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L'Eglise de France en 1971
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Auteur :  Jerôme [ 09 Fév 2018 18:54 ]
Sujet du message :  Re: L'Eglise de France en 1971

calade a écrit :
Là je ne crois pas. D'une part Vatican II est mondial et non français (quoique...) et surtout l'Eglise se situe tout à fait en dehors de ce genre de contingences... Celui qui a lancé la Mission de France, qui a été un élément essentiel dans l'expérimentation de l'apostolat en milieu ouvrier est le cardinal Suhard qui n'a pas été à la pointe du combat résistant...


Sans être un expert je crois tout de même que l'application du Concile en France ou au Bénélux a été beaucoup plus radicale qu'en Pologne ou en Italie ! Ce qui conforterait plutôt la thèse d'un clergé français (ou néerlandais ou belge) plus ouvert aux innovations et moins attachés aux traditions.

Quant à la mission de France elle a certes été lancé par un prélat petainiste mais très vite après guerre ses membres ont commencé à se rapprocher de la CGT et du PCF ! La JAC et la JOC ont aussi rapidement basculé à gauche .

Auteur :  Faget [ 09 Fév 2018 18:58 ]
Sujet du message :  Re: L'Eglise de France en 1971

Jerôme a écrit :
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Citer :
Le scoutisme n'a-t-il pas également offert l'occasion d'expérimenter des formes liturgiques plus neuves et plus simples ?


Ce n'est pas totalement faux. J'ai un souvenir personnel, lors d'une randonnée en montagne, lors de la pause de midi au moment de tirer les repas du sac, les cathos du groupe , au lieu de réciter le benedicite ch... ont entonné un refrain scout : "Bénissez Seigneur, bénissez ce repas, et donnez du pain à ceux qui n'en ont pas ", le tout sur une mélodie agréable. J'avoue que l'agnostique que j'étais, déjà à l'époque, a apprécié cette manifestation de piété sobre et de bon goût.

Auteur :  Isidore [ 10 Fév 2018 15:13 ]
Sujet du message :  Re: L'Eglise de France en 1971

Faget a écrit :
Jerôme a écrit :
[[
Citer :
Le scoutisme n'a-t-il pas également offert l'occasion d'expérimenter des formes liturgiques plus neuves et plus simples ?


Ce n'est pas totalement faux. J'ai un souvenir personnel, lors d'une randonnée en montagne, lors de la pause de midi au moment de tirer les repas du sac, les cathos du groupe , au lieu de réciter le benedicite ch... ont entonné un refrain scout : "Bénissez Seigneur, bénissez ce repas, et donnez du pain à ceux qui n'en ont pas ", le tout sur une mélodie agréable. J'avoue que l'agnostique que j'étais, déjà à l'époque, a apprécié cette manifestation de piété sobre et de bon goût.


Ceci est un bénédicité tout ce qu'il y a de plus classique. Il y a plusieurs façons de le faire...

Auteur :  Faget [ 10 Fév 2018 17:16 ]
Sujet du message :  Re: L'Eglise de France en 1971

Sorry, pour mon inculture religieuse :oops: N'accablez pas le pauvre pêcheur :rool:

Auteur :  A 25 [ 11 Fév 2018 17:00 ]
Sujet du message :  Re: L'Eglise de France en 1971

Je viens de lire ce fil avec un grand intérêt.

Cher Jérôme, merci d'avoir trouvé cette émission qui me semble être une assez bonne description de l'Eglise de 1971 mais aussi des classes moyennes de cette époque - avec une maîtrise du français oral qui fait rêver ...
Cher Marc, merci pour votre référence au livre de Cuchot - je crois que je vais l'acheter ...
Cher Calade, votre interprétation est excellente. Bravo ! Pourrais je y ajouter quelques pistes complémentaires et subsidiaires ?

La première serait de dire que l'Eglise a toujours été caractérisée par un haut degré de rigidité : théologie, morale, liturgie, ...or en quelques années, cette rigidité est abandonnée et laisse place à une grande exubérance ..comment ne pas s'attendre à ceux les fidèles soient désorientés et se disent "mais alors on nous aurait menti ? Toutes ces règles et toutes ces contraintes était en fait inutiles ?" ...normal qu'ils désertent ...puisqu "on ira tous au Paradis"...inutile de fréquenter les églises ...

La seconde est plus subtile mais je crois qu'en gros dans le catholicisme le fond et la forme allaient plus ou moins de pair. Une doctrine vue comme rigide et immuable - une liturgie et une catéchèse vues comme rigides et immuables. Le passage à des formes plus souples (la messe mais aussi la catéchèse) était difficilement conciliable avec l'idée affichée selon laquelle, malgré l'aggiornamento, l'essentiel restait inchangé ...si on changeait les formes, n'était ce pas aussi parce que le fond avait changé et finalement était devenu beaucoup moins strict (voir le paragraphe précédent) ?

