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Prenons le cas d'une société où de nombreux membres, hommes ou femmes, se promènent avec des armes plus ou moins apparentes, et qu'une partie ne s'en serviront jamais pour combattre ...
Ce qui a été probablement le cas de la plupart des Scandinave de la période viking. On a tendance à voir toujours cette période comme ultra violente mais d'une part le phénomène viking (c'est à dire partir en expéditions d'exploration/commerce/pillage/guerrière) n'a concerné qu'une partie de la société scandinave d'alors (très difficile à estimer, j'ai lu des chiffre très bas (entre 5 et 10% de la population) et jusqu'à 40/50%.... Sachant qu'un viking ne l'est pas toute sa vie: un jeune pouvait prendre part à des expéditions puis rester au pays pour s'occuper de son domaine et de sa famille (le fait de s'être bien occupé de son domaine et de sa famille est d'ailleurs une qualité vraiment mise en valeur dans les inscriptions runiques, plus que les exploits guerriers).
D'autre part, certains éléments (les inscriptions runiques par exemple) laissent entrevoir une société beaucoup plus paisible que la culture guerrière et aristocratique qui ressort des poèmes épiques et des saga, qui sont une littérature aristocratique faisant état de valeurs d'une élite, et pas forcément de l'ensemble de la population (sachant que ces valeurs sont "parasitées" par les quelques siècles qui se sont écoulés entre la période viking et la rédaction des textes, sans parler des valeurs de leurs auteurs).
On a à faire à une société de paysans/artisans/commerçants mais qui n'était pas encadrées par des Etats forts (les "petits royaumes" scandinaves du début de la période viking ne sont rien d'autres que des aires d'influence de puissants chefs de clan aux frontières floues et fluctuantes, ou de manière plus déterminante l'aire de rattachement des thing (sachant qu'une "ville" seule comme Birka a son propre thing), et encore moins par une administration ou une organisation militaire (la seule chose qui l'évoque, c'est la "drott", la suite de fidèles des puissants qui forment de petits groupes de guerriers très soudés, comme la mesnie le sera plus tard sur le continent). Donc tous ces gens, relativement libre d'organiser leur vie comme ils l'entendent (avec l'énorme restriction des structures claniques: un individu n'a d'existence qu'à travers sa parentèle, mais qui pouvait être allégée par des organisations "parallèles", confréries guerrières, associations commerciales...etc.) pouvaient être amenés à se battre.
Etaient-ils des guerriers? Oui et non, épisodiquement: on a pas de distinction entre le domaine civil et le domaine militaire à cette époque et pour cette culture.
Comme chez les Celtes et les autres Germains (et comme aux USA aujourd'hui d'ailleurs!) l'arme est avant tout le symbole de l'homme libre. Tous les Boendr avaient le droit d'avoir et de porter des armes dans la Scandinavie de l'époque viking. Et ils pouvaient être amenés à s'en servir, y compris les américains aujourd'hui: le fait de porter les armes signifie qu'on peut assurer sa défense soit-même, et c'est donc un symbole d'autonomie, de liberté: on ne dépend pas d'un chef ou d'un Etat (même si dans les faits c'est plus complexe).
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En fait, on se rend compte que lorsque l'on se force à prendre le recul nécessaire, que la plupart des interprétations sont plutôt révélatrices de la mentalité de l'époque où elles furent énoncées. Et parce qu'il y a eu une nécessaire remise en cause, certains se croient autorisés à dénoncer un lobby féministe, ou pro-féministe. Mais, ne faudrait-il pas parler d'un lobby machiste pour les générations antérieures de préhistoriens ?
C'est exactement ce que je disais dans mes précédents messages.
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D'autres sont des armures d'apparat.
Je me suis posé beaucoup de questions sur ces armes d'apparat. S'il n'y a aucun doute sur les armures royales très ornementées de la Renaissance et après (au moment où le pouvoir royal se met en scène avec de plus en plus de faste), pour des périodes plus reculées, c'est moins évident.
Pour les Gaulois, on met systématiquement des objets comme le casque d'Agris dans la case "apparat". Idem pour les casques de Vendel et Valsgard en Scandinavie. J'ai peur que là encore il s'agisse de réflexes très contemporains. Ces casques, pour garder le même exemple, étaient parfaitement fonctionnels si ce ne sont les décorations extrêmement élaborées et fragiles qui auraient souffert du moindre coup porté. Mais pourtant dessous, on a des calottes en fer, qui ne se voient pas sous les décorations: pourquoi l'intégrer sur des casques d'apparat?
Je pense que ces décorations, au-delà de la fonction évidente d'afficher un statut social, pouvaient être lié à des croyances en des fonctions magiques, apotropaïques. Se protéger des sorts ennemis pouvait même être plus important, dans l'esprit des guerriers de l'époque, que se protéger de ses coups physiques.
En outre, les cultures anciennes ont toujours eu des traditions martiales ayant des dimensions mystiques. Le guerrier doit impressionner. La guerre est un acte religieux, une sorte de jugement des dieux où le héro doit tout faire pour être digne d'eux. Et cela passe par le faste de l’accoutrement guerrier: on ne rejoint pas les dieux attifés n'importe comment (de la même manière qu'on leur sacrifie ses plus beaux animaux, et pas la vieille carne prête à y passer).
Même si on est plus du tout dans cette dimension mystique et païenne, on retrouve ces aspects métaphysique jusqu'à la période contemporaine: le guerrier, le soldat se doit d'être élégant et d'en jeter par sa tenue (les vestes à brandebourg, les moustaches, les plumets et les dorures des uniformes napoléoniens par exemple). Et c'est assez universel: on retrouve ça dans toutes les cultures ayant pratiqué la guerre, des parures guerrières des indiens des plaines aux armures de samouraïs et leurs invraisemblables cimiers et Mempo (protection faciale de l'armure du samouraïs souvent sculptée en forme de visage grimaçant).
En tous cas, une chose est sûre: une arme, ce n'est pas un outil comme un autre, c'est un objet largement empreint de symbolique sociale, magique et religieuse, et en trouver dans une sépulture n'a rien d'anodin. On enterre pas quelqu'un avec une arme (à ces époques là) comme on l'enterrerait avec un sceau ou une paire de tenaille.