Ramenons un peu de sérénité si vous le voulez bien. Personne n'a écrit de Faget qu'il défendait le plan initial, ni n'a suggéré que les Français auraient dû attaquer la Chine. Nous pouvons garder un sens de la mesure et poser des questions sans s'intimider mutuellement ni parler de délire.
Il s'agissait de répondre à deux questions: pourquoi l'Etat-Major français souhaitait une piste d'atterrissage, et pourquoi celle-ci? Nous y avons, il me semble, répondu, grâce à vos réponses.
1. Pourquoi une piste d'atterrissage?
Premier but: couper "la route" du Laos qui ravitaille le Vietminh en armes et nourriture. Mais quelle route? Une route en dur, ou les nombreux chemins de montagne? Depuis un avion, impossible de les voir. Les vietnamiens attachaient la cime des arbres pour les couvrir. Tout passe, comme on l'a vu. Ce but n'est-il pas très secondaire ?
Le deuxième but énoncé par CEN_Edg semble plus concret: attirer le gros des troupes loin de la côte, et les engager.
Pour ces deux buts, établir une base avancée permettant des sorties terrestres est la stratégie choisie. On planifie donc une base de cavalerie, on enverra des tanks et la légion.
Or, pour cela, il a été inutile d'avoir une piste d'atterrissage. L'opération Castor en novembre est un grand parachutage, car il n'y a pas de piste utilisable. 4500 hommes en 48 heures. C'est près de la moitié du total présent trois mois plus tard. Au début de Castor, tout est parachuté. Des milliers de tonnes par semaine. Ce sera à nouveau le cas lorsque la piste sera à nouveau rendue inutilisable début mars: on parachute 100t par jour. Donc on peut se poser la question: pourquoi avoir voulu une piste? On en arrive à la deuxième question.
2. Deuxième question: pourquoi cette piste-là?
C'est la question qui répond à la première. Puisque on veut éloigner les troupes de la côte, il faut choisir un point qui a l'air vulnérable, en vallée, avec suffisamment de place pour y engager l'ennemi avec l'artillerie, les blindés ... et l'aviation qui est basée plus loin : chasseurs bombardiers Bearcat basés à HaiPhong, autres avions basés à Bien Hoa et Hanoi (dont d'ailleurs nos hélicos transporteurs Sikorsky H19, très concrets, utilisés en medivac...).
Il s'agit d'un piège tendu à Giap, une cible stratégiquement et tactiquement idéale, d'autant plus tentante qu'elle est en vallée. Les blindés ont méthodiquement dégagé les environs du camp dans toute la vallée. Dans ce cas: il n'y a pas d'erreur dans le choix de cette position. L'erreur réside dans la mésestimation:
- de la capacité de Giap à utiliser hommes femmes et enfants pour transporter (de force?) ses pièces sur de longues distances à travers la jungle. Le pr. Martin Thomas dit que "l'arme décisive de DBP, ce sont les vélo Peugeot". Sait-on à quel degré les "volontaires" paysans réquisitionnés qui transportaient le matériel étaient volontaires. Le soldat vétéran vietnamien que j'ai rencontré l'an dernier insistait sur l'enthousiasme de la population, mais quel crédit y accorder? Il y a encore une forte dose de propagande au Vietnam.
- de notre dispositif défensif. Jules Roy s'est entretenu avec de nombreux témoins dont Giap et parle ainsi de Pirhot: le Capitaine de l'Armée de l'air Jaquet pense que les pistes de l'aérodrome sont bien insuffisamment défendues. "Si l'ennemi réussissait à les atteindre, ne serait-ce qu'avec des obus de mortier lourd, elle serait inutilisable". Pour la défendre, 24 canons de 105, une batterie de 155, 16 mortiers lourds, ça lui paraît très insuffisant comparé aux techniques américaines en Corée. Il en fait part à Piroth. "Mon colonel, je sais qu'il y a des centaines de tubes inemployés à Hanoi. Vous devriez profiter du passage de Monsieur le ministre pour vous en faire livrer". Ce à quoi Pirhot répond "Comment! Regardez mon plan de feu, monsieur! Des canons, j'en ai plus qu'il ne m'en faut!". Le Général Blanc, polytechnicien artilleur, lui avait posé la même question et avait reçu la même réponse. Il semble que Piroth, qui s'est suicidé, ait été un des rares à comprendre et accepter sa responsabilité, il avait dit "C'est foutu, on va au massacre et c'est de ma faute". (Jules Roy, La bataille de Dien Bien Phu)
Pour répondre sur les culées ou casemates dont parlait Pierma: il semble que les vietnamiens avaient creusé ces niches à flanc de montagne (flanc exposé au camp français). Le premier tir était ajusté par l'artilleur, puis le canon était immédiatement reculé dans la niche pour échapper aux tirs directs de contre-batterie. Le tir suivant était effectué en repoussant le canon vers l'entrée de la niche, juste le temps de tirer. Sous réserve de confirmation.
_________________ message du Loire au Dalgonar, oct. 1913
Dernière édition par Invité1859 le 20 Mai 2019 18:37, édité 2 fois.
|