Auteur :  Isidore [ 11 Fév 2018 17:21 ]
Sujet du message :  Re: L'Eglise de France en 1971

Faget a écrit :
Sorry, pour mon inculture religieuse :oops: N'accablez pas le pauvre pêcheur :rool:

Je n'accable rien je rappelle un fait. Et quand je dis plusieurs c'est même faux car rien n'est codé. Ce qui fera hurler bien souvent le tradi d'ailleurs. Fin de l'incise.

Auteur :  calade [ 11 Fév 2018 17:27 ]
Sujet du message :  Re: L'Eglise de France en 1971

Je suis d'accord Aigle. Il y a un super texte de Bourdieu dans Langage et pouvoir symbolique sur le pouvoir performatif de la langue dans la liturgie. La nouvelle liturgie a tout simplement désacralisé l'hostie. La messe est devenue zwinglienne pour être provoquant alors que l'Eglise veut faire croire qu'au contraire elle renforce mieux ainsi le dogme de la Présence réelle mais avec des arguments théologiques stratosphériques. Beaucoup ont vu tout simplement une protestantisation de l'Eglise catholique (renforcement de la communauté, langue vernaculaire, fin du culte des saints, gros coup de frein sur le culte marial).
Je crois aussi que le souci est celui justement de la fin de l'ordre hiérarchico-clérical. Dans l'ancien système, on faisait ce que l'Eglise disait ; c'était une religion du faire (qui a connu une crise vers 1500...). Les pratiques étaient essentielles. Et là, l'exigence est de comprendre et d'agir en conscience. Cela a pu être vécu par de simples fidèles comme un défi trop lourd, voire une trahison des clercs. Après tout, c'est le boulot du curé de faire que les sacrements soient efficaces ! Pas au fidèle ! Je caricature mais je pense que cette exigence d'adhésion intime allait à l'encontre d'une Eglise multitudiniste faite pour encadrer les masses et garantir un accès au Paradis. Je suis frappé de voir à quel point la spiritualité exigée du fidèle au début du XXe consistait en des neuvaines, des récitations de chapelet, l'assistance à la messe évidemment. C'était chronophage mais intellectuellement confortable (même si les crises spirituelles notamment face à la douleur et au mal pouvaient être d'une profondeur peu commune mais c'est un autre sujet). Lorsqu'on fait reposer l'efficacité du sacré sur l'engagement du fidèle, on entre dans l'ère d'une foi à la carte et on peut se dire que le curé n'a plus grand chose à nous apporter. J'ajoute que Jean-Paul II puis Benoit XVI ont essayé de combattre cela.

Auteur :  marc30 [ 13 Fév 2018 19:26 ]
Sujet du message :  Re: L'Eglise de France en 1971

calade a écrit :
Lorsqu'on fait reposer l'efficacité du sacré sur l'engagement du fidèle, on entre dans l'ère d'une foi à la carte et on peut se dire que le curé n'a plus grand chose à nous apporter. J'ajoute que Jean-Paul II puis Benoit XVI ont essayé de combattre cela.


Bien vu

On peut aussi dire que l'Eglise catholique et l'Education nationale ont poursuivi le même but par la même méthode : s'adresser aux masses en abandonnant les méthodes traditionnelles, trop contraignantes et faire le choix de la créativité

Dans l'Education nationale, ça a fonctionné - surtout grâce à l'obligation scolaire. dans l'Eglise moins

Auteur :  Vézère [ 14 Fév 2018 7:06 ]
Sujet du message :  Re: L'Eglise de France en 1971

marc30 a écrit :
le même but par la même méthode : s'adresser aux masses en abandonnant les méthodes traditionnelles, trop contraignantes et faire le choix de la créativité

Dans l'Education nationale, ça a fonctionné
Dois-je comprendre que dans votre esprit les masses sont aujourd'hui mieux formées et plus créatives qu'elles ne l'étaient en... mettons 1970? Cela mérite pour le moins discussion.

