Duc de Raguse a écrit :
Dupleix a écrit :
C'est sans doute vrai, mais de là à porter cela à son crédit
Il a eu dans cette affaire le rôle le plus ingrat pour un homme d'Etat : solder des comptes - sans avoir pratiquement aucune marge de manoeuvre pour le faire -, dont il n'était pas responsable, par les accords de Genève (qui ne furent d'ailleurs respectés par personne) et permettre, enfin, une porte de sortie à la France.
Généralement, dans ces cas, les contemporains adoptent une posture équivoque : tout en poussant un soupir de soulagement sanctionnant la fin d'une crise, ils vouent en même temps aux gémonies la personne qui endosse pareil acte.
Mais il est vrai qu'il a été moins clairvoyant en 1945 que dans les années 1950 en demandant une politique d'austérité, alors que le contexte était à la nécessaire reconstruction du pays.
Quant au reste de sa carrière, peut-être refusait-il aussi certaines compromissions auxquelles l'exercice du pouvoir pouvait conduire.
La dénomination de "Cassandre" lui sied parfaitement. En 1950, il prononce un véritable réquisitoire contre la guerre d'Indochine, alors qu'une écrasante majorité de l'opinion française pense que celle-ci doit rester française. "C'est la conception globale de notre action en Indochine qui est fausse car elle repose à la fois sur un effort militaire qui est insuffisant pour assurer une solution de force, et sur une politique qui est impuissante à nous assurer l'adhésion des populations. Cela ne peut continuer ainsi. Et de prophétiser sur une guerre qu'il appelle à "terminer d'urgence, soit par « la force militaire », ce qui nécessiterait « trois fois plus d'effectifs et trois fois plus de crédits », soit par « un accord politique », qui impliquerait « de larges concessions, sans aucun doute plus importantes que celles qui auraient été suffisantes naguère ».
Mendès cristallise alors divers courants d'opposition à la guerre qui gagnent du terrain : le PCF bien sûr, mais également la SFIO qui commence à grincer des dents, au sein du MRP également on critique la restauration de Bao Dai, "empereur des casinos"...
Mendès gagne en popularité dans l'opinion, se posant en honnête homme réaliste, qui enjoint les gouvernements d'avoir « le courage de regarder la vérité en face. et le courage de le dire au pays ». Ça n'est pas selon moi une posture difficile à tenir que d’être un liquidateur. En d'autres temps, quand tout semblait perdu, que d'aucuns baissaient les bras, il s'engageait en résistance... En fait il apporte du soulagement au sein d'une opinion qui finit par se lasser du bourbier indochinois qui ruine l'économie française.. Ses discours sont salués par toute la presse. La journaliste Françoise Giroud lui consacre un article élogieux dans France Dimanche en 1951qui sera le point de départ de la création, en mai 1953, de l'hebdomadaire L'Express, dirigé par Jean-Jacques Servan-Schreiber, et voué à soutenir la croisade de Mendès France contre la guerre.
Il y'a une forme d'orgueil à se poser en liquidateur, celui qui a raison contre les autres et dénoncent l'aveuglement de ceux qui croient encore à l'avenir de l'empire colonial. Cette posture est intemporelle- on la voit aujourd'hui chez ceux qui dénoncent l'inertie des politiques face au réchauffement climatique et promettent du sang et des larmes dans les années à venir- mais comme disait Edgar Faure dans un sursaut d’humilité lui aussi "avoir toujours raison est un grand tort".