jovien a écrit :
La question difficile est celle de l'origine du passage de l'esclavage au servage.
Il me semble qu'on peut penser à différents types d'explications :
1° Une évolution technique qui a rendu l'esclavage moins rentable. Mais on ne voit pas laquelle. En particulier, l'esclavage a disparu avant la diffusion du moulin.
La technologie accompagne progressivement l'abandon de l'esclavage cela vient du fait que tout cela est assez lent du Vème au XIème siécle cela fait 600 ans d'évolution des pratiques agricoles.
Il y a l'apparition du moulin à vent (IXème) plus tardif que le moulin à eau (VIIème) dates valables pour la gaule.
L'OpenField en assolement triénal au nord de la France à partir du IVème siècle.
Le perfectionnement de la charrue gauloise avec l'addition des roues et le tractage par des boeuf ou des chevaux. L'introduction par les colons germanique de race de chevaux de labours : Frisons, Boulonnais.
La cognée : une hache à long manche qui permet d'utiliser plus massivement la ressource bois.
L'installations généralisée de forges dans chaques communautés paysannes importantes.
jovien a écrit :
2° Un "progrès de la conscience humaine" qui a fait qu'il a été progressivement perçu comme immoral de posséder des gens, de les acheter, de les vendre, de les faire travailler gratuitement. Ce progrès a notamment été véhiculé par le christianisme. Il a concerné les maîtres, les esclaves, et aussi les libres non propriétaires d'esclaves. Il a pu faire que par exemple les esclaves sont devenus moins dociles, il a fait que la loi les a protégés des punitions des maîtres, et a pu faire que les maîtres qui n'ont pas émancipé leurs esclaves ont été progressivement condamnés par l'opinion publique (par exemple que les religieux ont cessé d’avoir des esclaves, et que les laïcs les ont imités).
(Ce serait une cause du même ordre qui plus tard aurait fait passer du servage à la liberté).
L'origine très lointaine de ce progrès pourrait être la diffusion de l'écrit (avant la chute de l'Empire romain), laquelle amène à des attitudes universalistes.
C'est l'argument le plus contestable. Il y a de nombreux esclaves dans les abbayes au haut moyen age. Propriétés d'abbé laïc ou religieux. Ils étaient liés à la terres de l'abbaye et bénéficiaient de sa protection en cas de famine et d'invasion et de ce fait n'avait pas de raisons de se révolter.
jovien a écrit :
3° Une prise de conscience du fait que l'esclavage est peu rentable.
On a commencé par permettre à un esclave de conserver une part de sa production, par exemple l'esclave rural a disposé d'un jardin, ou d'une chèvre, et en échange on l'a moins nourri. Comme il a travaillé plus efficacement pour lui-même qu'il n'a travaillé pour le maître, progressivement il a disposé d'une petite exploitation.
(Le passage du servage à la liberté aurait une même cause : on se serait rendu compte qu'il est plus rentable de mettre toutes ses terres en fermages ou en métayages, plutôt que d'en faire cultiver certaines par des travailleurs non payés, qui sont peu motivés).
Mais comment expliquer la lenteur de cette prise de conscience ? Comment expliquer que Caton l'Ancien n'a pas compris qu'il aurait été plus rentable de diviser sa propriété en petites exploitations confiées à des travailleurs lui devant une part de leur production ?.
Il y a l'apparition de paysans libres, issue des migrations barbares à l'interieur de l'empire qui ont montré l'exemple et qui ont déclanché le mécanisme que vous décrivez ci dessus.
jovien a écrit :
Là aussi, l'origine très lointaine pourrait être la diffusion de l'écrit, qui inclinerait à des comportements plus réfléchis et plus rationnels.
Les exploitant agricole écrivent peu au moyen age
, ceci dit le capitulaire "De villis" et le "De ordine palatii" abbordent les bonnes pratiques agricoles et se diffuse largement auprés des abbayes. Ce point me parrait essentiel dans le rôle de recherche et dévelloppement agricole des abbés qui a contribué à la révolution de l'an 1000.
jovien a écrit :
La question, évidemment : pourquoi cet accroissement s’est-il fait par une augmentation du nombre de jours de travail effectué gratuitement sur les terres du seigneur, et pas par un accroissement des baux dûs par le paysan sur son exploitation ?
: c'est tout le problème actuel de l'externalisation dans les entreprises : vaut-il mieux pour le seigneurs produire en interne avec une main d'oeuvre corvéable, ou externaliser à un paysan libre ? cela va de pairs à considérer son coeur de métier de Bellatore ou de Laboratore.
jovien a écrit :
Ce qui me surprend le plus sur ces questions, c’est à quel point elles sont peu traitées par la littérature historique.
c'est vrai qu'on préfère parler des histoires de la cours des puissants plutot que celle des humbles campagnes !