Jerôme a écrit :
- comment un catholique de gauche a-t-il pu mettre en place un marché unique si profondément libéral et si peu social ?
Qu'en pensez vous ?
Que cette question montre une profonde méconnaissance de comment fonctionne l'Europe. Même si tout le monde pense que le Président de l'Union Européenne, ou de la Communauté européenne, est un homme très puissant, la réalité est que comme la plupart des dirigeants qui vivent en démocratie, il est lié à ce que peuvent accepter les électeurs. Pour l'Europe, c'est un peu plus compliqué, car ceux qui décident
in-fine ce sont les Chefs de Gouvernements réunis lors des réunions qui ont lieu tous les 6 mois.
Comment cela se passe dans la réalité ? Avant la nomination d'une nouvelle Commission, on élabore une feuille de route où les chefs de gouvernements listent les missions qu'ils donnent à la Commission. On peut voir cela comme une liste des futures Directives européennes. Les Commissaires nommés, sous la direction du Président de la Commission, vont lancer les réunions de concertations entre les différents ministères concernés pour élaborer des ébauches de textes. Sans le même temps, on lance des réunions avec les "lobbys"... En fait, avec toutes les associations, organismes, entreprises du secteur concerné. Si on veut réaliser une Directive qui concerne les voitures particulières, on invitera les constructeurs, mais aussi des associations d'usagers, des associations d'opposants… Bref, le ban et l'arrière-ban de tous ceux qui peuvent avoir un avis, éclairé ou pas, sur la question.
Une fois la Directive élaborée, elle va passer à diverses moulinettes, le Parlement européen, les réunions des ministres concernés de tous les gouvernements. Et pour finir, par la réunion semestrielle des chefs de gouvernements.
Bref, comme d'autres, Jacques Delors a fait passer les textes qu'il a pu faire passer... Ce qui explique qu'à de très nombreuses reprises, il a demandé un texte sur l'Europe sociale, puisqu'il pensait que l'Europe devait marcher sur 2 jambes : une économie forte, mais aussi une politique de partage social permettant à tous les européens de vivre dignement.
Après, il y a le très gros problème entre pragmatistes et dogmatiques. Les dogmatiques de tous bords reprochent souvent aux gouvernants de mettre en place des mesures pragmatiques. Mais, lorsque les dogmatiques arrivent au pouvoir, soit ils mettent en place des lois inapplicables, car elles ne tiennent pas compte des réalités, soit ils essayent de forcer la réalité à se plier à leur dogmatisme. Mais, sur le long terme, ceux qui font réellement bouger la société, ce sont les pragmatiques.
Delors était conscient que l'Europe actuelle n'est pas une Europe idéale, mais il demandait qu'on complète son œuvre, plutôt que de la détruire.