Je ranime à nouveau ce vieux sujet pour essayer de clarifier ma vision de la société pré-féodale.
Ce qui me surprend toujours, c'est que les termes de "Moyen-Age" et "féodalité" sont quasiment indissociable dans la langage courant, alors que cette dernière ne concerne que la moitié du premier.
Donc, voici la vision que j'ai des sociétés mérovingiennes et carolingiennes.
- Les exploitations agricoles romaines perdurent, avec leurs esclaves.
- Les oppida gaulois sont remis en service, et servent de refuge en cas d'invasion. Ils ne servent pas en tant de paix.
- Des hommes libres, Francs, sont installés comme colons sur certains territoires. Ils continuent à former le gros de l'armée, l'ost, et sont mobilisables à tout moment. En pratique, seuls les Francs installé près du champ de bataille sont appelés.
- Les grandes familles, regroupées autour du roi/empereur, entretiennent des armées privées par des liens qui sont plus proches des réseaux de clientèles gallo-romains.
- Le souverain confie à chaque grandes familles la gestion d'une ou de plusieurs provinces, l'administration de l'époque ne permettant pas la centralisation. Ces provinces constituent des charges et le souverain peut théoriquement les reprendre à tout moment. Leur transmission n'est pas héréditaire.
Et si j'ai bien compris, la situation évolue au cours de la période carolingienne :
- Les paysans libres sont peu à peu écartés du service militaire
- Des contingents armés sont stationnés à demeure en certains endroits du royaume. D'abord autour des grands monastères, puis dans des places fortes qui sont cette fois occupées en permanence.
- Les corvées, et taxes particuliers pour l'entretien de ces armées sont peu à peu imposées à tous les paysans libres. Ceux-ci sont encouragés à céder leur terre au nouveau seigneur, chef de ladite force armée. A la fin, si l'esclavage a disparu, la quasi-totalité des paysans est plus ou moins dans le servage.
- Et bien sûr, l'octroi des terres se double d'un serment personnel, et ces octrois deviennent bientôt héréditaires. Et le pouvoir royal en pâtit.
Voilà, qu'en pensez-vous ?
Pour la disparition de l'esclavage, en plus des hypothèses déjà connues (prise de conscience religieuse, concurrence du servage...), j'avance une autre possibilité : tout simplement le tarissement des sources. En effet, Charlemagne construit son empire sur les expéditions militaires (contre les Saxons, les Avares, les Maures, les Slaves...) pourvoyeuses d'esclaves et de butin. Au fur et à mesure des avancées simultanées de la pacification, de la colonisation et de la christianisation, ces sources se tarissent. Les provinces se constituent en principautés qui entrent dans le jeu diplomatiques comme la Pologne.
Au prise avec une population d'esclaves privée d'apport extérieur, les propriétaires ont été contraints d'octroyer des marges de liberté de plus en plus grandes pour que cette main d'œuvre ne s'enfuit pas (car elle aurait été dure à remplacer) et se développe (car la natalité des esclaves est très basse).