Auteur :  Sir Peter [ 14 Fév 2018 14:14 ]
Sujet du message :  Re: L'Eglise de France en 1971

Les deux "institutions"cédant aux pressions d'un même type de propagande "moderniste" et avec des résultats assez similaires sur le moyen terme voilà qui me surprend peu et si l'on gratte bien,il est fort probable que les instigateurs des pressions soient les mêmes car ces deux institutions étaient un obstacle au triomphe d'un "nouveau monde"conduit par le parti c'est à dire"les élites" mondialisées

Auteur :  calade [ 14 Fév 2018 15:10 ]
Sujet du message :  Re: L'Eglise de France en 1971

Cela fait des siècles que l'Eglise a ses "élites mondialisées" : les dominicains et les jésuites :wink:

Auteur :  Sir Peter [ 14 Fév 2018 17:55 ]
Sujet du message :  Re: L'Eglise de France en 1971

Et bien oui,nous y sommes,il y a une trentaine d'années lors d'une discussion avec des inspecteurs d'Académie pendant les réunions de la commission Legrand de réforme des collèges,le point avait été soulevé

Auteur :  Jerôme [ 18 Fév 2018 7:30 ]
Sujet du message :  Re: L'Eglise de France en 1971

Sir Peter a écrit :
Et bien oui,nous y sommes,il y a une trentaine d'années lors d'une discussion avec des inspecteurs d'Académie pendant les réunions de la commission Legrand de réforme des collèges,le point avait été soulevé



Voilà qui est en effet assez intéressant. Est il possible de développer ?

S agit il d une réflexion d ordre général de la part de ces hauts personnages ? Ou d une allusion précise aux méthodes pédagogiques appliquées au catéchisme ?

Auteur :  Pierma [ 18 Fév 2018 15:44 ]
Sujet du message :  Re: L'Eglise de France en 1971

Vézère a écrit :
marc30 a écrit :
le même but par la même méthode : s'adresser aux masses en abandonnant les méthodes traditionnelles, trop contraignantes et faire le choix de la créativité

Dans l'Education nationale, ça a fonctionné
Dois-je comprendre que dans votre esprit les masses sont aujourd'hui mieux formées et plus créatives qu'elles ne l'étaient en... mettons 1970? Cela mérite pour le moins discussion.

A partir de 1955, il y a eu une "explosion scolaire" parallèle au baby-boom. Jamais l'école et surtout l'université n'avaient eu des effectifs pareils. Il me semble par exemple que le nombre annuel de bacheliers a triplé. On a aussi beaucoup construit de collèges, entre autres, notamment dans des bourgades en secteur rural, dont les célèbres collèges Pailleron de sinistre mémoire.

La surpopulation étudiante, avec tous ses inconvénients (anonymat des étudiants pour les profs, amphis bondés, pb de logements...) peut même être considérée comme une des causes de Mai 68.

Les masses étaient certainement mieux formées dans les années 70 que dans l'immédiate après-guerre. Et même si aujourd'hui les études après Bac deviennent la norme, je ne pense pas que l'évolution depuis 1970 soit aussi déterminante.

Par ailleurs, je ne sais pas si on peut associer "mieux formées" et "plus créatives". Ce qui a changé de façon déterminante depuis 70, c'est la faculté d'accès à l'information.

Auteur :  Vézère [ 23 Fév 2018 5:46 ]
Sujet du message :  Re: L'Eglise de France en 1971

Jusqu'en 1960, les statistiques portaient l'Eglise de France à l'optimisme.
Un sociologue, Gabriel Le Bras, et un prêtre, le chanoine Boulard, avaient travaillé ensemble à la géographie par paroisse de la pratique religieuse et édité à partir de 1947 les "cartes Boulard", qui montraient les zones de confort -Ouest, Pays Basque, sud, sud-est du Massif Central, cantons du Nord, Alsace- et les zones à ré-évangéliser.
Le seuil en deçà duquel une paroisse était considérée "zone de mission" s'établissant à 40% de pratique dominicale (!)

Dans l'Histoire religieuse de la France contemporaine (1988), Gérard Cholvy identifie des cycles de la pratique religieuse dans le temps long:
"hautes eaux vers 1760 ; reflux considérable avec la Révolution jusque vers 1830 ; remontée très notable jusqu'à l'installation de la Troisième République ; déclin à l'époque des lois anticléricales, qui cesse vers 1910 ; nouvelle remontée, enfin, qui culminera en 1960."

L'après-guerre, pour le catholicisme français, correspondait donc à une période faste, bénéficiant d'un"réseau dense d'œuvres catholiques, d'un moindre anticléricalisme, d'une immigration italienne et polonaise pratiquante, d'un investissement considérable du clergé dans les patronages, écoles, œuvres de jeunesse". D'un point de vue purement statistique, "les jeunes devenant adultes pratiquaient dans la même proportion que leurs parents et même légèrement mieux."

Or, en 1974, les mêmes calculs indiquent: -47% de pratique à Paris, -35% à Lille. L'Institut IPSOS recense 29% de français qui vont à confesse au moins une fois l'an, contre 51% vingt ans auparavant.
La cassure semble maintenant très nettement identifiée par un chercheur de l'Université de Paris Est-Créteil, Guillaume Cuchet, qui la place en 1965-66 (plutôt 65). Donc 3 ans avant Mai 68, et 5 ans avant la fin de la messe en latin.

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