La plupart des réponses sont simples : - d'un côté on a une armée de professionnels motivés, de l'autre des levées de faible qualité, tenues par l'obligation, qui ne sont qu'épaulées (et non encadrées !) par quelques contingents de professionnels des suites comtales ou royales. On peut demander beaucoup à la première, qui plus est composée de citoyens élevés dans la croyance de la supériorité de la république sur ses adversaires, qu'aux secondes. - la légion romaine disposait d'une solide organisation qui rationalisait le mouvement et le ravitaillement. Elle disposait des ressources d'un empire pour procéder à son entretien, si nécessaire, et les stocks disponibles permettaient de prévoir des campagnes des années à l'avance. L'empire carolingien ne dispose pas de telles capacités, et la planification des opérations est loin d'être aussi efficace que sous son glorieux prédécesseur. - relisez un fil sur la vitesse de déplacement de la cavalerie dans le forum Histoire militaire, et vous verrez qu'une cavalerie ne se déplace pas si vite que cela, notamment parce qu'elle a besoin de plages de repos conséquentes pour éviter que les montures ne meurent d'épuisement et de manque de soins. Surtout, une armée ne comprend pas que de la cavalerie, et c'est le rythme des plus lents qui impose celui de l'armée. Si la cavalerie peut avancer au rythme du cheval, le foin, lui, n'avancera qu'au rythme du char à boeufs qui le transporte... - le "roi-connétable" apparaît au Moyen-Age parce que le système de croyances le veut. Ce sont ses performances martiales qui prouvent qu'il est bien l'élu de Dieu, et sa survie dans la bataille, outre qu'elle inspire les soldats qui combattent à ses côtés, est une forme de jugement de Dieu. Si cela est déjà présent sous la république romaine, cela a moins d'importance, car le chef militaire est avant tout un officier de la république, nommé à ce poste par le Sénat ou l'empereur, pas par Dieu. A noter que certains empereurs justifient la pourpre qu'ils portent - qu'ils usurpent, fréquemment - pour la même raison : ce sont des chefs militaires victorieux. Il me semble qu'ils hésitent plus à se jeter dans la mêlée mais le destin de quelques-uns, au IIIe et au IVe siècles, me paraît toutefois indiquer que c'est le cas chez certains. Bref, la conséquence, c'est que le roi combat, il ne commande pas au-delà du petit groupe qui l'entoure. Dans tous les cas, il n'aurait guère su faire grand chose de plus en restant en retrait, puisque la manoeuvre en rase campagne est limitée à sa plus simple expression, avec une ligne de bataille en trois "batailles" (ailes gauche et droite, centre) qui affrontent un dispositif similaire, et que le plus fort s'impose ! En plus, le système d'estafettes est défaillant, et même si on créait un, à qui donneraient-elles des ordres ? Puisque les chefs des batailles sont également au coeur de la mêlée, et que dans le cas même où ils seraient aussi en retrait, leurs subordonnés seraient au contact ! Le système complexe de transmissions des ordres chez les Romains, par les étendards ou la musique, est oublié au Moyen-Age, et ne sera redécouvert qu'au XVe ou au XVIe siècles (j'avoue que je ne maîtrise pas le sujet de sa réapparition même si naïvement je pencherai pour une réapparition entre les Tercios espagnols en 1534 et les réformes de Maurice de Nassau ou de Gustave-Adolphe de Suède vers 1600-1620) et complétés par la mise en place d'une chaîne de commandement plus efficiente.
Les militaires médiévaux n'étaient pas plus idiots que n'importe qui. Si ces techniques romaines se sont perdues et n'ont pas été réinventées avant, c'est que l'outil qu'ils utilisaient n'auraient su qu'en faire. Seuls des professionnels bien entraînés, encadrés par une hiérarchie identifiée et éduquée dans l'art de la guerre, peuvent être commandés par des signaux conventionnels (musiques, drapeaux) avec efficacité. Ce n'est absolument pas le cas de levées miliciennes qui ne sont pas complétées par les professionnels des suites comtales, mais se superposent à eux tout au plus. Aucune hiérarchie militaire, cela implique de l'indiscipline et l'absence de capacités manoeuvrières. Bref, cela rend une armée très inefficace en rase campagne...
Les images hollywoodiennes ou mangaïsées, héroïques mais fortement teintées de préjugés modernes, de la guerre médiévale font beaucoup de mal à l'analyse historique du système militaire "technique" qui avait cours à cette époque et qui était très sommaire de force forcée tant les soldats étaient médiocres (car ce ne sont pas des professionnels entraînés*, pas en raison d'une infériorité intellectuelle ou physique quelconque !). Quand les soldats se seront réentraînés, cela donnera par exemple les stupéfiantes victoires suisses au XVe siècle, espagnoles au XVIe-XVIIe ou suédoises au XVIIe...
* Et que même s'ils le sont, ils s'entraînent à la quintaine et à la joute, c'est-à-dire aux performances martiales individuelles, en rien au combat groupé où la discipline fait la différence, comme l'ont suffisamment démontré les phalanges hoplitiques grecques ou macédoniennes puis la légion romaine qui ne fonctionnent que par la stricte discipline au combat de leurs soldats.
CNE503
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