Pouzet a écrit :
Citer :
Ce fut effectivement une époque bénie pour les pavillonneurs et bétonneurs de toute sorte.
Mais alors pourquoi on construit moins de logement annuellement qu'à l'époque de Giscard ou il n'y avait pas la décentralisation et ou il y avait 12 millions d'habitants de moins ?
Je ne pointais pas le volume de logements construits, mais l'étalement urbain et la
rurbanisation.
Petit retour en arrière : il n'est peut-être pas inutile de rappeler aux plus jeunes
qu'à la différence d'aujourd'hui, dans les années 1960-1970 les quartiers HLM sont considérés par tous comme un gage de progrès social. Les grandes vagues de HLM, de ZUP, de ZAC, de barres et de tours, ont en effet permis au grand nombre ...
1/ l'accès à la ville et à ses emplois (considérés unanimement comme plus valorisants que les emplois de la campagne)
2/ pour beaucoup, la découverte du confort : WC intérieur, cuisine et électroménager, eau courante généralisée - cf. mon message précédent - etc.,
3/ et enfin la décohabitation de trois générations (imposant définitivement le modèle de la famille nucléaire (= parents+ enfants).
Les besoins étaient considérables et cette forme d'urbanisme y a répondu avec succès et en masse.
Cette étape passée, le nouveau rêve des français devenait dans les années 1980 le
pavillon avec cour devant et jardin derrière. Après avoir assuré la quantité, la demande se requalifiait autrement : location > accession, concentration > diffusion, verticalité > horizontalité, etc. Les maires ruraux se sont empressés d'user de leurs nouveaux droits pour répondre à cette demande. Même si on plaisante en écrivant que les premières ZUP ont poussé dans les champs de patates ou de betteraves (ce qui est topographiquement vrai), le développement anarchique du lotissement pavillonnaire et l'aspiration à la propriété ont initié un mouvement de consommation d'espace (dont nous ne sommes toujours pas sortis) d'une ampleur infiniment plus grande et quasi-exponentielle.
(NB : les bornes que je donne sont évidemment grossières ; comme toujours en histoire, les divers phénomènes tuilent les uns avec les autres.)
Avec les possibilités ouvertes par la décentralisation, les maires ruraux ont alors rivalisé d'ouvertures à l'urbanisation, chacun développant son propre
lotissement communal (une expression qui a pris valeur d'archétype), ce que les plus critiques appelaient déjà les
HLM horizontaux. Inutile de dire que beaucoup d'entrepreneurs du bâtiment ont su profiter de l'aubaine. Certains se sont alors faits des c... en or avec leurs pavillons sur catalogue (généralement de deux à six modèles, pas plus) : pas ou peu de contraintes d'urbanisme (au moins dans un premier temps), aucune contrainte thermique (les RT 1974 et RT 1982 étant plus que sommaires), aucune contrainte d'accessibilité (on s'en f...ait : c'était pour répondre à une population jeune en bonne santé
), etc.
Le rencontre entre la demande des maires et l'offre des entrepreneurs ne pouvait que générer des abus. La corruption en est un. Mais (à moins que je reste trop naïf) plutôt que de
pots de vins et de rétrocessions en numéraire, on a pu assister des contreparties
en nature au profit des maires ou de leurs conseillers ... ou de leurs enfants, telles que des travaux gratuits ou la cession à bas prix d'un lot. Le phénomène a existé, il a fait abondamment jaser ; il serait malgré tout exagéré de croire qu'il a été généralisé.