Je reprends et complète la référence de Palladius.
Dans
L'héritage des Charles. De la mort de Charlemagne aux environs de l'an mil. Tome 2 de la
Nouvelle Histoire de la France médiévale. Paris, Seuil, coll. « Points-Histoire », 1990, 282 p., Laurent THÉIS écrit :
« Le problème à régler est celui de la vacance des charges publiques. S'agissant des évêchés et des abbatiats, un clerc désigné par l'archevêque exercera l'intérim, en association avec le comte, jusqu'à ce que le roi se prononce sur le nouveau titulaire. De même, l'évêque participera à la gestion de l'intérim du comté, assuré par un groupe de fonctionnaires locaux.
Le point le plus significatif est qu'il est fait acception, dans ce règlement, des fils de fonctionnaires royaux. Il leur est reconnu, semble-t-il, une vocation naturelle, sinon juridique, à succéder à leur père dans son office et dans ses biens. Fait notable, la procédure est identique pour les enfants de vassaux royaux. Dans les deux cas, il reviendra au roi de confirmer la dévolution par une investiture officielle. Les mesures ainsi arrêtées revêtent sans doute un caractère exceptionnel et transitoire ; elles marquent bien, cependant, un progrès, dans les faits et dans les esprits, de l'hérédité des charges et des biens, et de la confusion grandissante entre les honneurs, publics, et les bénéfices, privés. Enfin, le droit d'intervention reconnu aux comtes dans l'administration des évêchés n'est pas, lui non plus, sans conséquence. Le contrôle des évêchés, élément capital du dispositif carolingien, tend à échapper pour partie au souverain. Les grandes abbayes, points d'appui considérables par leur richesse foncière, leurs équipes de guerriers, leur rayonnement spirituel, pour qui les détient, passent sous le contrôle des puissances locales ; des comptes s'en font nommer, s'en proclament abbés. [...] Le roi ne peut que confirmer cette pratique dont, aussi bien, il donne lui-même l'exemple, quitte à intervenir au moment de la succession, ou à la faveur d'une crise. » (p. 45)
« Outre ce qui touche aux honneurs et aux bénéfices, dont j'ai parlé plus haut, la préservation du patrimoine royal et le sort de la dynastie sont au cœur des décisions prises, ainsi que le fonctionnement détaillé de l'administration. Le mot d'ordre semble être celui-ci : que personne ne bouge jusqu'au retour de l'empereur. Charles sitôt parti, c'est tout l'inverse qui se produit.
Ce concile général de Quierzy et le capitulaire qui en procède sont, chez les Francs de l'Ouest, à peu près les derniers / du genre. Jamais plus, pour débattre de l'intérêt commun de l'Église et du peuple, ne se rassemblera, autour d'un prince qui la domine encore de très haut, l'aristocratie du royaume. L'état de la toute-puissance carolingienne jette à Quierzy ses derniers feux [...]. Encore tous les grands n'ont-ils pas déféré à la convocation impériale, et cela est déjà un signe [...] » (pp. 58/9).
Pierre RICHÉ,
Les Carolingiens. Une famille qui fit l'Europe. Paris, Hachette, 1983, rééd. coll. « Pluriel », 1993, 434 p., pp. 200-201, écrit quant à lui :
« Charles confie la régence à son fils Louis le Bègue et comme il se méfie de lui, il l'entoure d'évêques, d'abbés et de comtes sur qui il peut compter. [...] Il fait promettre aux grands de respecter les biens des églises et de sa famille. Il prévoit dans le détail la bonne marche des services administra-tifs : entretien des châteaux, surveillance des forêts, inventaire des têtes de gibier tuées par son fils pendant les chasses.
Les articles les plus célèbres de ce capitulaire et qui ont souvent été mal interprétés concernent les honneurs et les bénéfices qui viendraient à vaquer pendant l'absence de l'empereur. L'administration d'un évêché privé de son titulaire est provisoirement confiée à un conseil de gestion en attendant la décision de l'empereur. De plus si un comte meurt, on prévoit que son fils aidé des officiers du comté et de l'évêque gère la circonscription. Si un vassal meurt, sa veuve et ses enfants disposeront provisoirement de ses bénéfices. [...] Ces décisions, contrairement ce qu'on a dit, ne légitiment pas l'hérédité des « honneurs » et des bénéfices mais sont des mesures exceptionnelles. Elles n’en montrent pas moins l’évolution des institutions vassaliques. Le droit des fils des comtes et vassaux sont réservés, ce qui ne peut que satisfaire les grands assemblés à Quierzy. »
lafayette a écrit :
Je pensais mettre en problématique : " En quoi la promulgation du capitulaire de Quierzy peut-elle être vue comme un acte fondateur de la feodalité ?"
Il me semble qu'écrire cela c'est se limiter à un seul aspect du texte. On dirait plutôt qu'il s'agit d'abord (pour son promulgateur) d'une dernière tentative pour empêcher la dissolution du pouvoir suprême (et donc d'une résistance contre un processus de constitution de ce que nous appelons "féodalité") mais qui doit tenir compte et des pratiques de plus en en plus en cours (dont les siennes) et des rapports de forces.