lager.
Parmi les survivants, une grande proportion étaient des allemands, la plupart "triangle vert" (déporté de droit commun). Leur chance de survie était supérieure car ils occupaient des postes moins pénibles (souvent les kapo), avaient droit à un régime alimentaire plus clément et souffraient moins des punitions et des exécutions.
D'une manière générale, les survivants se trouvaient majoritairement parmi les "prominents" , les "privilégiés", c'est-à-dire ceux qui étaient recrutés dans des kommando où le travail était moins pénible (pour Primo Levi, c'était le laboratoire de chimie). De facto, la proportion de déportés raciaux était moindre dans ce groupe.
A leur libération, certains déportés ont dû affronter leur propre démon, celui qui leur avait permis de survivre.
Attention, il ne faut pas confondre victime et bourreau, mais certains détenus se sont enfoncés bien loin dans la "zone grise"
Citer :
Cette zone, reposant sur le privilège et la collaboration, émerge à la faveur d’une oppression durable et d’un pouvoir dont le besoin d’auxiliaires est d’autant plus grand que son aire est restreinte. Elle est entretenue par la volonté des victimes favorisées de conserver leur privilège, condition nécessaire bien que non suffisante pour survivre.
(
https://temoigner.revues.org/1217), et à part les salopards sans scrupule, le retour à un état "normal" a du être une épreuve supplémentaire pour ces survivants.
Pour la plupart, la culpabilité du survivant (comme dit précédemment).
De plus, les survivants juifs avaient ,dans bien des cas, perdu toute leur famille. Dans les pays de l'Est, c'est des structures communautaires entières qui avaient disparues, et les survivants trouvaient à leur retour une population non seulement indifférente, mais carrément hostile. Les conditions de reconstruction psychologique n'en étaient que plus compliquées.