A l'époque qui nous intéresse, la pierre est le matériau "noble" par excellence.
La pierre de taille est réservée aux éléments structurels des bâtiments : piédroits et linteaux des portails et de certaines baies, chaînages, colonnes, etc.
Utilisée en moellon, ou en pierre de petit appareil (parfois alternée de lits de brique), elle est mise en œuvre pour :
- les murs porteurs des bâtiments de prestige : cathédrales, palais, etc.
- les éléments défensifs les plus vulnérables : murailles, portes de ville, etc. (plutôt à l'époque précédente, fin de l'Empire et premières "invasions"),
- la fondation ou le soubassement de toutes sortes de bâtiments, quel que soit le matériau utilisé en superstructure.
Dans les deux cas, elle fait largement usage du remploi (recyclage de ce qui reste des édifices antiques).
Pour tout le reste, le bois est un matériau largement employé :
- pour le couvrement (voir ce mot plus haut) des bâtiments, quels qu'ils soient (prestigieux ou modestes) : charpentes apparentes ou pannes portant la toiture,
- pour les ouvrages intérieurs : cloisons non porteuses, par exemple, ainsi que pour des éléments de structure de petite taille ou de faible portée : les linteaux des petites baies, par exemple,
- pour les bâtiments et ouvrages dits "secondaires".
Dans cette dernière catégorie, vous pouvez mettre à peu près tout ce que vous voulez, aussi bien les poulaillers que le dortoir du chapitre, ... ou les galeries et espaces de passage que vous évoquez.
Attention toutefois au contresens qui nous guette ! L'idée d'une construction en bois ne doit pas évoquer pour nous une construction à bas prix, une architecture de huttes (pour humains mal dégrossis
). On est plus proche de la notion moderne d'
ossature-bois (un
must constructif et thermique, remis à l'honneur depuis quelques années), ou des
maisons à colombages qui font la gloire de régions comme l'Alsace ou la Normandie. Pensez aussi aux merveilles que sont les
stavkirke scandinaves, les
isbas russes, la Cité interdite à Pékin ou le temple d'Ise au Japon ...
Notez au passage que l'
ossature-bois, n'exclue pas et n'a jamais exclu la possibilité d'une fondation en pierre ...
Je n'évoque pas ici les autres matériaux ...
- ni ceux qui servent à la couverture : chaume, tuile, lauze et pierre en dalles, plomb ou tout autre métal, ...
- ni ceux qui servent pour les aménagements intérieurs : marbre (de remploi !), pierre fine, brique et terre cuite, etc., et évidemment, là encore, beaucoup de bois.
Ce (trop long) préalable étant posé, essayons de répondre à votre question :
que sait-on de l'usage du bois ?Vous posez comme évident que le bois laisse peu de traces archéologiques. En êtes-vous bien sûr ? Plus on avance, plus les traces (même très ténues) qu'il a laissé sont objet de recherche pour les archéologues. Vous n'imaginez pas ce que peuvent révéler la dendrochronologie et le C14 ! D'abord imparfaites, mais aujourd'hui de mieux en mieux documentées et étalonnées, ces techniques ont désormais une place de choix dans la recherche.
Admettons néanmoins que le bois ait totalement disparu, il laisse bien souvent
une trace de sa présence à l'interface avec les autres matériaux.
Prenons quelques exemples :
- une trace négative dans le mur, là où l'entrait ou la solive était fiché,
- inversement un corbeau (pierre en saillie), dont on comprend aisément qu'il portait quelque chose de lourd et massif, comme un plancher ou une pièce de charpente ...
- les restes d'une fondation, dont le volume, la forme et la répartition au sol disent immédiatement la lourdeur du matériau supporté : bois ou pierre, et donnent déjà une première indication sur la taille du bâtiment supporté (sans aller toutefois jusqu'à préciser le nombre d'étages - faut pas pousser ! )
- en l'absence de fondation, le sol qui garde en creux les points d'implantation des poteaux de bois directement fichés en terre (plus vrai pour l'âge du bronze et la haute antiquité que pour la période haut-médiévale)
- enfin, ou plutôt pour commencer, car c'est par là que les archéologues ont commencé, la lecture des archives et celle des plans (comme celui de Saint-Gall), qui prennent tout leur sens à la lecture des vestiges archéologiques.
Alors, oui ! Tout en laissant une part à l'inconnu, les reconstitutions comme celle que vous nous livrez donnent une image fiable à ce qui a pu exister.Espérant ne pas avoir été trop long
Jean-Mic